Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 218
Langue : français
Paru le : 25/10/2018
EAN : 9782842928339
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842928339

Version numérique
EAN : 9782842928346

Ce que fait le concept à l’œuvre

N°27/2018

Marges revient avec ce numéro sur une thématique importante de l’art depuis l’avènement de l’art conceptuel dans les années 1960 : que fait le concept à l’œuvre ?

Les œuvres dites conceptuelles renvoient à un large éventail de situations que l’on peut observer au sein des multiples champs de la création jusqu’aux pratiques artistiques les plus contemporaines. Dans ce sens, la dimension conceptuelle de l’œuvre est à considérer dans une définition plus générale que celle, restreinte, qui concerne l’art conceptuel historique – celui du groupe d’artistes new-yorkais, regroupés autour de Seth Siegelaub à la fin des années 1960 – et touche à d’autres pratiques et domaines que les arts visuels.
Marges
questionne ici la manière dont le primat du concept affecte, modifie ou questionne la réception de l’œuvre au détriment de ses propriétés perceptives immédiates.

Éditorial

 

Dossier : Ce que fait le concept à l’œuvre

Émeline Jaret et Umut Ungan
« Introduction »

Robert Bailey
« Penser l’art : les historiens de l’art se tournent vers l’art conceptuel »

Jacob Stewart-Halevy
« Des procédés téléphonés : les faux-semblants de l’art conceptuel »

Brynn Hatton
« L’idée du Vietnam comme conceptualisme résilient »

Ancuta Mortu
« L’information et la réception des œuvres conceptuelles »

Pascal Mougin
« “Littérature conceptuelle” : réflexions sur une catégorie problématique »

 
Témoignage

Zoë Renaudie
« Conservation du concept, restauration contre l’oubli »

 

Entretien

« C’est l’œuvre qui fait le concept ». Entretien avec Anaël Lejeune, par Lison Noël

 

Portfolio

Louis Matton – Umut Ungan

On Kawara – Émeline Jaret

 

Notes de lecture et comptes rendus d’expositions

Abstracts français et anglais

« Penser l’art : les historiens de l’art se tournent vers l’art conceptuel »
Robert Bailey
L’article étudie les liens interdépendants entre l’histoire de l’art et l’art conceptuel. Une des conséquences de cette rencontre est l’idée que les frontières entre l’art et de l’histoire de l’art tendent à devenir floues et ce depuis les années 1970. L’art commence à acquérir une intensité théorique et de nouvelles ambitions historiques d’une manière plus importante. Les historiens de l’art commencent à voir l’art autrement et à reconsidérer les aspects créatifs de leurs pratiques. De plus, les artistes et les historiens commencent à travailler de concert afin d’analyser, de définir et de rédéfinir le concept d’art et les cadres conceptuels qui y sont en œuvre. À partir d’une approche historique et historiographique de l’art concernant ces faits en question, l’article cherche l’émergence et l’évolution de ce qui en résulte, appelant ainsi à une histoire conceptuelle de l’art.

« Des procédés téléphonés : les faux-semblants de l’art conceptuel »
Jacob Stewart-Halevy
Cet article évoque, dans l’histoire de l’art conceptuel, cette contre-tradition durant laquelle les artistes se sont amusés avec les conventions concernant la réalisation de leurs œuvres à l’aide de procédés pré-déterminés. En me basant sur certaines œuvres fondamentales de l’avant-garde, je démontre que les artistes concernés ont choisi d’ignorer sciemment les paramètres qu’ils s’étaient imposés, ou encore de produire une œuvre totalement différente de celle prévue par le concept de base.  La thèse est la suivante : c’est dans les années 1960-1970 que les artistes ont commencé à remettre en question la relation concept/réalisation, en se servant de leur écart potentiel comme medium artistique en tant que tel. Ils ont utilisé cette distance comme une illustration, d’une base pour commenter les pratiques marginales au sein de l’art conceptuel ; mais aussi pour redéfinir, renégocier ce qui constituait les limites de cet art, d’ouvrir le débat concernant les moyens potentiels de mettre fin ou de dépasser ce procédé typique, où les artistes ne font que mettre en pratique leur concept.

