Paris 8, Université des Créations

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 200
Langue : français
À paraître le : 04/09/2025
EAN : 9782379245442
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379245442

Charles VI ou les paradoxes d’un règne

N°88/2025

Le long règne de Charles VI a longtemps été considéré comme une catastrophe, pourtant les arts et les lettres ont fleuri à sa cour, tandis que sa folie même stimulait la réflexion politique : tels sont les paradoxes ici analysés.

Le dossier rassemble 3 contributions d’historiens et 5 contributions de littéraires dans une analyse croisée des discours produits sur la figure de Charles VI par ses contemporains puis par les historiens. Les historiens, longtemps attachés à l’histoire des faits politiques, ont été longs à voir la modernité de ce règne, riche en production idéologique et en création littéraire.

Dominique Demartini
Avant-propos

Claude Gauvard
Le règne de Charles VI : un temps de crise ?

Olivier Mattéoni
Bernard Guenée, Charles VI et le Religieux de Saint-Denis

Dominique Demartini
Christine de Pizan, Charles VI et la faille dans le miroir

Fabrice Delivré
Charles VI et le pouvoir royal en temps de schisme

Michelle Szkilnik
Le loup, la belette et le pasteur : Rome et Avignon dans le Songe du Vieil Pelerin

Claire Le Ninan
Le Livre de la Cité des dames de Christine de Pizan, ses sources et la circulation des textes littéraires sous le règne de Charles VI

Jean-Claude Mühlethaler
Prestige des « philosophes » : les auteurs en quête de légitimité au temps de Charles V

Bénédicte Milland-Bove
L’image de Charles VI dans le Journal des demoiselles sous le règne de Louis-Philippe (1833-1848)
Essais et recherches

Benoît Grévin
Comprendre l’usage du « pseudo-grec » et du « pseudo-hébreu » au xiiie siècle. L’Exoticon attribué à Alexandre de Halès

Claire Clément
Barbier du pape, chirurgien dans la cité. Questionner le statut et l’activité médicale d’un obligé du pontife, Robin de Singallo (-1381)
Point de vue

Didier Boisseuil
Quelques publications récentes sur la Toscane et l’Italie médiévales

Notes de lecture
Danièle Alexandre-Bidon, Nadège Gauffre Fayolle, Perrine Mane et Mickaël Wilmart éd., Le Vêtement au Moyen Âge. De l’atelier à la garde-robe, (Émeline Retournard); Franck Collard et Évelyne Samama (dir.), Ani-maux. Souffrances animales, remèdes humains. Antiquité, Moyen Âge, Époque moderne (Donovan Giraud) ; Chiara Croci et Vladimir Ivanovici éd., Entre terre et ciel. Les édifices à coupole et leur décor entre l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Études de Lettres (Nicolas Delferrière)

Livres reçus

Claude Gauvard

Université Paris I Panthéon-Sorbonne (LaMOP)

Le règne de Charles VI : un temps de crise ?

Le règne de Charles VI a fait l’objet d’un important renouvellement historiographique depuis les années 1970. Longtemps considéré comme un temps de faiblesse du pouvoir, il est en fait un moment clé du développement de l’État moderne en raison même des crises qu’il traverse, guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, Grand Schisme, guerre contre les Anglais. Les factions aristocratiques qui prennent le pouvoir dès 1380, puis s’affrontent pendant la guerre civile à partir de 1405, stimulent le développement des institutions. Les princes contribuent à développer les impôts même s’ils les lèvent à leur profit tandis que les officiers royaux, en particulier dans le domaine de la justice, s’affirment comme un corps et défendent l’intégrité de la couronne en devenant pars corporis regis. En même temps, malgré la folie du roi et malgré ou grâce aux révoltes, le peuple reste attaché à la personne du souverain si bien que le règne promeut les deux corps du roi.

