Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 238
Langue : français
Paru le : 08/08/2021
EAN : 9782379240935
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379240935

Version numérique
EAN : 9782379240942

Moyen Âge en séries

N°78/2020

Merlin, Chasseurs de dragons, Kaamelott, Game of Thrones, Médiévales montre comment les séries réinventent par l’image et le son, un Moyen Âge immédiatement reconnu comme tel par les téléspectateurs.
Médiévales aborde la présence du Moyen Âge dans les séries télévisées à travers neuf panoramas thématiques ou études de cas. Les contributions se fondent sur l’étude de séries à visée historique qui ont parfois la prétention de restituer un Moyen Âge réel (Thierry la Fronde, Vikings, The Last Kingdom, Knightfall, Marco Polo, ʿUmar ibn al-Khaṭṭāb, The Bastard Executioner, etc.), de séries inspirées d’œuvres ou de motifs littéraires médiévaux (Merlin, Chasseurs de dragons, Kaamelott, etc.), mais aussi de séries de fantasy dont l’univers est perçu par leurs concepteurs et par le public comme moyenâgeux, ou du moins relié à une forme de Moyen Âge (Game of Thrones, Xena : Warrior Princess, etc.). Les auteurs montrent ainsi comment, par l’usage de signes et de thèmes récurrents (violence, dragons, châteaux, guerriers, cartes, etc.) les séries réinventent par l’image et le son un Moyen Âge immédiatement reconnu comme tel par les téléspectateurs. Ce dossier est complété par un Point de vue consacré au « médiévalisme » et par deux études consacrées à la prosopographie.

Alban Gautier, Laurent Vissière Les séries télévisées, entre Moyen Âge et médiévalisme

Florian Besson, Simon Hasdenteufel Cartes sur table. Réflexions sur le rapport à l’espace dans les séries médiévalistes

Marie-Emmanuelle Torres Ça sonne médiéval ! Du fantasme à la reconstitution sonore dans les séries

Riccardo Facchini, Davide Iacono « The North is hard and cold, and has no mercy ». Le Nord médiéval dans les séries télévisées

Pierre-Brice Stahl Médiévalisme boréal et séries télévisées

Bernard Papin Thierry la Fronde, figure de la Résistance. Quand une Occupation en cache une autre…

Aude Mairey Le Merlin de la BBC (2008-2012). Entre détournement et réappropriation

Enki Baptiste, Hassan Bouali Les débuts de l’islam à l’écran. La série ‘Umar ibn al-Khaṭṭāb

Yohann Chanoir Un Moyen Âge en marge ? Périphéries, marginaux et singularité dans la série The Bastard Executioner

Lucie Herbreteau Ami, ennemi, héros. Redéfinir le dragon médiéval pour les séries jeunesse

Essais et recherches

Thierry Pécout Les enquêtes générales en Provence angevine (1297-1299 et 1331-1334). De la liste à la carte

Isabelle Mathieu, Maryvonne Miquel, Anne Tchounikine Les officiers des territoires angevins à la fin du Moyen Âge. Conception d’une base de données prosopographique

Point de vue

Vincent Ferré Le médiévalisme a quarante ans, ou « L’ouverture qu’il faudra bien pratiquer un jour… »

Notes de lecture

Cyrille Aillet, Patrice Cressier, Sophie Gilotte (éd.), Sedrata. Histoire et archéologie d’un carrefour du Sahara médiéval à la lumière des archives inédites de Marguerite van Berchem (Emmanuelle Tixier du Mesnil) ; Jean-François Boyer, Pouvoirs et territoires en Aquitaine du viie au xe siècle. Enquête sur l’administration locale (Guilhem Pépin) ; Justine Breton, Le Roi qui fut et qui sera. Représentations du pouvoir arthurien sur petit et grand écrans (Alban Gautier) ; Pierre Dubois, De la reconquête de la Terre sainte. De l’abrègement des guerres et procès du royaume des Francs (Loïc Chollet) ; Jean-Charles Ducène, L’Europe et les géographes arabes du Moyen Âge (ixe-xve siècles). « La grande terre » et ses peuples. Conceptualisation d’un espace ethnique et politique (Anna Caiozzo) ; Roy Flechner, Máire Ní Mhaonaigh (dir.), The Introduction of Christianity into the Early Medieval Insular World. Converting the Isles I (Magali Coumert) ; Nicolas Weill-Parot, Véronique Sales, Le Vrai Visage du Moyen Âge. Au-delà des idées reçues (Marie Delcourte-Debarre)

