Cédric LAURENT
Citations littéraires et interprétations philosophiques dans les peintures narratives du Récit de la Source aux fleurs de pêcher
Dans les illustrations narratives de la Source aux fleurs de pêcher des XVIème et XVIIème siècles, le développement de l’histoire sur plusieurs scènes donne lieu à une iconographie très riche, mal connue, qui trouve son origine dans les interprétations du récit. En effet, certains détails peints qui n’illustrent pas directement le texte sont loin d’être insignifiants ; ils convoquent d’autres textes autour des notions d’immortalité et de retraite. Entre autres motifs analysés ici, celui de la cascade peut être mis en relation avec une conception de l’immortalité nouvelle au XVIème siècle et pourrait trouver son origine dans des pratiques méditatives préconisées à l’époque.
Alfreda MURCK
Degrés de clarté et d’obscurité dans les images chinoises
Cet article a pour objet l’examen des relations entre des symboles visuels clairement visibles et délibérément cryptés. Reposant sur une base linguistique commune, l’éventail de ces codes visuels pourrait être comparé à une forme de comète, comportant en tête un amoncellement de messages émis sans contrainte, dans la partie médiane des jeux de mots et des allusions de plus en plus obscurs, les plus difficiles à saisir se trouvant dispersés dans la queue de la comète, voire tout à fait invisibles. Dans un contexte où les conséquences politiques pouvaient être sérieuses, une telle ambiguïté était tout à fait intentionnelle. Les contrastes entre les images lisibles et obscures sont examinés selon treize catégories : les destinataires, l’intention, la visibilité, le mode, la temporalité, la saison, les conséquences, le type d’exposition, les sources et les origines, l’oralité, le décorum, la quantité et la stabilité.
Timon SCREECH
Encoder “la Capitale” à Edo
Cet article se propose d’examiner la façon par laquelle Edo (l’actuelle Tôkyô) a été construite au sein de la plaine déserte de Musashi, et de quelle manière la capitale shôgunale est devenue le centre symbolique du pays au pont de Nihon-bashi. Nous montrerons également comment le plan d’Edo évoquait certains aspects cruciaux de l’ancienne capitale (Kyô ou Kyôto). Edo constituait une ville entièrement nouvelle et ses maîtres, les Tokugawa, pouvaient la façonner à leur guise. Dans la direction la plus importante, le secteur nord-est (la “porte des démons” ou kimon), ils choisirent de rassembler un certain nombre de bâtiments de façon à faire intentionnellement allusion à la capitale impériale. il s’agissait là d'”encoder” de façon délibérée Kyôto au sein de la ville qui, après 1602, devint la capitale shôgunale. L’organisation d’Edo a déjà été considérablement étudie, mais les points examinés ici n’ont jamais fait l’objet d’une analyse systématique.
Claire-Akiko BRISSET
Art bouddhique et cryptographie : la “Salut des femmes” dans le Japon du XIIème siècle
Venue de Chine, la pratique rituelle de la copie des sutra bouddhiques connut une vogue extraordinaire au sein de la cour japonaise pendant les XIème et XIIème siècles. Avec le temps, ces copies devinrent de plus en plus luxueuses et se virent agrémentées de peintures chargées d’illustrer le contenu des textes sacrés. Appartenant à l’un des ensembles les mieux préservés du corpus, le Heike nôkyô (1164), une peinture présente des caractéristiques très intéressantes au regard de la problématique des codes visuels. Grâce à une stratégie cryptographique particulièrement complexe, elle propose une mise en images performative du dogme du “Salut des femmes” exposé dans le sutra. Cet article se propose de revenir sur cette oeuvre qui, bien que très connue, n’a pas encore bénéficié de toute l’attention nécessaire.
Marianne SIMON-OIKAWA
Le temps codé : les calendriers en images (egoyomi) au Japon
En 1765, quelques amateurs fortunés se passionnèrent pour de petits calendriers (koyomi) d’un genre nouveau, qui indiquaient à l’aide d’images (e) la longueur et l’alternance des mois de l’année à venir. Les “calendriers en images” (egoyomi) étaient nés. Comme dans un code, les informations calendaires devaient être déduites de l’observation d’éléments cryptés, incessibles au plus grand nombre, mais parfaitement connus des amateurs. L’analyse se propose, à partir d’exemples choisis, de dégager quelques-unes des règles utilisées pour crypter les informations à transmettre, et des compétences mobilisées pour les déchiffrer.
Béatrice FRAENKEL
Comment ne s’adresser qu’à quelques-uns ? Remarques sur la cryptographie de tradition alphabétique
Cet article se propose d’examiner le concept de cryptographie dans la tradition alphabétique occidentale selon trois paradigmes : celui du chiffre selon les propositions de Leon Battista Alberti (1404-1472), qui implique tout autant la communication que le secret ; celui de l’échange épistolaire, selon la théorie élaborée par Georg Simmel (1858-1918) – le contenu de la lettre étant cette fois préservé par l’habitus moral de l’ethos lettré ; et celui de l’allusion discrète qui, dans un contexte politique dangereux, exige du lecteur une attention particulière et un habitus cognitif susceptible de lui permettre de lire entre les lignes, selon Leo Strauss (1899-1973). Ces trois modalités permettent de garantir à des degrés divers et dans des contextes différents la protection d’un contenu, et servent de cadre à une réflexion plus générale sur le code.
Michel PASTOUREAU
Une écritures en images : les armoiries parlantes
Dès les débuts de l’héraldique au XIIème siècle, les “armoiries parlantes” ont associé un signifiant iconique à un signifié onomastique (le nom de la lignée ou de l’individu) par une relation motivée, plus ou moins évidente à repérer et à interpréter. Cette relation d’ordre linguistique pouvait être de plusieurs natures : figurations littérales ou monosémiques, jeux de mots, jeux d’homophonie ou rébus, parétymologies, etc. Dans le cadre de ce recueil sur les codes visuels, cet article a pour objectif d’en présenter les principales modalités et d’attirer l’attention sur le problème posé par le repérage et l’interprétation de ce lien philologique, parfaitement intelligible pour les contemporains et parfois indétectable aujourd’hui.