  • Charles VI, État moderne, guerre civile, impôts, officiers royaux

 

 

Olivier Mattéoni

Université Paris I Panthéon-Sorbonne (LaMOP)

Bernard Guenée, Charles VI et le Religieux de Saint-Denis

La Chronique du Religieux de Saint-Denis, écrite par Michel Pintoin, est un texte qui a beaucoup retenu l’attention de Bernard Guenée dans la dernière partie de sa vie d’historien. Il en a livré une étude précise dans différents articles et plusieurs livres, qui ont permis de mieux comprendre le règne de Charles VI. C’est un retour sur les travaux réalisés par le grand historien que le présent article, à la portée historiographique, entend proposer. Après avoir relu l’ouvrage sur l’assassinat du duc d’Orléans, paru en 1992, qui doit être compris comme une étude de la société politique du temps de Charles VI, l’article montre comment B. Guenée a analysé la façon d’écrire l’histoire de Michel Pintoin, caractérisée par l’insertion de sources – ordonnances, textes royaux – au sein du récit, témoignant de la proximité de l’auteur avec la chancellerie royale. Dans le même temps, le chroniqueur de Saint-Denis a su emprunter aux classiques latins les mots et les passages pour décrire certains faits, à l’image de la description du viol de la dame de Carrouges, empruntée au récit du viol de Lucrèce par Tite-Live. À la suite, l’article examine les deux livres de Bernard Guenée construits à partir du texte de Michel Pintoin, celui sur la folie du roi (2004) et celui sur l’opinion publique (2002). Leur lecture montre que, dans le contexte de désarroi suscité par cet événement extraordinaire qu’a été la folie de Charles VI, le moine de Saint-Denis a répondu à la faiblesse du pouvoir royal qui en découlait par une exaltation de la majesté et de l’autorité royale.

  • Charles VI, écriture de l’histoire, historiographie, Michel Pintoin, pouvoir royal, Saint-Denis, société politique

 

 

Dominique Demartini

Université Sorbonne nouvelle (CERAM, EA 173)

Christine de Pizan, Charles VI et la faille dans le miroir

Si l’œuvre de Christine de Pizan se pense comme un miroir des princes, Charles VI pourrait parfaitement figurer la faille dans ce miroir. Contrairement à son père, Charles V, ce roi y brille par son absence. Une absence que l’on est tenté d’associer aux « absences » du roi, terme par lequel ses contemporains désignaient les crises de folie qui le tenaient régulièrement éloigné du gouvernement. Cet article s’attache à montrer comment l’œuvre de l’écrivaine investit la vacance royale pour combler, colmater les failles qui risquent de faire chanceler le royaume ; elle en fait un espace fécond de restauration, de réflexion, et d’abord, de représentation. En effet, de même que lors des obsèques du roi, on avait eu recours à un mannequin de cire pour représenter le corps irreprésentable du roi, la décomposition du pouvoir royal qui menace le gouvernement de la France conduit Christine de Pizan à construire, à partir de ce roi irreprésentable, et pour lui, d’autres modes de présence, une représentation polymorphe dans laquelle se dessinent un espace de restauration, ainsi qu’une forme de théorisation du pouvoir royal.

  • Christine de Pizan, Charles VI, représentation, royauté

 

 

Fabrice Delivré

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (LaMOP)

Charles VI et le pouvoir royal en temps de schisme

Le règne de Charles VI, qui coïncide avec le Grand Schisme d’Occident, a vu se développer la conviction selon laquelle le roi de France, à l’exemple de ses prédécesseurs, s’est toujours illustré par sa faculté à apaiser les schismes et à rétablir sur le siège apostolique les papes légitimes qui en avaient été chassés. Enraciné dans le Liber pontificalis, dont les versions glosées de Pierre Bohier circulent à partir des années 1380, le motif se décline dans les prophéties de Télesphore de Cosenza, l’ecclésiologie de l’Anonyme dominicain et la littérature politico-allégorique d’Honoré Bovet. Devenue un emblème de la « nation France » et de la mission souveraine de son roi, l’idée suscita la riposte d’auteurs germaniques qui, tels Heinrich von Langenstein et Dietrich von Nieheim, contestèrent pareil monopole et insistèrent sur l’action des rois des Romains et des empereurs dans la résolution des schismes.