Livres reçus

Alban Gautier, Laurent Vissière Les séries télévisées, entre Moyen Âge et médiévalisme (Introduction) Florian Besson, Simon Hasdenteufel – Sorbonne UniversitéCartes sur tables : réflexions sur le rapport à l’espace dans les séries médiévalistes Cartes et espaces sont des composantes essentielles des œuvres de fantasy car elles constituent les soubassements des mondes imaginaires. Pourtant, lorsque celles-ci se trouvent mises en scène dans le cadre de séries télévisées, elles proposent des représentations relativement pauvres ou stéréotypées. Elles échouent ainsi la plupart du temps à rendre la richesse des perceptions de l’espace au Moyen Âge. Certes l’effet de contextualisation et d’immersion est souvent assuré pour le spectateur. Toutefois, force est de constater que l’espace se réduit souvent à un simple décor ou bien entretient diverses formes de clichés géographiques – les campagnes vides, le « château-fort », l’Orient exotique. La manière dont l’espace est traité reflète davantage nos imaginaires contemporains que ceux du Moyen Âge. – Mots clés : cartes, géographie, médiévalisme, séries télévisées, télévision, territoires. Marie-Emmanuelle Torres – Aix-Marseille Université – CNRS, LA3M, Aix-en-ProvenceÇa sonne médiéval ! Du fantasme à la reconstitution sonore dans les séries La série médiévale déroule une histoire dans le passé. Pour intéresser et immerger son public, il lui faut produire un effet de réel convainquant. Le monde sonore recréé permet de repousser le monde contemporain, d’ancrer un réel imaginaire par des scènes et sonorités validées par l’usage audiovisuel et de construire un discours symbolique musical unitaire. Pour ce faire, il faut respecter les codes du genre historique et le teinter de sonorités connues comme étant médiévales car démocratisées par les films et autres divertissements médiévalisants. – Mots clés : bande sonore, médiévalisme, musique, séries télévisées, soundscape, télévision. Riccardo Facchini – Università Europea di RomaDavide Iacono – Sapienza Università di Roma« The North is hard and cold, and has no mercy ». Le Nord médiéval dans les séries télévisées La réception de l’idée du Nord médiéval dans l’imaginaire populaire contemporain a été fortement influencée par les représentations véhiculées par des séries télévisées populaires telles que Vikings (2013-en cours), Game of Thrones (2011-2019), The Last Kingdom (2015-en cours) ou Norsemen (2016-en cours). En premier lieu, les auteurs soulignent l’importance de l’idée de Nord et tentent de retracer les origines de ce que certains spécialistes ont appelé avec raison le « boréalisme ». Ce phénomène culturel est exploré à la lumière d’autres phénomènes similaires que sont le médiévalisme et l’orientalisme, qui remontent tous deux au même contexte culturel et chronologique, celui du romantisme et du xixe siècle. L’article cherche ensuite à comprendre comment les principales séries télévisées contemporaines ont représenté le Nord médiéval et analyse la manière dont les showrunners s’emparent de notions telles que l’« exactitude historique » ou le « réalisme », qui jouent un rôle central dans la perception de ce que le grand public identifie comme l’époque médiévale. Enfin, les auteurs se penchent sur trois aspects qu’ils estiment être des plus pertinents pour la construction d’une imagerie partagée du Nord médiéval : la soi-disant violence endémique des sociétés nordiques du Moyen Âge, l’affrontement entre paganisme et christianisme, et le rôle des femmes. – Mots clés : boréalisme, médiévalisme, Nord, séries télévisées, télévision, Vikings. Pierre-Brice Stahl – Sorbonne UniversitéMédiévalisme boréal et séries télévisées À partir du concept de médiévalisme boréal, le présent article propose une analyse de l’emploi du Nord médiéval dans les séries télévisées produites en dehors de la sphère nordique. Ces dernières témoignent de l’hétérogénéité et de la plasticité de l’imaginaire sur le Nord médiéval qu’elles resémantisent et qui vient se placer en altérité avec l’imaginaire médiéval traditionnel. L’analyse de l’histoire de la production de ces séries, ainsi que la prise en compte des codes télévisuels, permettent d’illustrer la spécificité du médiévalisme boréal qui se construit par l’interaction des visions exogènes, endogènes et académiques et se place dans une continuité discursive d’un imaginaire sur le Nord médiéval. – Mots clés : boréalisme, médiévalisme, mythologie nordique, séries télévisées, télévision, Vikings. Bernard Papin – CIM, Université de la Sorbonne NouvelleThierry-la-Fronde, figure de la Résistance : quand une Occupation en cache une autre… Dans la France du début des années soixante, une série médiévale destinée au jeune public triomphe à la télévision : Thierry-la-Fronde (1963-1966) conte les aventures d’un jeune noble, Thierry de Janville, qui s’oppose à l’occupation anglaise de la Sologne pendant la guerre de Cent ans. Très vite cependant, ce Robin des Bois solognot fédère autour du petit écran alors très familial un public beaucoup plus large que celui initialement visé et cette série, historiquement approximative et scénaristiquement plutôt médiocre, devient un immense succès. Comment expliquer que cette fantaisie historique pour adolescents ait pu susciter un tel engouement ? La réponse est sans doute à chercher dans la transformation du frondeur médiéval en moderne « maquisard » et c’est l’occupation allemande de 1940 qui est lisible derrière l’occupation anglaise de la Sologne de 1359. Une vingtaine d’années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les téléspectateurs adultes ne s’y sont pas trompés et ont su discerner, dans les lointaines aventures historiques proposées à leurs enfants, les stigmates d’une histoire plus récente et tout aussi douloureuse. – Mots clés : guerre de Cent Ans, médiévalisme, Occupation allemande, Résistance, séries télévisées, télévision, Thierry la Fronde. Aude Mairey – LaMOP – CNRS/Université Paris 1Le Merlin de la BBC (2008-2012) : entre détournement et réappropriation Entre 2008 et 2012, la BBC a diffusé une série tous publics intitulée Merlin, qui a détourné nombre de topoï de la matière arthurienne. Merlin est jeune et serviteur du prince Arthur, Uther est vivant et la magie est interdite dans son royaume de Camelot. Si plusieurs études ont analysé quelques grands thèmes de la série – la tolérance, la place des femmes… – Merlin lui-même en a parfois été oublié. Cet article se propose d’explorer ce personnage au regard de son riche passé légendaire et de contribuer à la réflexion sur sa réception contemporaine, tout en tenant compte des enjeux politiques, bien présents mais controversés. – Mots clés : arts visuels, matière arthurienne, médiévalisme, Merlin, séries télévisées, télévision. Enki Baptiste – Université Lumière Lyon 2Hassan Bouali – Université Paris NanterreLes débuts de l’islam à l’écran : la série ʿUmar ibn al-KhaṭṭābCet article porte sur la série ʿUmar, une co-production des chaînes saoudienne MBC et qatarie Qatar TV, diffusée en 2012. Cette étude vise à comprendre la manière dont la série met en scène les origines de l’islam et du pouvoir califal idéal. Dans un premier temps, l’article se penche sur la trame narrative de la série, puis aborde le défi de la représentation du Prophète et la hiérarchisation des rôles des Compagnons. Il se clôt sur une étude du parcours de ʿUmar. – Mots clés : califat, conquêtes, sīra, séries télévisées, sunna, télévision, ʿUmar