« L’idée du Vietnam comme conceptualisme résilient »
Brynn Hatton
« Le conceptualisme est l’art de l’ère du Vietnam. Comme Dada, l’art conceptuel était protestataire. ». Voici ce qu’affirme Joseph Kosuth en 1991, réfléchissant au mouvement artistique international qui émerge au début des années 1960, qu’il prétend avoir fusionné idéologiquement avec une culture globale de résistance contre les guerres américaines dans l’Asie du Sud-Est. Cet article entend prendre Kosuth au mot et plaide pour la centralité du Vietnam dans l’épistémè et le développement des pratiques conceptuelles mondiales depuis 1962. Relier l’art critique à la protestation de l’époque du Vietnam de cette manière remet en cause l’actuelle démarcation géographique et formelle des espaces délimités dans l’histoire de l’art, qui pointe comme centre l’art conceptuel et ses généalogies en Europe-Amérique, tout en situant ces pratiques dans la dématérialisation et l’esthétique administrative.

« L’information et la réception des œuvres conceptuelles »
Ancuta Mortu
Cet article examine le problème de la réception des œuvres conceptuelles sous l’angle d’une analyse informationnelle. Cette approche met en lumière la fonction communicative de l’art ainsi que la matérialité de la communication elle-même en faisant vivre dans leur tension les différents plans de l’œuvre : l’idée de sa conception et sa réalisation effective. L’article interroge la nature de l’information véhiculée par les œuvres conceptuelles dans sa dimension formelle, sémantique et esthétique, selon une typologie établie dans les années 1960 par des théoriciens de l’art comme Abraham Moles et Max Bense.

 « “Littérature conceptuelle” : réflexions sur une catégorie problématique »
Pascal Mougin
Transposer au domaine littéraire une catégorie – le conceptualisme en l’occurrence –historiquement attachée aux arts plastiques ne va pas de soi. L’assimilation aujourd’hui dominante entre « littérature conceptuelle » et « littérature à contraintes » est discutable. L’étude revient en particulier sur le rapprochement proposé par Gérard Genette entre ready-made duchampien et lipogramme oulipien (L’Œuvre de l’art, 1994) et fait l’hypothèse de formes littéraires plus directement équivalentes aux Statements de Lawrence Weiner ou aux protocoles de Douglas Huebler.

« Thinking Art: Art Historians Turn to Conceptual Art »
Robert Bailey
The article examines interconnections between conceptual art and art history. It argues that, as a result of this encounter, which begins in the 1970s, boundaries between art and art history became less distinct. Art started to acquire greater theoretical intensity and new kinds of art-historical ambition. Art historians began looking at art differently while also reconsidering creative aspects of their practice. Moreover, artists and art historians began working in mutually intelligible ways to analyze, define, and redefine the concept of art and the conceptual frameworks brought to bear upon art. Taking an art-historical and historiographical approach to these developments, the article tracks the emergence and development of their result, which he calls conceptual art history.

« Phoning It In: Conceptual Art under False Pretenses »
Jacob Stewart-Halevy
This essay discusses a counter-tradition within the history of conceptual art whereby artists play with the conventions around executing their work based on predetermined procedures. Looking back to canonical artworks within the Historical Avant-Gardes, I show how at certain points, artists have either not followed through on the parameters they have set for themselves or decided to do something else altogether after proffering a concept for their work. Over the course of the 1960s and 1970s, I argue that artists began to calibrate the relationships between their concepts and execution, using the distance between them as an artistic material in itself. They signaled the disparities between concept and execution in order to picture and comment on parallel practices in the field of conceptual art; to define and negotiate boundaries over what counted as conceptual art; and speak about potential means for undermining and overcoming a simple model whereby artists simply execute their ideas.

« The Vietnam Idea as Resilient Conceptualism »
Brynn Hatton
« Conceptualism is the art of the Vietnam era. Like Dada, Conceptual Art was a protest. ». So asserted Joseph Kosuth in 1991, reflecting on the international art movement emergent in the early 1960s which he claims to have been fused ideologically with a global culture of resistance against the US-led wars in Southeast Asia. This paper intervenes to take Kosuth at his word, and argues for the centrality of Vietnam as a core episteme in the history and development of global conceptual practices since 1962. Reconnecting critical art and protest of the Vietnam era in this way challenges current geographically and formally demarcated areas in art history, which center conceptual art and its genealogies territorially in Euro-America, and formally locate its practices in dematerialization and an aesthetics of administration.