  • eschatologie, Liber pontificalis, prophétie, royauté, schisme

 

 

Michelle Szkilnik

Université Sorbonne Nouvelle (CERAM, EA 173)

Le loup, la belette et le pasteur : Rome et Avignon dans le Songe du Vieil Pelerin

La question du schisme dans l’Église préoccupait beaucoup Philippe de Mézières. Dans le Songe du Vieil Pelerin, malgré un traitement plus favorable de Clément VII, il semble renvoyer dos à dos la cour de Rome et celle d’Avignon, comme le montre la comparaison du plaidoyer que le loup Ysengrin adresse à la reine Vérité et les discours provocants des trois vieilles sœurs venues défendre leurs besants devant la reine et ses compagnes. Mais Philippe fonde son espoir d’une réconciliation sur le jeune Charles VI et la croisade qu’il souhaite lui voir mener.

  • Avignon, Clément VII, croisade, pape, Rome, schisme

 

 

Claire Le Ninan

Université Sorbonne Nouvelle, CERAM (EA 173)

Le Livre de la Cité des dames de Christine de Pizan, ses sources et la circulation des textes littéraires sous le règne de Charles VI

Le Livre de la Cité des dames de Christine de Pizan est une compilation qui puise sa matière dans d’autres textes. Certaines de ces œuvres sont bien connues à l’époque de Christine, c’est le cas de l’Histoire ancienne jusqu’à César ou du Miroir historial de Vincent de Beauvais, traduit par Jean de Vignay. D’autres ont fait l’objet de traductions récentes, comme les Cleres et nobles femmes de Boccace ou les derniers livres des Faits et dits remarquables de Valère Maxime. L’étude de quelques emprunts nous amène à nous interroger sur la façon dont Christine a pu avoir accès à ces sources. Si le rôle des bibliothèques des princes dans la circulation des textes auprès de l’écrivaine a souvent été évoqué, le milieu des artisans du livre a pu être, pour elle, une autre façon d’avoir connaissance des œuvres nouvelles.

  • Christine de Pizan, Livre de la Cité des dames, sources, bibliothèque, artisans du livre

 


Jean-Claude Mühlethaler

Université de Lausanne

Prestige des « philosophes » : les auteurs en quête de légitimité au temps de Charles VI

La base de données Clerc 6 (Université de Lausanne) recense les termes utilisés pour construire une posture d’auteur (son éthos) dans quelque 250 œuvres rédigées sous Charles VI. Parmi ceux-ci, nous avons retenu le qualificatif de philosophe (moins étudié que les notions concurrentes de poète ou d’orateur) en vue d’en dégager les enjeux socio-culturels. Des nuances et des effets de sens se dessinent en fonction des contextes dans lesquels le terme est utilisé, en fonction aussi des relations (de similitude ou d’opposition) qu’il entretient avec d’autres expressions renvoyant à l’auctoritas de l’auteur en quête de reconnaissance, la légitimité de l’écriture et la réception, parfois aléatoire, de l’œuvre par ses premiers lecteurs.

  • auteur, Charles VI, éthos, lecteur, orateur, philosophe, poète

 


Bénédicte Milland-Bove

Université Sorbonne Nouvelle, CERAM (EA 173)

L’image de Charles VI dans le Journal des demoiselles sous le règne de Louis-Philippe (1833-1848)

Le règne de Charles VI a-t-il laissé, selon les mots de Françoise Autrand, un « mauvais souvenir » ? Cet article propose d’examiner une source bien particulière, puisqu’il s’agit d’un périodique pour jeunes filles, à une époque charnière dans la constitution de la mémoire nationale, le règne de Louis-Philippe. Si l’ensemble des articles atteste de la culture historique poussée offerte aux jeunes filles de la Monarchie de Juillet, un texte curieux d’Adolphe Jadin attribue au roi fou et à sa cour, de façon sans doute plus fantaisiste, l’origine et la diffusion de la mode des poupées. Face à un roi-enfant et féminisé, est également présente la reine Isabeau, véritable figure noire d’un règne dont l’image n’est au total pas si négative. Quelques pistes sont également proposées pour explorer la place du roi fou dans l’imaginaire médiévaliste du grand public, du XIXe siècle à l’époque contemporaine.

