Pierre Savy : « Un début dans la vie : Sforza Secondo jusqu’en 1467 »
Les âges ont une histoire : les bornes et le ” contenu ” de la jeunesse, en particulier, sont historiques. La jeunesse de Sforza Secondo (1435-1492 environ), fils naturel du duc de Milan Francesco Sforza, présente pourtant des caractères archétypaux souvent observés chez les jeunes aristocrates de la fin du Moyen Âge. Jusqu’à l’âge de trente-cinq ans environ, cet homme mène une vie libre et légère et entretient avec sa famille des rapports très conflictuels : il se révolte à deux reprises et ne cesse de se plaindre de sa condition. Mais, fils et frère de duc, il bénéficie d’une relative clémence : en d’autres termes, son appartenance sociale lui permet ces dérèglements. En même temps, l’exercice de cette liberté paraît contraint : il s’agit de la liberté paradoxale de n’accomplir rien d’autre que cette désobéissance, qui doit lui permettre d’améliorer sa position dans le système politique et familial de l’État milanais. Après 1467, la jeunesse de Sforza Secondo est finie : il se résigne à sa situation.
Âges de la vie – jeunesse – Milan – révolte – Sforza
Élodie Lequain : « La maison de Bourbon, “escolle de vertu et de perfection”. Anne de France, Suzanne de Bourbon et Pierre Martin »
Au début du XVIe siècle, Suzanne de Bourbon reçoit les célèbres enseignements écrits par sa mère Anne de France peu de temps avant son mariage (1505), et un traité compilé par le frère prêcheur Pierre Martin à l’annonce de sa première grossesse (1517). Ces textes s’inscrivent dans une longue tradition didactique écrite pour la noblesse et ils coïncident avec une période délicate pour le puissant duché de Bourbon. Ils témoignent de l’importance accordée à l’éducation des enfants de la noblesse, un domaine dans lequel la maison ducale de Bourbon jouit d’une très bonne réputation. Suzanne se doit d’être à la fois une princesse exemplaire et une mère capable de transmettre correctement la vertu de noblesse à sa descendance.
Anne de France – Suzanne de Bourbon – Pierre Martin – éducation – femmes
Anne-Hélène Allirot : « Isabelle de France, soeur de saint Louis : la vierge savante. Étude de la Vie d’Isabelle de France écrite par Agnès d’Harcourt »
Isabelle de France est la soeur de Louis IX et la fondatrice du monastère des Clarisses de Longchamp. Dans le contexte de la canonisation en cours du roi Louis IX, Charles d’Anjou commande à Agnès d’Harcourt, alors abbesse de Longchamp, une Vie d’Isabelle de France. Le texte est rédigé en prose et en langue vernaculaire vraisemblablement entre 1279 et 1281. La vie et les miracles d’Isabelle constituent un nouvel argumentaire en faveur de la sainteté dynastique capétienne. La princesse est présentée comme une vierge savante ; sa vie emprunte à la fois à un modèle féminin de sainteté proche de Claire d’Assise, et à un modèle royal et masculin, celui de saint Louis. Une édition de ce texte est proposée à la suite du commentaire.
Isabelle de France – Louis IX – Clarisses – sainteté féminine – Longchamp – dynastie capétienne
Mathieu Olivier : « Le prince et l’histoire dans le comté de Holstein, au miroir du Chronicon Holtzatiae Auctore Presbytero Bremensi »
L’auteur essaie de brosser le tableau de l’identité régionale dans le comté de Holstein au XVe siècle, à partir d’une source principale, la chronique dite “du Presbyter Bremensis”, une oeuvre latine rédigée en 1448. Le « Chronicon Holtzatiae » s’inscrit tout d’abord, sur le court terme, dans une perspective de crise dynastique imminente, et paraît très nettement appuyer par le recours à l’histoire les visées du dernier comte de Holstein Schauenburg Adolphe VIII, soucieux de barrer la route à ses cousins Pinneberg pour la succession comtale. Mais au-delà de ce contexte immédiat, un examen attentif permet d’observer les mécanismes du discours historique dans un texte d’orientation nettement princière et dynastique : si la “terre” ne se confond pas totalement avec la dynastie régnante, la plume du chroniqueur consacre néanmoins le lien consubstantiel entre le Holstein et ses comtes, même si, paradoxalement, il semble que le texte du Presbyter Bremensis ait surtout connu un succès tardif au XVIe siècle aux mains d’une noblesse territoriale soucieuse de défendre l’identité propre du Holstein dans la nouvelle donne politique que constitue l’union dynastique avec la couronne danoise.
Schleswig et Holstein – historiographie au bas Moyen Âge – dynastie et conscience identitaire – droit et identité régionale
Gisèle Besson : « Locus et conuentus : un état des ” lieux ” franciscains chez Salimbene de Adam »
Pour désigner les endroits où ils s’installent, les franciscains utilisent en latin plusieurs termes, en particulier locus et conuentus. De ce dernier terme est issu entre autres le français « couvent » (souvent utilisé pour traduire le mot latin), qui désigne d’abord les bâtiments où des religieux vivent en commun, puis l’ensemble des religieux qui composent la communauté. L’analyse des emplois de conuentus dans la Chronique du franciscain Salimbene de Adam permet de préciser une étape de l’évolution sémantique de ce mot et montre l’émergence du sens matériel : en cette fin du XIIIe siècle, conuentus désigne encore majoritairement la communauté des frères, conformément à l’étymologie du terme, mais le chroniqueur, dans un petit nombre de cas, use du mot pour désigner les bâtiments, non sans être conscient de certaines connotations attachées au choix des mots locus et conuentus.
Franciscains – Salimbene de Adam – locus – conuentus/couvent – évolution sémantique
Philippe Depreux, Cécile Treffort : « La paroisse dans le De ecclesiis et capellis d’Hincmar de Reims. L’énonciation d’une norme à partir de la pratique ? »
Hincmar de Reims composa sa « collection relative aux églises et aux chapelles » en réponse à une consultation du roi Charles le Chauve sur les “divisions” de paroisses réalisées par certains évêques vers le milieu du IXe siècle. Pour dénoncer cette pratique, l’archevêque de Reims s’appuie sur les autorités scripturaires, patristiques et canoniques, auxquelles il joint une sorte de capitulaire épiscopal. La traduction de ce traité, actuellement en cours, fournit l’occasion d’en proposer une nouvelle analyse : seules quelques grandes lignes en sont exposées dans cet article qui montre que le souci principal d’Hincmar, préserver l’intégrité de la communauté ecclésiale et la qualité de l’encadrement pastoral, s’exprime aussi dans ses lettres et par son action en tant que seigneur foncier, évêque et métropolitain.
Hincmar, archevêque de Reims – paroisse – patristique – Droit canon – haut Moyen Âge