« Avant-Propos » :

Dans sa définition du mot « Dialogue », le Dictionnaire de Trevoux, l’un des grands dictionnaires du XVIIIe siècle, rappelle que ce terme possède aussi une acception musicale : le dialogue se dit d’une « composition à deux voix ou à deux instruments, qui se répondent l’un à l’autre ». Le Trevoux précise aussi que, « souvent, se réunissant », les deux voix ou instruments « forment un trio avec la basse continue ». Or, en musique baroque, la basse continue permet de faire entendre les sons et les accords de l’harmonie. Réunis pour la première fois, les deux dialogues entre Jacques Derrida et Edouard Glissant correspondent à ce qu’annonce le Trevoux. Non seulement les dialogues présentés ici font résonner la « voix » singulière de chacun des deux penseurs, en éclairant les enjeux philosophiques, historiques et politiques de leurs œuvres, et en révèlent aussi « la basse continue », à savoir leurs affinités et leurs ressemblances. Ce que le Trevoux nomme les sons et les accords de l’harmonie. Afin d’accompagner ces deux dialogues, il nous a semblé utile de rappeler les circonstances de cette harmonie musicale, et, plus largement, de détailler l’histoire des rapports entre Derrida et Glissant, à la fois en Europe et aux Etats-Unis. Cette introduction a pour objectif de mettre en perspective les propositions théoriques de la déconstruction et de la créolisation, et de rappeler, pour Derrida et Glissant, les enjeux culturels et intellectuels de leurs échanges.