  • Charles VI, culture historique, Journal des demoiselles, jeunesse, médiévalisme, presse féminine

 

 

Benoît Grévin

CNRS-CRH (UMR 8558)

Comprendre l’usage du « pseudo-grec » et du « pseudo-hébreu » au XIIIe siècle. L’Exoticon attribué à Alexandre de Halès.

L’Exoticon attribué à Alexandre de Halès est un poème didactique créé au début du XIIIe siècle. Il se compose d’une suite de diptyques composés en hexamètres dactyliques, à partir de mots grecs, hébraïques et araméens, pour former autant de pseudo-phrases. Des commentaires latins, parfois renforcés par des équivalences lexicales en langue vernaculaire, proposent une interprétation de ces petites sentences. Le présent article vise à montrer comment une étude de ce texte permet de dépasser la vision négative traditionnelle qui a accompagné les œuvres de ce genre. L’Exoticon témoigne certes de l’existence d’une culture pseudo-hébraïque et pseudo-grecque qui n’avait pas grand-chose à voir avec la connaissance réelle de ces deux langues, mais il possède une logique pédagogique et linguistique qui vaut la peine d’être étudiée : elle permet de mieux comprendre certains aspects de l’apprentissage linguistique et du rapport aux langages au XIIIe siècle.

  • Alexandre de Halès, araméen, grec, hébreu, langage, latin, métrique, pédagogie, scolastique


 

Claire Clément

Avignon Université, CIHAM

Barbier du pape, chirurgien dans la cité. Questionner le statut et l’activité médicale d’un obligé du pontife, Robin de Singallo (†1381)

Cet article est tiré d’un travail d’archives réalisé dans le cadre de ma thèse. Il porte sur la trajectoire d’un barbier du pape, soit un acteur de santé issu de l’apprentissage et non de l’université, dont les compétences médicales sont a priori limitées. Reconstituer sa trajectoire à partir des archives romaines et avignonnaises, c’est mettre en lumière les voies d’accès à une notabilité médicale au XIVe siècle. Cet homme, Robin de Singallo, parvient à jouir de rémunérations et de considérations de la part de la papauté qui le placent au même rang que certains praticiens de la cour. Les deux papes qu’il sert successivement lui confient des missions d’importance auprès d’autres souverains. Il devient également l’un des experts, en tant que barbier-juré, du tribunal de la cour d’Avignon. Il suit le pape Grégoire XI à Rome où il prête ses talents aux pauvres romains. Faire la micro-histoire de ce praticien de santé permet donc de questionner la porosité des hiérarchies médicales dans le cadre de la cour pontificale.

  • chirurgie, expertise, médecine, papauté

 

 

Quelques publications récentes sur la Toscane et l’Italie médiévales

Didier Boisseuil

Université de Tours

historiographie, État, Italie, Toscane

Claude Gauvard

Université Paris I Panthéon-Sorbonne (LaMOP)

The Reign of Charles VI : a Time of Crisis ?

The reign of Charles VI has been the subject of a major historiographical renewal since the 1970s. Long considered a time of weak power, it was in fact a key moment in the development of the modern State, due to the crises it underwent : civil war between Armagnacs and Burgundians, the Great Schism, war against the English. The aristocratic factions that seized power from 1380 onwards, then clashed during the civil war from 1405 onwards, stimulated the development of institutions. The princes contributed to the development of taxes, even if they levy them for their own benefit, while the royal officers, particularly in the field of justice, asserted themselves as a body and defended the integrity of the crown by becoming pars corporis regis. At the same time, despite the king’s madness and despite or thanks to the revolts, the people remained attached to the person of the sovereign, so that the reign promoted the king’s two bodies.

