Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Collection Libre cours
Nombre de pages : 176
Langue : français
Paru le : 19/04/2018
EAN : 9782842928254
Première édition
CLIL : 3655 Cinéma
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782842928254

Version numérique
EAN : 9782842928285

Politique du western

Comment les westerns racontent la fondation de la république américaine.

L’enquête montre que les westerns élaborent une fiction politique visant à transformer l’histoire réelle en mythe de l’origine, en révélant pour la première fois les implicites politiques et moraux de ce genre cinématographique très populaire. Or le personnage principal de l’origine est beaucoup moins le « cowboy » que l’Indien que les films excluent généralement de la république.

Auteur.ice.s : Mairet Gérard

Avant-propos                    

Chapitre 1                    
Prélude au western : l’histoire et l’artifice   
                
Chapitre 2                     
Métaphysique de la conquête  
                     
Chapitre 3
Économie politique de la terre     
    
Chapitre 4
Éthique de la conquête    
      
Chapitre 5
Mythologie de l’américanité     

    
Bibliographie      
            
Index   

Filmographie commentée            
Filmographie complémentaire         

Les États-Unis d’Amérique n’ont pas de Hobbes, de Locke, ou de Rousseau ; cependant, leur théorie du contrat social sort tout droit de la philosophie européenne, et le western est cette création artistique qui anime la théorie politique, qui la donne à voir, plein écran et pure fiction. Le western est analysé ici comme une philosophie en action où sont mis en scène les acteurs et les protagonistes de la création d’une république dont l’entrée est refusée à l’Indien, systématiquement « sauvage ».

Gérard Mairet est professeur émérite de philosophie à l’Université Paris 8, Vincennes-saint-Denis

Avant-propos

Gérard Mairet


Ce livre a deux origines. D’abord le plaisir constant, ancien déjà, que me procure le western et, cela étant la cause de ceci, les cours de philosophie politique que j’ai faits au département de science politique de l’Université Paris 8. Dans la mesure où le western n’est pas spontanément compris comme relevant du genre philosophique, il peut paraître énigmatique qu’il fasse non seulement l’objet d’un cours de philosophie politique, mais peut-être surtout d’un livre. Il est vrai que l’on ne pense pas, en regardant un western, qu’on est en train de « faire de la philosophie », comme on dit. Le western n’offre pas d’emblée une lecture philosophique du monde en général et du monde américain en particulier. C’est du moins ce qu’on se dit en s’asseyant dans un fauteuil pour voir un épisode de l’aventure historique que fut la conquête de l’Ouest. D’ailleurs, si l’on veut « faire de la philosophie », autant lire les philosophes ; le corpus philosophique est à la disposition de chacun d’entre nous.

En écrivant ce livre, mon intention n’était donc pas de transformer un genre cinématographique en chapitre philosophique, même si la philosophie s’occupe traditionnellement de tout… Philosopher c’est penser ce qui est dans la forme du concept, de sorte qu’on ne voit pas pourquoi elle ne s’occuperait pas du western – rien n’est étranger à la philosophie, et certainement pas le cinéma ! Cependant, il s’agit moins ici de gloser philosophiquement sur le western comme il y a, par exemple, une glose éthique sur la médecine, que de saisir en quoi les récits westerniens renferment un discours philosophique sur le monde. Les films racontant les multiples aventures des « Indiens et des cowboys » expriment une conception du monde qui, au demeurant, n’est pas seulement, on le verra, une conception américaine du monde. En mettant face à face les « Indiens » et les « cowboys », le western construit une représentation morale. En toile de fond de cette représentation, il y a l’Indien, il y a une certaine idée de l’humanité – en d’autres termes, de ceux qui en font partie et de ceux qui n’en font pas partie : vieux syndrome européen du barbare ou du sauvage. On voit apparaître ici la substance politique du western. Les westerns, parce qu’ils racontent la conquête, ne sauraient aucunement échapper à la politique de la conquête : le génocide des nations indiennes est en filigrane sur l’écran. Les meilleurs historiens du western ont d’ailleurs tous montré comment, au début des années 1950, les producteurs hollywoodiens ont fait tourner des films aux accents pro-indiens, opérant de la sorte une coupure (pas une rupture !) avec les films précédents. Anthony Mann et Delmer Daves ont été les réalisateurs les plus novateurs dans ce contexte. Précisons au passage que le discours sur les Indiens n’a pas pour autant été radicalement transfiguré s’agissant notamment de leur participation à la république, et des relations amoureuses ou sexuelles entre les colons blancs et les femmes indiennes ; la mixité ethnique est toujours et encore condamnée par le western.

