Philippe BRAUNSTEIN : « La peine des hommes est-elle objet d’histoire ? »
L’uniformisation contemporaine des pratiques sociales et des statuts professionnels occulte sous le terme de salariat les dures réalités du travail qu’ont vécues les ouvriers du bâtiment et de l’industrie exposés à la dégradation physique et psychique et aux risques mortels. Rares sont les auteurs anciens qui en parlent en connaissance de cause comme Vanoccio Biringuccio, au milieu du XVIe siècle.
Dominique CARDON : « Arachné ligotée : la fileuse du Moyen Âge face au drapier »
De tous les travailleurs de la grande industrie qu’était la draperie en Europe occidentale au Moyen Âge, la fileuse fut à la fois la plus mythifiée et la plus mystifiée, la plus mise en scène – par l’iconographie contemporaine? et la plus escamotée? par la réglementation technique. Propriétaire de ses outils de travail, travaillant à son rythme, la fileuse libre pouvait paraître en position de force vis-à-vis du drapier. Cet article montre de quelle façon, en imposant un système de titrage de la laine d’après un poids fixe et d’échets standardisés, celui-ci a néanmoins réussi à insérer la fileuse, dans les conditions qui lui convenaient à lui, dans la vaste toile d’araignée que constitue le système de production de la draperie médiévale.
Antoni FURIO : « Entre la complémentarité et la dépendance : rôle économique et travail des femmes et des enfants dans le monde rural valencien au Bas Moyen Âge »
L’article examine le rôle économique et le travail des femmes et des enfants dans le monde rural au Bas Moyen Âge, à partir du cas valencien (du Pays Valencien, dans l’est de l’Espagne) et à partir surtout des sources notariées et judiciaires. Un rôle économique et une contribution productive qui s’inscrivent dans le cadre de l’unité domestique, familiale, et se situent entre la complémentarité et la dépendance vis-à-vis du mari et du père-maître.
Alessandro STELLA : « Famille et maison : formes et raisons du placement dans les sociétés traditionnelles »
Le placement des personnes, des enfants et jeunes gens en particulier, était une pratique très répandue dans les sociétés traditionnelles en Europe. L’auteur prend ici comme terrain d’observation la Bourgogne du Nord à la fin du Moyen Âge. Par-delà la diversité des formes et des contrats passes entre preneurs et donneurs de personnes, il ressort que c’est le travail fourni ou à fournir qui modèle les relations et qui est à la source des dépendances.
Cécile BÉGHIN : « Entre ombre et lumière : quelques aspects du travail des femmes à Montpellier (1293-1408) »
Entre 1293 et 1408, un ensemble de sources montpelliéraines confirme l’existence d’une activité professionnelle féminine indispensable au dynamisme économique de la ville, en particulier dans les secteurs alimentaire et textile et dans le travail domestique. Mais ces travailleuses, quel que soit leur statut professionnel, voient leur labeur sous-estimé et, subordonnées, silencieuses, elles demeurent à jamais victimes du regard porté sur elles.
Philippe BERNARDI : « Relations familiales et rapports professionnels chez les artisans du bâtiment, en Provence, à la fin du Moyen Âge »
L’étude de l’industrie du bâtiment en Provence nous permet d’aborder la question des interrelations entre famille et travail à la fin du Moyen Âge. L’analyse de la nature juridique et économique de l’entreprise, de son fonctionnement quotidien et de la carrière des artisans montre que toutes les relations professionnelles n’étaient pas régies par le mercantilisme et le salariat. Elle souligne l’implication, dans l’ombre du maître, du groupe qu’il dirige, à la maison comme sur le chantier.
Franco FRANCHESCHI : « Les enfants au travail dans l’industrie textile florentine des XIVe-XVe siècles »
Les enfants au travail dans les manufactures textiles : une invention des temps modernes ? Dans les ateliers et les maisons où l’on effectuait le travail de la laine et de la soie, à Florence, au cours des derniers siècles du Moyen Âge, les enfants et les adolescents sont présents en grand nombre. Leur travail n’est souvent même pas masqué par une prétendue formation : ce sont des travailleurs en herbe.
Francine MICHAUD : « Exploités ou profiteurs ? Les apprentis marseillais avant la Peste noire »
À la veille de la Peste noire les conditions de travail faites aux apprentis marseillais ont connu une amélioration sensible, malgré la conjoncture du temps. La crise démographique qui affecte la cité depuis le début du siècle pourrait avoir stimulé la hausse des salaires, ainsi qu’une participation plus active dans l’échoppe du maître. Mais pas uniquement car ces conditions d’emploi favorables semblent profiter surtout aux jeunes travailleurs en formation dans les arts du négoce et de la mer, activités qui connaissent alors une brève reprise.
Katharina SIMON-MUSCHEID : « Indispensable et caché. Le travail quotidien des enfants au bas Moyen Âge et à la Renaissance »
Au bas Moyen Âge et à la Renaissance, le travail des enfants était commun et indispensable. Très tôt, les filles et les garçons contribuaient à l’économie familiale d’une manière ou d’autre. Mais ce travail quotidien, non payé, a laissé peu de traces, souvent il n’est mentionné que dans des circonstances extraordinaires comme, par exemple, des accident et des conflits.
Robert PARIS : « Les “Ciompi” : cardeurs, foulons, bâtards ? »
Les tumultes florentins de 1378 ont pour protagonistes des travailleurs de la laine connus sous l’appellation péjorative de “ciompi”. Daté de l’ “occupation française” de 1342-1343, ce terme articule un groupe de métiers et un état social. Après avoir discuté les étymologies avancées jusqu’ici, on propose une nouvelle hypothèse : “ciompi” procéderait du français “champi”, la bâtardise connotant l’obscurité de ces petites gens et le mépris où on les tient.
Peter VON MOOS : « Occulta cordis. Contrôle de soi et confession au Moyen Âge »
Au Moyen Âge, il existait deux formes de silence, celle de l’ascèse monastique et celle de la prudence aristocratique. Derrière ce double silence se cache le secret individuel du coeur, réservé à la seule scrutinatio de Dieu. A l’herméneutique de “l’homme extérieur” répondait un art parallèle du contrôle de soi empêchant toute spontanéité communicative.
Cette structure élémentaire du comportement social se complique sous la pression d’un autre impératif religieux : le devoir de s’examiner soi-même et de se confesser à Dieu en parfaite sincérité. Le tournant histonque du concile de Latran IV (1215), instituant la confession auriculaire obligatoire, mit l’accent sur l’aveu, sur la révélation des occulta cordis, dont dépendait le salut éternel. La recherche des péchés clandestins de la pensée induisait, comme corollaire logique à la confession, l’Inquisition qui, à l’image du regard central de Dieu, se proposait d’ouvrir de force les secrets du coeur. La transparence absolue, autrefois privilège exclusif de Dieu, devint le but de cette institution à la fois sacrée et politique, qui se disait son représentant sur terre.