  • Civil war, Charles VI, modern state, royal officers, taxes

 

 

Olivier Mattéoni

Université Paris I Panthéon-Sorbonne (LaMOP)

Bernard Guenée, Charles VI, and the Religious of Saint-Denis

The Chronicle of the Religious of Saint-Denis, written by Michel Pintoin, is a text that greatly captured the attention of Bernard Guenée. He provided a precise study of it in various articles and several books, which helped to better understand the reign of Charles VI. This article, with its historiographical scope, aims to revisit the work of the great historian. After rereading the book on the assassination of the Duke of Orléans, published in 1992, which should be understood as a study of the political society of Charles VI’s time, the article shows how Bernard Guenée analyzed Michel Pintoin’s way of writing history. The use of sources — such as ordinances and royal texts — which are inserted or summarized within his writing, shows Michel Pintoin’s ties with the royal chancery. At the same time, the chronicler of Saint-Denis knew how to borrow words and passages from Latin classics to describe certain events, such as the description of the rape of the lady of Carrouges, borrowed from Tite-Live’s account of the rape of Lucretia. Following this, the article examines Bernard Guenée’s two books based solely on Michel Pintoin’s text : one on the madness of the king (2004) and the other on public opinion (2002). Their reading shows that, in the context of the distress caused by the extraordinary event of Charles VI’s madness, the monk of Saint-Denis responded to the resulting weakness of royal power with an exaltation of royal majesty and authority.

  • Charles VI, historiography, Michel Pintoin, political society, royal power, Saint-Denis, writing history

 

 

Dominique Demartini

Université Sorbonne nouvelle (CERAM, EA 173)

Christine de Pizan, Charles VI and the crack in the mirror

If Christine de Pizan’s work is to be seen as a mirror of princes, Charles VI could well represent the flaw in this mirror. Unlike his father, Charles V, this king is conspicuous by his absence. An absence that we are tempted to associate with the king’s “absences”, the term by which his contemporaries referred to the fits of madness that regularly kept him away from government. This article sets out to show how the writer’s work invests the royal vacancy with a view to bridging the gaps that threaten to topple the kingdom; she turns it into a fertile space for restoration, reflection and, above all, representation. In the same way that a wax mannequin was used to represent the king’s unrepresentable body at his funeral, the decomposition of royal power that threatens the government of France leads Christine de Pizan to construct, from this unrepresentable king, and for him, other modes of presence, a polymorphous representation in which a space for restoration takes shape, as well as a form of theorization of royal power.

  • Christine de Pizan, Charles VI, kingship, representation

 


Fabrice Delivré

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (LaMOP)

Charles VI and Royal Power in Times of Schism

The reign of Charles VI, which coincided with the Great Western Schism, saw the development of the belief that the king of France, following the example of his predecessors, always distinguished himself by his ability to appease schisms and restore to the apostolic see the legitimate popes who had been expelled from it. Rooted in the Liber pontificalis, the glossed versions of which by Pierre Bohier circulated from the 1380s onwards, the motif is found in the prophecies of Telesphorus of Cosenza, the ecclesiology of the Anonymous Dominican and the political allegory of Honoré Bovet. Having become an emblem of the ‘nation France’and the sovereign mission of its king, the idea provoked a response from Germanic authors such as Henry of Langenstein and Dietrich of Nieheim, who challenged this monopoly and emphasised the role of kings of the Romans and emperors in resolving schisms.

  • eschatology, kingship, Liber pontificalis, prophecy, schism

 

 

Michelle Szkilnik

Université Sorbonne Nouvelle (CERAM, EA 173)

The Wolf, the Weasel and the Shepherd : Rome, Avignon, and the Songe du Vieil Pelerin

The question of the schism in the Church was a major concern for Philippe de Mézières. In the Songe du Vieil Pelerin, despite a more favourable treatment of Clement VII, Philippe seems to refuse to side either with the court of Rome or that of Avignon, as shown by the comparison of the plea that Ysengrin the wolf addresses to Queen Vérité and the provocative speeches of the three old sisters who came to defend their besants before the queen and her companions. But Philippe bases his hope for a reconciliation on the young Charles VI and the crusade that he, Philippe, wants to see him lead.