Yohann Chanoir – EHESS (Paris), CRH-UMR 8558Un Moyen Âge en marge ? Périphéries, marginaux et singularité dans la série The Bastard Executioner Cet article étudie la série américaine, The Bastard Executioner (2015) qui met en scène le pays de Galles au xive siècle. Construite autour de la marginalité, tant sociale que géographique, prenant comme héros un bourreau, cette série puise un grand nombre de ses thématiques et de ses représentations dans le vivier matriciel du cinéma et de la littérature médiévalistes. – Mots clés : bourreau, château, médiévalisme, pays de Galles, séries télévisées, télévision Lucie Herbreteau – CIRPaLL, Université d’Angers ; LEMIC, Université catholique de l’OuestAmi, ennemi, héros. Redéfinir le dragon médiéval pour les séries jeunesse Cet article étudie l’adaptation de la figure médiévale du dragon dans les séries télévisées pour la jeunesse. Reposant sur un corpus de treize séries diffusées entre 1959 et 2018, et intégrant un ou des dragons dans un monde médiéval ou médiévalisant, cette analyse se développe sur trois axes : la reprise d’éléments médiévaux comme le contexte et les personnages, l’évolution du statut du dragon passant d’ennemi à ami, voire héros, et la nécessité d’octroyer de nouvelles valeurs au dragon contemporain qui s’adapte ainsi à son nouveau public. L’objectif est de redéfinir le dragon des séries télévisées pour la jeunesse au regard de son ancêtre et influence principale : le dragon médiéval. – Mots clés : dragon, médiévalisme, séries télévisées, télévision. Thierry Pécout – Université Jean Monnet (Saint-Étienne), UMR LEM-CERCORLes enquêtes générales en Provence angevine (1297-1299 et 1331-1334) : de la liste à la carte À titre d’écrit pragmatique, on peut concevoir l’enquête générale comme un système de listes dont nous examinons successivement les diverses formes et motivations. On interroge la liste non pas en ce qu’elle nous dit du pouvoir, mais comme un processus à la fois de mise à l’échelle et de lecture sérielle. La liste se présente en effet à la fois comme un procédé d’écriture et de mise en page, une technique facilitant le stockage de l’information et sa lisibilité, et comme un mode d’énonciation du réel reposant sur sa collection et son ordonnancement. Elle prétend abolir les obstacles à sa connaissance, s’efforce de conjurer la distance entre le discours et les choses. Elle articule le même d’une forme et l’autre d’un énoncé, la rengaine et l’identité. Mais sa structure répétitive domine, sous forme de séquence, et en cela elle doit être interrogée au regard d’autres types de listes, à fonction liturgique, tels les calendriers et les litanies de saints. On y gagnera peut-être à saisir leur point de convergence : raisonner l’angoisse de la finitude, le propre ressort du processus d’institutionnalisation. – Mots clés : enquête, Leopardo da Foligno, liste, Provence angevine. Isabelle Mathieu – Université d’Angers, laboratoire TEMOSMaryvonne Miquel – INSA LIRISAnne Tchounikine – INSA LIRISLes officiers des territoires angevins à la fin du Moyen Âge : conception d’une base de données prosopographique La présente contribution éclaire les enjeux et les difficultés de la mise en œuvre d’une base de données prosopographique collaborative et les solutions méthodologiques qui ont été apportées. L’acception de l’individu comme acteur de l’histoire est une voie dans laquelle les historiens se sont beaucoup investis depuis une trentaine d’années, et ces études ont montré que la prosopographie est une méthode appropriée pour cerner les contours sociologiques d’un groupe déterminé à travers les trajectoires individuelles de ses membres. C’est à la lumière de cette technique d’analyse que le corpus documentaire dont nous disposons a été, en partie, interrogé. Le programme ANR Europange (2014-2018) a permis à une équipe internationale de chercheurs de s’intéresser aux processus de rassemblements politiques à travers l’exemple de l’Europe angevine et d’une population spécifique : les officiers au service des princes angevins. Concrètement, il s’est agi de circonscrire le profil de ces hommes et de travailler sur les réseaux les liant les uns aux autres ainsi qu’aux instances du pouvoir entendu dans un sens large (princier, royal, ecclésiastique). Pour ce faire, une partie du programme a été consacrée à la conception d’une base de données prosopographique. Les propositions informatiques qui ont été trouvées se sont nourries d’une collaboration réussie entre historiens et informaticiens qui a abouti à l’application Prosopange aujourd’hui mise en ligne, avec bien d’autres ressources, sur un portail internet consacré plus largement aux études angevines. Dans cet article, nous proposons d’aborder toutes les étapes nécessaires à l’élaboration d’une base de données prosopographique en montrant le travail conjoint mené par les historiens et les informaticiens. Nous présenterons les principes fondamentaux de la modélisation d’une base de données en nous appuyant sur l’expérience acquise lors du projet Europange. – Mots clés : base de données, officiers, prosopographie, territoires angevins.