« Information and the reception of conceptual art »
Ancuta Mortu
This paper discusses the reception of conceptual art from the perspective of an information-theoretic analysis. This approach brings into focus both the communicative function of art and the materiality of the very act of communication, and puts pressure on two aspects of conceptual works: the idea of their conception and the physical implementation of this idea. More specifically, this paper is an inquiry into the nature of the information conveyed by conceptual art in its formal, semantic and aesthetic dimension, thus carrying further a typology that Abraham Moles and Max Bense proposed in the 1960s.

« “Conceptual Literature”: reflexion on a problematical category »
Pascal Mougin
Transposing to the literary domain a category such as conceptualism, historically attached to the visual arts, is not self-evident. Today’s dominant assimilation between “conceptual literature” and literature based on constraints is debatable. The study contests in particular the analogy proposed by Gérard Genette between Duchampian ready-made and oulipian lipogram (L’Œuvre de l’art, 1994) and hypothesizes literary forms more directly equivalent to Lawrence Weiner’s Statements or Douglas Huebler’s protocols.

Introduction

Les termes « concept » et « conceptuel » ont souvent été utilisés pour désigner des pratiques relatives à un groupe restreint d’artistes évoluant à New York à la fin des années 1960 (artistes souvent liés à la galerie de Seth Siegelaub). Ces termes ont simultanément été l’objet de multiples malentendus dans le domaine des arts visuels, depuis l’avènement de ce groupe d’artistes ; ne serait-ce que parce que leur pratique a rapidement été réduite au primat de l’idée sur la forme, à une époque où la centralité de l’objet d’art était en question. Il est vrai que le postulat initial de cette mouvance était avant tout celui d’une équivalence entre l’œuvre et son caractère linguistique, faisant d’elle une proposition analytique. Pourtant, l’idée d’un art conceptuel peut aussi renvoyer à une « autonomisation de l’état conceptuel » de l’œuvre, pour reprendre les mots de Jean-Marie Schaeffer, laquelle dépend également de son contexte de réception ; comme en témoigne la définition du conceptualisme de l’artiste et théoricien Luis Camnitzer, évoquant « des œuvres et des pratiques qui, réduisant radicalement le rôle de l’objet d’art, ré-imaginent ses possibilités vis-à-vis des réalités sociales, politiques et économiques dont il est issu ».  

Il peut être intéressant alors d’étendre cette compréhension, jusqu’à considérer que la dimension conceptuelle de l’œuvre renvoie à une définition plus générale, qui toucherait aussi à d’autres pratiques artistiques, y compris au-delà des arts visuels. À partir de cette idée d’une « autonomisation de l’état conceptuel » de l’œuvre, il s’agit de déplacer l’attention de l’objet à l’acte et de l’acte à l’idée ; les œuvres ainsi comprises, qu’elles relèvent de champs artistiques aussi différents que la littérature, la musique ou encore les arts visuels, ont constitué et constituent encore le lieu d’une interrogation due notamment à l’indétermination du « régime » conceptuel. Cette indétermination crée la possibilité d’une réception ouverte et multiple, non nécessairement conforme à l’intention de l’artiste et issue d’une attention, de la part du spectateur, plus ou moins adéquate, relevant d’un regard collectif ou individuel.