  • Avignon, Clement VII, crusade, pope, Rome, schism

 

 

Claire Le Ninan

Université Sorbonne Nouvelle, CERAM (EA 173)

Christine de Pizan’s Livre de la Cité des dames, its sources and the circulation of literary texts under the reign of Charles VI

The Book of the City of Ladies by Christine de Pizan is a compilation that draws its material from other texts. Some of these works were well known in Christine’s time, such as the Histoire Ancienne jusqu’à César or the Mirroir Historial by Vincent de Beauvais, translated by Jean de Vignay. Others have been the subject of recent translations, such as Boccaccio’s Cleres et Nobles Femmes or the latest books of Valerius Maximus’ Facta et dicta memorabilia. The study of some borrowings leads us to question how Christine could have had access to the most recent sources. While the role of princes’ libraries in the circulation of texts to the writer has often been discussed, the book artisans’ milieu could have been another source of access to new works for her.

  • book craftsmen, Christine de Pizan, library, Livre de la Cité des dames, sources

 

 

Jean-Claude Mühlethaler

Université de Lausanne

Prestige of the “philosophers”: Authors in Search of Legitimacy at the Time of Charles VI

The Clerc 6 database (University of Lausanne) lists the terms used in about 250 works written during the reign of Charles VI to construct the posture of an author (his/her ethos). Among these terms we have retained the term of “philosophe” in order to clarify the its socio-cultural stakes: the term has been less studied than the competing notions of “poet” or “orator”. The article shows how nuances emerge and meanings change according to the contexts in which the term is used and clarifies its relations (of similarity or opposition) with other terms referring to the auctoritas of an author in search of recognition, the legitimacy of writing, and the sometimes hazardous reception of the work by its contemporary readers.

  • author, Charles VI, ethos, orator, philosopher, poet, reader

 

 

Bénédicte Milland-Bove

Université Sorbonne Nouvelle, CERAM (EA 173)

The image of Charles VI in the Journal des demoiselles during the reign of Louis-Philippe (1833-1848)

Did the reign of Charles VI leave, in the words of Françoise Autrand, a “bad memory”? This article examines a very specific source — a magazine for young girls — at a pivotal time in the constitution of national memory, the reign of Louis-Philippe. While the articles as a whole attest to the advanced historical culture available to young girls of the Monarchie de Juillet, a curious text by Adolphe Jadin attributes the origin and spread of the doll craze to the mad king and his court. Queen Isabeau also appears opposite the childlike, feminized king, a black figure in a reign whose image is not all that negative. A number of avenues are also suggested for exploring the place of the Mad King in the medievalist imagination of the public, from the 19th century to the present days.

  • Charles VI, Journal des demoiselles, historical culture, medievalism, women’s press, youth

 

 

Benoît Grévin

CNRS-CRH (UMR 8558)

Understanding the Use of ‘pseudo-Greek’ and ‘pseudo-Hebrew’ in the Thirteenth Century. The Exoticon attributed to Alexander of Hales.

The Exoticon attributed to Alexander of Hales is a didactic poem created in the early 13th century. It consists of a series of diptychs composed in dactylic hexameters, using Greek, Hebrew and Aramaic words to form pseudo-phrases. Latin commentaries, sometimes reinforced by lexical equivalents in the vernacular, offer interpretations of these short sentences. The aim of this article is to show how a study of this text can overcome the traditional negative view that has accompanied works in this genre. The Exoticon certainly bears witness to the existence of a pseudo-Hebrew and pseudo-Greek culture that had little to do with actual knowledge of these two languages, but it possesses a pedagogical and linguistic logic that is well worth studying: it allows us to better understand certain aspects of language learning and the relationship to languages in the 13th century.