Alban Gautier, Laurent Vissière Les séries télévisées, entre Moyen Âge et médiévalisme (Introduction) Florian Besson, Simon Hasdenteufel – Sorbonne Université “He makes me memorize every damn city, town, lake, forest and mountain”. Geographical representations in medievalist TV shows Maps and territories are integral parts of fantasy literature, because they are the foundations of imaginary worlds. Yet, when they are adapted for TV, geographical representations become rather poor and stereotyped. Thus, most of the time, TV serial shows fail to render the reality of medieval perceptions of space. Sure, there is an effect of contextualization and immersion for the audience. Nevertheless, space is either reduced to mere scenery, or it nurtures some forms of geographical clichés, such as the empty countryside, the fortified castle, or the exotic East. Lastly, the way space is treated in TV shows is more a reflection of our own contemporary representations than those of the Middle Ages. – Keywords : geography, maps, medievalism, television, territories, TV series. Marie-Emmanuelle Torres – Aix-Marseille Université – CNRS, LA3M, Aix-en-Provence It sounds medieval ! Fantasy or sound reconstitution in TV series ? Medieval series tell a story set in the past. In order to gain public support, they must produce a convincing effet de réel. The recreated sound world makes it possible to push back the contemporary world, to establish a reality through scenes and sounds validated by audiovisual use and to build a symbolic musical unitary discourse. To do this, one must comply with the codes of the historical genre and enrich it with sounds identified as medieval because they have been democratized by films and other “medieval” entertainment. – Keywords : medievalism, music, soundscape, soundtrack, television, TV series. Riccardo Facchini – Università Europea di RomaDavide Iacono – Sapienza Università di Roma “The North is hard and cold, and has no mercy”. The medieval North in TV serial shows The reception of the idea of medieval North in the contemporary pop-imaginary has been heavily influenced by the representations conveyed by some popular TV serial shows such as Vikings (2013-present), Game of Thrones (2011-2019), The Last Kingdom (2015-present), and Norsemen (2016-present). In the first place, the authors will highlight the idea of North, in the attempt to retrace the remote origins of what some scholars have efficiently defined as “borealism”. This cultural phenomenon is investigated in the light of two similar ones, consisting in medievalism and orientalism, the birth of which is retraceable in the same cultural and chronological context, that is approximately nineteenth-century Romanticism. Secondly, it will be investigated how some of the most famous contemporary TV series have represented the medieval North, drawing special attention to the exploitation, made by the showrunners, of notions such as “historical accuracy” and “realism”, that have played an important role in the popular perception of an alleged authentic medieval era. The attention will then be focused on three aspects considered by the authors as the most relevant in the construction of a shared imagery on the medieval North: the supposed endemic violence in medieval northern societies; the clash between paganism and Christianity; the role of the women. – Keywords : borealism, medievalism, North, television, TV series, Vikings. Pierre-Brice Stahl – Sorbonne Université Boreal medievalism and TV shows Based on the concept of boreal medievalism, this article analyzes the use of medieval North in TV shows produced outside Nordic countries. The latter testify of the heterogeneity and plasticity of the imaginary on the medieval North which they resemantize and which is placed in alterity with the traditional medieval imaginary. The analysis of the production history of these TV shows and the consideration of television codes allow to display the specificity of boreal medievalism, which is created through the interaction of exogenous, endogenous and academic visions, and is part of a discursive continuity of an imaginary of the medieval North. – Keywords : borealism, medievalism, Norse mythology, television, TV series, Vikings Bernard Papin – CIM, Université de la Sorbonne Nouvelle Thierry-la-Fronde, figure of the Resistance: occupied France revisited… In France in the early sixties, a medieval serial fiction intended for young audiences triumphed on television: Thierry-la-Fronde (1963-1966) told the adventures of a young nobleman, Thierry de Janville, who opposed the English occupation of Sologne during the Hundred Years’ War. Very quickly, however, this local Robin Hood show gathered a much wider audience than originally targeted at a time when watching TV was essentially a family pastime. This show, which was historically approximate and relied on rather mediocre scenarios, became a huge success. Why did this historical fiction for teenagers arouse such tremendous interest? Probably because the medieval stone-slinging rebel became a metaphor for a modern “maquisard” and a symbol of the French resistance in World War II, whereas the German occupation of 1940 was reflected in the English occupation of Sologne in 1359. About twenty years after the end of the war, adult viewers perceived it quite plainly and behind the distant historical adventures offered to their children, recognized the stigmata of a more recent and equally painful story. – Keywords : german Occupation of France, Hundred Years’ War, Resistance, television, Thierry la Fronde, TV series. Aude Mairey – LaMOP – CNRS/Université Paris 1 The BBC’s Merlin: between distortion and appropriation The BBC’s TV show Merlin was released between 2008 and 2012. This “three-generation” show twists many topoi of the Arthurian matter : Merlin is young and a servant of Prince Arthur, Uther is alive and has banished magic from his kingdom of Camelot. Some major themes of the show – tolerance, the status of women… – have been analysed in several studies, but Merlin himself has not been really investigated as its principal character. In this paper, I will study him in light of his rich legendary past, aiming to contribute to the reflection on his contemporary reception while taking into account the immediate, often controversial, political issues of the show. – Keywords : Arthurian material, medievalism, Merlin, television, TV series, visual culture. Enki Baptiste – Université Lumière Lyon 2Hassan Bouali – Université Paris Nanterre The Beginnings of Islam on the Screen : the series ʿUmar ibn al-Khaṭṭāb This article looks at the contemporary Arab TV drama ʿUmar, co-produced by the Saudi TV channel MBC and Qatar’s Qatar TV, and broadcast in 2012. It aims to understand how the series depicts the origins of Islam and ideal caliphate power. It firstly focuses on the series’ narrative, before moving on to examine the challenge of the representation of the Prophet and the hierarchy of the roles of the companions. It concludes by studying the career of ʿUmar. – Keywords : caliphate, conquests, sīra, sunna, television, TV series, ʿUmar