Des questions apparaissent alors : quelle place le concept occupe-t-il dans à l’œuvre ? De quelle manière l’« autonomisation » ou le primat du concept au détriment des propriétés perceptives immé­diates de l’œuvre affectent-elles, modifient-elles ou questionnent-elles sa réception ? Rejetant l’idée d’un art qui serait conceptuel, Gérard Genette affirme, dans L’Œuvre de l’art, qu’il n’y a que des œuvres conceptuelles, puisque « l’état conceptuel » est présent hypothétiquement au sein de chaque œuvre et se vérifie au « coup par coup, œuvre par œuvre, et selon une relation fluctuante entre l’intention de l’artiste et l’attention du public, ou plutôt du récepteur individuel ». Ce rapport entre intention et attention ou réception, a déjà été l’objet du débat entre sens et signification, depuis que Saussure a admis l’inadéquation entre signifiant et signifié à travers l’arbitraire du signe linguistique. Si, dans la réception d’un texte ou d’une œuvre, le sens est ce qui reste stable, la signification « qui met le sens en relation avec une situation, est variable, plurielle, ouverte » (pour reprendre la formulation d’Antoine Compagnon). Comment concevoir cette « relation fluctuante », une relation évoquée par Genette, et qui ouvre la réflexion sur une considération plus générale des œuvres, qu’elles se revendiquent ou non, comme conceptuelles ? En ce sens, ce numéro de Marges aimerait interroger la notion de « concept » et ses dérivés, non pas en partant uniquement du point de vue défendu par les artistes mais en se concentrant sur la réception des œuvres ; les approches conceptuelles ayant pu influer sur les processus même de théorisation d’autres formes d’art.

Le premier article, dû à Robert Bailey se situe dans cette perspective. Il n’aborde pas tant la question de l’influence de l’art conceptuel sur la production artistique depuis les années 1960, que la manière dont certains acteurs de cette mouvance – et en particulier les membres du groupe Art and Language – ont pu, par leur enseignement et leurs écrits, influer sur la manière de considérer l’histoire de l’art. En d’autres termes, il ne s’agit pas tant pour ces artistes de construire une histoire de « l’art conceptuel » qu’une « histoire de l’art » conceptuelle.

Le texte de Jacob Stewart-Halevy s’intéresse quant à lui aux productions des artistes conceptuels, mais non pas pour en louer les qualités ou la manière dont leurs œuvres donnent à voir des concepts, mais plutôt afin de s’interroger sur l’écart existant entre leurs programmes de travail et l’exécution effective de ces programmes. Si les artistes qu’il évoque ont parfois prétendu mettre au point des protocoles qui puissent tenir lieu d’œuvre, les protocoles ont pourtant rarement été respectés par les artistes eux-mêmes.

Brynn Hatton entend elle aussi reconsidérer « l’histoire officielle » de l’art conceptuel, mais cette fois-ci en s’intéressant à un aspect souvent négligé de cette mouvance : sa forte politisation, dans le contexte de la Guerre du Vietnam. Son principal argument est que l’engagement des artistes les a conduit à développer des stratégies subversives dont on a pu retrouver des éléments dans des pratiques beaucoup plus récentes, jouant sur les attentes du public et visant à les mettre en échec.

La contribution d’Ancuta Mortu vise à mettre en perspective la vogue de l’art conceptuel et celle de certaines théories de la communication à la fin des années 1960 et au début des années 1970 (Abraham Moles, Max Bense). Il s’agit notamment pour elle de montrer les affinités entre le fonctionnement des œuvres conceptuelles et les dispositifs de communication.

Pascal Mougin s’interroge quant à lui sur la notion de littérature conceptuelle et sur l’éventualité d’une relation d’équivalence entre les démarches conceptuelles dans le champ des arts plastiques et le domaine de la littérature. Sa contribution donne à penser que l’attribution du prédicat conceptuel à des œuvres d’art, quel que soit leur domaine de référence, ne va jamais de soi : ainsi la littérature à contraintes de Perec ressemble peut-être à certaines démarches d’artistes conceptuels mais elle reste pourtant proche d’œuvres littéraires, même classiques, se situant davantage dans une relation de continuité que de rupture.

Afin de compléter ce dossier, nous publions le témoignage de la conservatrice-restauratrice Zoë Renaudie, dont le domaine de compétence est l’art contemporain et qui a réalisé une étude sur les problèmes posés par la reconstitution d’expositions, notamment « Feux pâles » de Philippe Thomas. S’ajoute un entretien de Lison Noël avec Anaël Lejeune, autour de son dernier ouvrage sur la question de la théorie dans l’art conceptuel. 

Dans ce numéro figurent enfin deux portfolios d’artistes, de générations différentes : l’artiste conceptuel On Kawara et le jeune artiste Louis Matton.

 

Jérôme Glicenstein
Octobre 2018

 

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 218
Langue : français
Paru le : 25/10/2018
EAN : 9782842928339
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842928339

Version numérique
EAN : 9782842928346

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