  • Alexander of Hales, Aramaic, Greek, Hebrew, language, Latin, metrics, pedagogics, scholasticism

 


Claire Clément

Avignon Université, CIHAM

Pope’s Barber, Surgeon in the City. Questioning the Status and Medical Activity of One of the Pontiff’s Servants, Robin de Singallo (†1381)

This article is based on archival work carried out as part of my thesis. It analyses the career of a papal barber, a health practitioner who came from an apprenticeship rather than a university, and whose medical skills were therefore supposedly limited. Reconstructing his career path on the basis of Vatican and Avignon archives sheds light on the pathways to medical prominence in the 14th century. This man, Robin de Singallo, enjoyed remuneration and consideration from the papacy that placed him on a par with certain court practitioners. The two popes he successively served entrusted him with important missions with other sovereigns. As a sworn barber, he also became one of the experts at the court of Avignon. He followed Pope Gregory XI to Rome, where he lent his talents to the Roman poor. Drawing up a micro-history of this health practitioner allows us to question the porosity of medical hierarchies in the context of the papal court.

  • expertise, medicine, papacy, surgery

 

 

Quelques publications récentes sur la Toscane et l’Italie médiévales

Didier Boisseuil

Université de Tours

historiography, Italie, state, Tuscany

Dominique Demartini


Avant-propos

Dans le sillage de la journée organisée le 21 octobre 2022 pour le 600e anniversaire de la mort de Charles VI 1, cet ensemble d’articles voudrait faire saillir quelques lignes de force du long règne (1380-1422) d’un roi autant bien-aimé qu’empêché de gouverner par la folie, et souligner une nouvelle fois son caractère paradoxal dans l’histoire politique de la France 2. En effet, en dépit de la maladie du roi, de la crise religieuse, de la guerre civile et de la guerre contre l’Angleterre, l’État continue de se construire, comme l’ont montré de nombreux historiens à la suite de Bernard Guenée 3, qui font du règne de Charles VI un moment fascinant de l’histoire de France, tant sur le plan culturel que social et politique. Le présent dossier s’attache à prolonger cette réflexion. Autour d’une figure royale, entourée de grands auteurs comme Philippe de Mézières, Jean Froissart ou Christine de Pizan, il réunit historiens et littéraires afin de croiser perspectives théoriques et méthodes en vue de saisir, au cœur de la crise, entre rupture et renforcement, le subtil « enlacement entre les deux corps du roi 4 », qui scelle la définition du pouvoir royal.

C’est à rappeler le faisceau d’éléments, accroissement des officiers royaux, consolidation des institutions, attachement au simple corps du roi, qui ont transformé le règne d’un souverain faible en temps fort de la genèse de l’État moderne que s’attache l’article liminaire de Claude Gauvard 5.

Un premier ensemble de contributions développe la construction de l’État et le renforcement du pouvoir royal. À la lecture des travaux de Bernard Guenée sur Charles VI, Olivier Mattéoni identifie trois phénomènes que la folie du roi a contribué à renforcer : l’identification de la royauté « moins à la personne du roi », « qu’à la majesté et à l’autorité royales », à « la religion royale » et à « l’amour du roi », trois des principaux ressorts du succès de la royauté 6. La perspective littéraire, adoptée par Dominique Demartini, rejoint ces conclusions. L’œuvre de Christine de Pizan investit la vacance royale pour combler les failles qui menacent de faire chanceler le royaume ; en donnant corps autrement au roi absent, elle en fait un espace fécond de restauration et de réflexion, et avant tout de représentation du pouvoir royal 7.

Un second dialogue entre historien et littéraire s’articule autour de la question du schisme (1378-1417) qui déchira la chrétienté tout au long du règne de Charles VI. À travers la littérature ecclésiologique, prophétique et politico-allégorique de ce règne, Fabrice Delivré s’attache à éclairer la façon dont s’est forgée la devise qui élève le roi de France au rang de celui qui apaise les schismes ; un monopole qui s’est construit, au temps du Grand Schisme, au bénéfice de Charles VI 8. La voix de Philippe de Mézières, comme le montre Michelle Szkilnik, à travers le Songe du vieil Pelerin (1389), reprend cette idée en la nuançant. Avec la fiction allégorique, la solution pour Mézières est tout autant morale que politique : la réunification de l’Église passe par une réforme profonde de la chrétienté, et Charles VI, à la tête de la France, a un rôle majeur à jouer dans la rénovation des royaumes chrétiens 9.