Yohann Chanoir – EHESS (Paris), CRH-UMR 8558 Medieval in the margins? Peripheries, marginality and singularity in The Bastard Executioner This paper examines The Bastard Executioner (2015), a television series about the Middle Ages in Wales (at the beginning of the fourteenth century). Built around marginality, both social and geographical, taking an executioner as central character, the show draws most of its themes and images from medievalist movies and literature. – Keywords : castle, executioner, medievalism, television, TV series, Wales Lucie Herbreteau – CIRPaLL, Université d’Angers ; LEMIC, Université catholique de l’Ouest Friend, enemy, hero. Redefining the medieval dragon in TV shows for young audiences This article studies the adaptation of the medieval figure of the dragon in children’s television series. Based on a corpus of thirteen shows broadcasted between 1959 and 2018 and including one or several dragons in a medieval or medieval-like world, this analysis considers three main aspects: the repetition of medieval elements such as context and characters, the evolution of the dragon’s status from enemy to friend, or even hero, and the need to grant a new meaning to the contemporary dragon who thus becomes adapted to its new audiences. The aim is to redefine the dragon in children’s television series compared to its ancestor and main influence: the medieval dragon. – Keywords : dragon, medievalism, television, TV series. Thierry Pécout – Université Jean Monnet (Saint-Étienne), UMR LEM-CERCOR General inquiries in Angevine Provence (1297-1299 and 1331-1334) : from list to map  As a pragmatic literacy, the general survey can be considered as a system of lists with various forms and motives. We don’t examine the list for what it might tell us about power, but as a process of scaling and serial reading. The list is indeed both a technique of writing and layout, a method facilitating the storage of information and its legibility; it is a mode of enunciation of reality based on the activities of collecting and arranging. Its repetitive structure dominates, in the form of sequence, and so it must be questioned with regard to other types of lists with liturgical functions as calendars and litanies of saints. It may be necessary to understand their point of convergence: bringing back to reason the anxiety of finitude, the very spring of the process of institutionalization. – Keywords : Angevine Provence, Leopardo da Foligno, survey, list. Isabelle Mathieu – Université d’Angers, laboratoire TEMOSMaryvonne Miquel – INSA LIRISAnne Tchounikine – INSA LIRIS Officers of the Angevin territories at the end of the Middle Ages : design of a prosopographical database This contribution sheds light on the challenges and difficulties of implementing a collaborative prosopographic database and the methodological solutions that have been developed. The sense of the individual as an actor in history is a path in which historians have invested a lot over the past thirty years, and those studies have shown that prosopography is an appropriate method for identifying the sociological contours of a given group through the individual trajectories of its members. It is in the light of this analytical technique that the documentary corpus at our disposal was questioned. The ANR Europange programme (2014-2018) has enabled an international team of researchers to focus on political grouping processes through the example of Angevin Europe and a specific population: officers in the service of Angevin princes. In concrete terms, the team has defined the profile of these men and worked on the networks linking them to each other and to power instances in a broad sense (princely, royal, ecclesiastical). To this end, part of the program was devoted to the design of a prosopographic database. The IT solutions that have been found were nourished by a successful collaboration between historians and computer scientists that led to the Prosopange application now available online, with many other resources, on an Internet portal dedicated more broadly to Angevin studies. In this article, we propose to discuss all the necessary steps to develop a prosopographic database by showing the joint work of historians and computer scientists. We will also outline the fundamental principles of database modeling based on the experience gained from the Europange project. – Keywords : Angevin territories, database, officers, prosopography.

Introduction 

Alban Gautier, Laurent Vissière

Les séries télévisées, entre Moyen Âge et médiévalisme

Les séries télévisées occupent – le fait est bien connu – une place croissante dans les pratiques culturelles et de divertissement de nos contemporains, et nombre d’entre elles concernent la période médiévale. Il n’est donc pas étonnant qu’au sein des sciences humaines et sociales et des études littéraires, l’intérêt pour les séries historiques, notamment médiévales, se soit affûté au cours de ces dernières années 1. Le présent numéro de Médiévales, né d’un appel à communications lancé au printemps 2018 2, propose d’aborder ce phénomène, dans une partie de sa prodigieuse diversité, à travers neuf panoramas thématiques ou études de cas, menés par douze chercheurs : leurs origines, leur statut et leurs domaines de recherche – de la France à l’Italie, des études médiévales aux media studies – reflètent la richesse et la variété des approches que suscitent ces productions auprès de spécialistes qui, sous un apparent paradoxe, sont aussi des amateurs. Ces différentes contributions s’intègrent à ce champ de recherche en plein essor que constitue désormais le médiévalisme 3.

Par son format, le présent numéro ne prétend en aucun cas à l’exhaustivité. Les productions analysées dans les articles suivants sont de nature très variée. On trouvera des séries télévisées au sens strict ou des œuvres produites pour des plates-formes de vidéo à la demande. Il peut s’agir de séries « patrimoniales » comme Thierry la Fronde (1963-1966) ou d’œuvres plus récentes (la diffusion de certaines est toujours en cours), et même si la majorité des œuvres analysées dans les articles appartiennent aux deux dernières des quatre périodes récemment dégagées par Marjolaine Boutet 4 – le « nouvel âge d’or des séries télévisées » (des années 1980 à la première décennie du xxie siècle) et l’âge de la « post-télévision » marqué par les nouveaux usages de streaming, de téléchargement et de vidéo à la demande (depuis 2010) –, les deux périodes antérieures – le « premier âge d’or » des années 1950 et l’« âge classique » des années 1960 et 1970 – ne sont pas entièrement négligées. Les séries étudiées sont produites en France, dans le monde anglophone ou dans d’autres aires culturelles. Certaines ont connu un succès mondial, comme Game of Thrones (2011-2019), d’autres sont beaucoup plus confidentielles.

Cela dit, malgré cette grande variété, toutes les œuvres retenues répondent à quatre critères. Le premier est un critère de sérialité, qui peut aussi bien caractériser une mini-série de quatre ou cinq épisodes qu’un récit-fleuve dont la diffusion se déroule sur plusieurs années. Il convient de noter ici que les œuvres peuvent tenir du feuilleton (où une narration unifiée et continue se déploie sur plusieurs épisodes) ou de la série stricto sensu (où, à l’intérieur d’un univers cadre, chaque épisode raconte une nouvelle histoire), sans oublier les innombrables formes intermédiaires (« feuilleton sérialisant », « série feuilletonnante », etc.) 5. En outre, la plupart de ces séries partagent une architecture à un ou deux niveaux, liée aux conditions de production et de programmation : même si les termes utilisés par les showrunners et les critiques sont d’une grande variété, elles comprennent en général un certain nombre d’« épisodes », répartis ou non en « saisons » 6.

Les deux critères suivants précisent l’identification de nos séries comme des « fictions à la chaîne », pour reprendre l’expression de Matthieu Letourneux 7. D’une part, toutes les séries retenues ont été produites pour être regardées sur le petit écran (critère 2) : le cinéma au sens strict est exclu du champ de ces études. De fait, alors que le cinéma avait été pendant des décennies un des réceptacles privilégiés du discours médiévaliste 8, celui-ci semble, depuis le début de ce siècle, s’être déplacé majoritairement vers la télévision 9. Même si chaque épisode dure en général moins longtemps qu’un film de cinéma, la narration de ces séries se déploie en réalité sur un temps beaucoup plus long qu’au grand écran. Ainsi, malgré leur format de trois minutes et trente seconde par épisode, les quatre premières saisons de la série française Kaamelott (2005-2006) représentent près de vingt-quatre heures de visionnage. On dépasse les soixante heures pour les huit saisons de Game of Thrones. Cela permet aux concepteurs de ces séries de créer des univers plus denses, où le décor, les costumes, les accessoires et même l’arrière-plan intellectuel ou religieux revêtent une grande importance. D’autre part, aucune des séries retenues ne relève du genre du documentaire ou du docu-fiction (critère 3) : que leur scénario reprenne une trame historique ou qu’il soit entièrement fictionnel, qu’elles aient ou non une prétention didactique, les productions ici analysées se présentent comme des récits romanesques plutôt que comme des sources d’information sur une période historique. Ces deux critères signifient que même les séries dont les prétentions en termes de reconstitution historique sont les plus élevées peuvent et doivent être décrites comme des fictions, toujours caractérisées par ce qui fait la double spécificité du genre : le « monde fictionnel généreux » qui, dans la longue durée du récit, multiplie les personnages, les points de vue et construit ce que Jean-Pierre Esquenazi a appelé une « encyclopédie fictionnelle », mais aussi ce « goût de l’intime », ce souci de nourrir la narration en offrant au spectateur « le spectacle de l’intimité d’autrui 10 ».