Les deux contributions suivantes mettent en lumière la vitalité des réseaux intellectuels et artistiques, ainsi que ceux qui alimentent la communication littéraire sous le règne de Charles VI. S’intéressant aux modalités de la circulation des textes auprès de Christine de Pizan, Claire Le Ninan fait se dessiner, dans la Cité des Dames, à côté des bibliothèques des princes, dont le rôle a été abondamment souligné, le réseau d’artisans du livre, copistes, enlumineurs, ornemanistes qui a pu constituer pour l’écrivaine une autre source d’accès aux œuvres nouvelles 10. À partir de la base de données Clerc6, acronyme de « Communication Littéraire à l’Époque du Roi Charles VI », qui recense les termes utilisés pour construire une posture d’auteur dans quelques 250 œuvres publiées sous le règne de ce roi, Jean-Claude Mühlethaler s’intéresse aux enjeux socio-culturels liés aux occurrences du terme philosophe, à côté de ceux de poète ou d’orateur, et principalement, à l’affirmation d’une conscience d’auteur 11.

La dernière contribution de ce dossier se situe sur le plan de la représentation et de la réception de la figure de Charles VI au cœur du xixe siècle. Bénédicte Milland-Bove explore une source particulière, le Journal des demoiselles, périodique mensuel pour les jeunes filles de la haute bourgeoisie, dans ses années de parution correspondant au règne de Louis-Philippe, pour y faire se révéler un aperçu inédit de la place de Charles VI dans l’imaginaire du grand public cultivé : un roi encore bien-aimé, à distraire comme un enfant, inventeur malgré lui des poupées, à une époque précédant l’image noire que donnèrent les romantiques de son règne 12.

Dominique Demartini – Université Sorbonne Nouvelle, CERAM (EA 173)


  1. 1. Les articles réunis dans la partie thématique de ce numéro sont issus d’une sélection de travaux présentés lors de la journée du 21 octobre 2022, organisée pour le 600e anniversaire de la mort du roi Charles VI, par le LAMOP de Paris 1-Panthéon Sorbonne (Thierry Koimé) et le CERAM-CEMA de la Sorbonne Nouvelle (Michelle Szkilnik).
  2. 2. Même si, comme l’écrit Françoise Autrand, « affirmer que le règne de Charles VI fut un temps fort du progrès de l’État n’est plus un paradoxe » (F. Autrand, « Le règne de Charles VI : un mauvais souvenir ? », dans F. Autrand, C. Gauvard, J.-M. Moeglin éd., Saint-Denis et la royauté. Mélanges offerts à Bernard Guenée, Paris, 1999, p. 13-22), à la suite de C. Gauvard, « Le roi de France et l’opinion publique à l’époque de Charles VI », dans Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne, Rome, 1985, p. 353-366.
  3. 3. Voir entre autres, B. Guenée, Un roi et son historien : vingt études sur le règne de Charles VI et la Chronique du Religieux de Saint-Denis, Paris, 1999.
  4. 4. Pour reprendre C. Gauvard, « Le règne de Charles VI : un temps de crise ? », dans ce dossier, p. 9-24.
  5. 5. Ibid.
  6. 6. O. Mattéoni, « Bernard Guenée, Charles VI et le Religieux de Saint-Denis ».
  7. 7. D. Demartini, « Christine de Pizan, Charles VI et la faille dans le miroir ».
  8. 8. F. Delivré, « Charles VI et le pouvoir royal en temps de schisme ».
  9. 9. M. Szkilnik, « Le loup, la belette et le pasteur : Rome et Avignon dans le Songe du Vieil Pelerin ».
  10. 10. C. Le Ninan, « Le Livre de la Cité des dames de Christine de Pizan, ses sources et la circulation des textes littéraires sous le règne de Charles VI ».
  11. 11. J.-C. Mühlethaler, « Prestige des “philosophes” : les auteurs en quête de légitimité au temps de Charles VI ».
  12. 12. B. Milland-Bove, « L’image de Charles VI dans le Journal des demoiselles sous le règne de Louis-Philippe (1833-1848) ».

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 200
Langue : français
À paraître le : 04/09/2025
EAN : 9782379245442
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379245442

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