Quatrième et dernier critère : toutes les séries retenues sont « médiéva­lisantes », c’est-à-dire qu’elles se rapportent d’une manière ou d’une autre au Moyen Âge. Il peut d’abord s’agir de mettre en scène un personnage historique ou un événement pris au sein du millénaire médiéval. L’éventail chronologique et géographique est alors aussi large que le Moyen Âge lui-même : la guerre de Cent Ans de Thierry la Fronde, étudiée par Bernard Papin ; le calife ‘Umar et les débuts de l’Islam dans la production qataro-saoudienne ‘Umar ibn al-Khaṭṭāb (2012), présentée par Enki Baptiste et Hassan Bouali ; le pays de Galles au temps d’Édouard II, théâtre de l’unique saison de The Bastard Executioner (2015), analysée par Yohann Chanoir ; ou encore la désormais célèbre série canado-irlandaise Vikings (2013-2020), à laquelle plusieurs contributions font référence. Mais les séries peuvent aussi adapter des œuvres ou des univers romanesques du Moyen Âge : la matière de Bretagne se prête particulièrement bien à ce genre de réécritures, comme le montre Aude Mairey, qui traite de la série Merlin produite par la BBC (2008-2012). D’autres productions peuvent s’appuyer sur des œuvres plus récentes, par exemple des romans historiques ayant pour cadre le Moyen Âge, à l’instar de la série britannique The Last Kingdom (2015-…), adaptée du cycle des Saxon Stories du romancier Bernard Cornwell (2004-…) – elle est présente dans les articles de Pierre-Brice Stahl, de Marie-Emmanuelle Torres, et de Riccardo Facchini et Davide Iacono. Ces séries que l’on peut appeler « historiques » se réfèrent de manière claire au Moyen Âge des médiévistes, mais prennent souvent de grandes libertés avec l’histoire, par parti pris, ignorance ou manque de crédits. Leur degré d’historicité s’avère de fait extraordinairement variable. Dans la plupart des cas, mieux vaut éviter de les regarder avec les yeux d’un médiéviste trop endurci. Il convient d’ailleurs de rappeler que l’anachronisme fait pleinement partie de la culture médiévale et que les lecteurs de Chrétien de Troyes ou les commanditaires de manuscrits enluminés ne se sont jamais offusqués de voir les héros arthuriens représentés en chevaliers du xiie ou du xive siècle.

D’autres séries médiévalisantes n’entretiennent pour leur part aucun rapport explicite avec l’histoire du Moyen Âge. Pour les réalisateurs et leur public, un certain univers de fantasy, à la fois fantastique et fantaisiste, est reconnu comme tout aussi « moyenâgeux » que la période historique éponyme 11 – une tendance déjà fort présente dans le roman, le cinéma, la bande dessinée et, plus récemment, le jeu vidéo. De fait, l’identification d’« un » Moyen Âge se passe aisément de référent historique précis : la mise en scène de lugubres châteaux et de villages crasseux, voire de landes et de forêts, suffit au décor. Dans un univers fruste et violent, on se bat à l’arme blanche et le fracas des tôles froissées, à la guerre ou au tournoi, domine le paysage sonore 12. L’emploi d’un vocabulaire archaïsant, soit trivial, soit courtois, mais toujours de fantaisie, donne une légère touche « littéraire » à l’ensemble. Il arrive même que le « Moyen Âge » se réduise à la mise en scène d’une « culture vaguement préindustrielle, que nous sommes censés reconnaître comme plus ou moins médiévale mais qui n’est pas clairement désignée comme telle 13 » ; or le spectateur identifie ordinairement ces signes comme « médiévaux » ou « moyenâgeux », même quand ils sont relativement ténus et peu nombreux. La présence d’animaux fabuleux et le recours à la magie sont fréquents et n’ont rien de choquant, puisqu’on redonne vie – certes en le réinventant – à tout un imaginaire parfaitement médiéval. Ainsi, même s’il existe tout autant dans les traditions antiques ou extrême-orientales, le dragon, analysé ici par Lucie Herbreteau, est devenu un de ces signes de médiévalité. L’une des meilleures preuves de l’efficacité de ces clichés est leur reprise dans les productions comiques : le fait même qu’on puisse, comme dans Norsemen (2016-…) ou Kaamelott, jouer avec l’image stéréotypée du casque à cornes viking signale sa permanence et sa popularité 14.

À ces deux principaux types de « séries médiévales », que l’on pour­rait donc qualifier d’« historiques » et de « non historiques », nous aurions sans doute pu ajouter quelques productions contenant des références plus subtiles, moins immédiatement intelligibles, à des œuvres ou des événements de la période médiévale : pensons par exemple à la mini-série The Canterbury Tales 15, où six contes de Chaucer sont adaptés dans le contexte de l’Angleterre contemporaine, le long de la route qui va de Londres à Cantorbéry ; dans la plupart des épisodes, seuls le titre et quelques références plus ou moins codées, qui sont autant de clins d’œil au spectateur cultivé, suggèrent l’origine médiévale du récit. Mais de telles œuvres, plus rares, n’ont pas fait l’objet d’une attention aussi soutenue, et ce numéro traite donc pour l’essentiel des productions qui prétendent s’inscrire dans un Moyen Âge historique ou de fantasy. Il convient d’ailleurs, bien souvent, de traiter ensemble ces deux types d’œuvres : c’est ce qu’ont fait Florian Besson et Simon Hasdenteufel pour leur analyse du rapport à l’espace, dont les ficelles sont somme toute assez constantes, qu’il s’agisse d’œuvres à prétention historique comme la série Marco Polo (2014-2016) ou de productions largement humoristiques comme la française Kaamelott ; de même, Roberto Facchini et Davide Iacono d’une part, Pierre Brice-Stahl de l’autre, montrent comment les signes d’un « Nord médiéval » ou d’un « médiévalisme boréal » peuvent être déclinés dans Vikings autant que dans Game of Thrones.

Cette dernière série, devenue elle-même en quelques années un véritable « classique » des études médiévalistes 16, s’avère typique de ce rapport complexe aux corpus de référence, textuels ou autres, qui donnent accès aux signes de médiévalité et permettent de mieux comprendre ce qui « fait médiéval ». Les huit saisons de cette série sont principalement adaptées de l’œuvre romanesque de George R. R. Martin, qui revendique lui-même plusieurs inspirations médiévales : l’une proprement historique, puisqu’il puise dans l’histoire de l’Angleterre au xve siècle – en particulier la guerre des Deux-Roses ; l’autre plus littéraire, avec pour modèles Les Rois maudits de Maurice Druon, mais aussi tout l’héritage de la fantasy anglophone, qui n’est pas seulement médiévalisante 17. Il est vrai que la série télévisée multiplie les signes de médiévalité, parmi lesquels les dragons, là encore, occupent une place centrale ; ces signes proviennent de l’œuvre de Martin, mais aussi de toute une imagerie qui la dépasse largement. Si aucune des études ici rassemblées ne porte exclusivement sur Game of Thrones, plusieurs d’entre elles l’incluent naturellement dans leur corpus.

L’étude des séries d’inspiration médiévale dévoile donc le plus souvent une grande variété de sources, qui s’inscrivent dans une logique de cross-médialité, c’est-à-dire de dialogue entre de nombreux supports de discours médiévalistes 18. Il en résulte que, si les showrunners, scénaristes et réalisateurs appréhendent parfois le Moyen Âge à travers les sources primaires et les travaux des historiens ou des archéologues, ils se référent aussi, et sans doute bien plus, à des productions culturelles plus tardives, elles-mêmes dominées par quelques grands passeurs tels que William Shakespeare, Walter Scott, John R. R. Tolkien ou encore Terence H. White – pour ne citer que quatre noms qui, par leur influence sur la culture anglophone de notre temps, jouent un rôle central dans la représentation du Moyen Âge que véhiculent les séries 19. De même, l’important travail de reconstitution que suppose la production d’une série, et qui concerne aussi bien les vêtements, les objets et même les gestes de la vie quotidienne, que la parole, la musique et tout ce qui relève de la bande-son, se fonde régulièrement sur la reprise de schèmes iconographiques ou sonores élaborés pour l’essentiel au cours de la période romantique. Pourtant, les concepteurs des séries aiment faire appel à des experts et des spécialistes aux compétences malheureusement inégales. Le résultat n’est pas forcément ridicule, et les questions concrètes qu’ils se posent, notamment en ce qui concerne la culture matérielle, touchent à des champs historiques aujourd’hui en plein essor. Il en est ainsi de l’étude des paysages sonores que propose ici Marie-Emmanuelle Torres.

À travers les articles que l’on va lire, c’est donc un autre Moyen Âge qui se révèle. Un Moyen Âge reconstruit, transformé, fantasmé. Un Moyen Âge qui n’a pas existé, sans doute, mais qui est aussi le seul que le grand public a vu. Car ces séries, populaires et largement diffusées, ont fourni et continuent à nourrir un répertoire d’images, de thèmes et de sons qui constituent désormais pour tous le « vrai Moyen Âge », le Moyen Âge vivant, à la fois coloré et sonore, plaisant aussi, avec lequel l’étude des documents d’archives a bien du mal à rivaliser. Pour les médiévistes, connaître et comprendre ce Moyen Âge de fantasy ne constitue donc pas seulement un aimable divertissement : c’est aussi un véritable enjeu.

Alban Gautier – Université de Caen Normandie, Centre Michel de Boüard – CRAHAM (UMR 6273)

Laurent Vissière – Sorbonne Université, Centre Roland Mousnier (UMR 8596)

1.On citera, parmi une production de plus en plus abondante, M. Pagès et K. Kinane éd., The Middle Ages on Television. Critical Essays, Jefferson (NC), 2015, et T. Brero et S. Farré éd., The Historians. Saison 1. Les séries TV décryptées par les historiens, Chêne-Bourg (Genève), 2017 : il convient de noter qu’aucun de ces deux volumes ne porte exclusivement sur les séries d’inspiration médiévale ; ainsi, la « saison 2 » de The Historians, parue en 2018, n’analyse aucune série se rapportant au Moyen Âge. À ces deux volumes collectifs, il faut ajouter de nombreux articles ou chapitres portant sur telle ou telle production.

2.À l’occasion de ce numéro, la revue s’est prêtée pour la première fois à cet exercice, qui s’est avéré fructueux (vingt-quatre propositions ont été reçues) et qui ne manquera pas d’être reproduit à l’avenir.

3.Sur le médiévalisme du début du xxie s. et son intérêt pour les productions et pratiques culturelles populaires et médiatiques d’inspiration médiévale, voir D. Matthews, Medievalism. A Critical History, Cambridge, 2015, p. xii.

4.M. Boutet, « Histoire des séries télévisées », dans S. Sepulchre éd., Décoder les séries télévisées, Louvain-la-Neuve, 2017, p. 11-47.

5.Sur cette distinction, et bien que de nombreuses productions « brouillent les frontières entre les deux territoires », voir N. Nel, « Téléfilm, feuilleton, série, saga, sitcom, soap opera, telenovela : quels sont les éléments clés de la sérialité ? », CinémAction, 57 (1990), p. 62-66 ; à compléter par S. Benassi, « Sérialité(s) », dans S. Sepulchre éd., Décoder les séries télévisées, p. 75-105 (p. 80). La distinction rejoint (mais seulement en partie) celle opérée par J.-P. Esquenazi, Les Séries télévisées. L’avenir du cinéma ?, Paris, 2010, p. 104-105, entre séries « évolutives » et « immobiles ».

6.C’est pourquoi, dans les pages qui suivent, et sauf cas particulier (les « livres » de la série&n

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 238
Langue : français
Paru le : 08/08/2021
EAN : 9782379240935
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379240935

Version numérique
EAN : 9782379240942

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