Si donc il y a une substance politique du western (très sensible chez John Ford, mais pas uniquement chez lui), c’est parce que le western se présente comme un discours sur la fabrication de la nation américaine. Derrière l’Indien, Américain originaire, il y a la question politique de la fondation de la république. Or, si la question politique est la question même du western comme genre cinématographique, il est nécessaire de remonter d’un cran plus haut pour ainsi dire, jusqu’à la philosophie qui sous-tend les options politiques elles-mêmes. On verra au second chapitre qu’il faut remonter aux options métaphysiques.

Dès lors, deux voies d’examen sont ouvertes, qui ne sont pas absolument exclusives l’une de l’autre. Ou bien le western est rattaché au contexte historique au sein duquel les films sont tournés. Ainsi les années 1950 sont celles de la lutte pour les droits civiques, lutte qui n’est pas sans effet sur la machine hollywoodienne – mais le western qui parle des Indiens ne parle que très rarement des Noirs. Ou bien le western relève d’une étude interne, structurale, qui le rattache aux fondements philosophiques implicites de son discours. C’est cette voie que j’ai choisie dans ce livre (sans exclure toujours la première voie). En effet, la construction des « histoires d’Indiens et de cowboys » ne peut faire l’économie d’une longue culture, d’origine européenne, de la conquête. Dès le xvisiècle, par exemple, le discours sur l’Indien comme « enfant », comme individu « privé de raison », autrement dit comme « sauvage » est ce qui constitue le tissu idéologique justifiant la conquête, c’est-à-dire la domination, l’extermination des Amérindiens et leur dépossession subséquente. La plupart des westerns racontent des histoires ayant lieu entre la fin de la guerre de Sécession (1865) et la clôture de la Frontier (ca 1890) : vingt-cinq ou trente ans pendant lesquels les Américains achèvent la conquête et donc établissent l’Union. Je viens de dire les « Américains ». C’est là, précisément, une question cruciale de philosophie politique : qui est américain ? Comment les Européens, les colons, les homesteaders, les pionniers sont-ils devenus américains ? La question est pertinente car les Indiens ne sont pas américains, mais « wards » (pupilles) des États-Unis ; ils n’avaient pas la citoyenneté américaine. Il y a donc bien une philosophie immanente au genre western dont ce livre trace les coordonnées principales. Pour ce faire, il a fallu rattacher le discours westernien au discours juridico-politique élaboré par les Européens dans leurs traités philosophiques portant sur la fondation de l’État moderne. Comme je l’ai dit, un western n’est pas un traité de philosophie, il reste que son récit procède de la théorie du « contrat social » ou de l’institution politique – ce que rappelle le premier chapitre. Dans un ouvrage récent sur la philosophie politique des Européens (Mairet 2016), j’ai d’ailleurs esquissé cette origine du discours westernien, de sorte que le présent livre est une suite directe de celui-là.

Je dois encore préciser que les westerns formant le corpus cinématographique de ce livre (voir les filmographies en fin de volume) ne comportent que des westerns holly-woodiens. Les westerns, parce qu’ils racontent la fondation de la nation américaine, sont un genre spécifiquement américain, comme l’est le jazz, par exemple. Aussi, je ne considère pas les westerns spaghettis comme appartenant proprement au genre western. Ce sont des contrefaçons, plus ou moins bonnes, mais dépourvues de la substance éthique et politique des westerns authentiques. Le western est un genre américain qui ne souffre pas de copies frelatées. Cela ne signifie pas que ces films ne procurent pas le plaisir attendu ; cela veut dire que ce qui constitue le western comme genre – la mélancolie d’un monde en formation – est absent des productions non américaines. Le paradoxe est, d’ailleurs, que la qualité de certaines de ces copies est telle que des grands réalisateurs américains ont été nettement influencés par elles quant à la mise en scène. Or la philosophie qui anime ces réalisateurs (Clint Eastwood, Sam Peckinpah) est précisément celle qui manque aux westerns spaghettis. Dans le meilleur des cas (Sergio Leone) il s’agit seulement de bons films d’aventure où les personnages sont habillés à la mode western. On peut aimer – ou ne pas aimer ! Le western est un art qui ne souffre pas d’imitation. Ce n’est pas dire que de remarquables films, empruntant au western son style et sa manière, n’ont pas été faits ; par exemple, Gold (Gold) du réalisateur allemand Thomas Arslan, en 2013, ou encore Walkabout (La Randonnée) en 1971 ou Ten Canoes (10 Canoés), en 2006, respectivement des Australiens Nicholas Roeg et Rolf de Heer. Ils ne relèvent pas cependant de la philosophie américaine de la fondation. On ne trouvera donc ici que des films américains.

Par la force des choses, le nombre des westerns que j’ai vus (souvent de très nombreuses fois) est limité au regard du nombre de films tournés depuis le début du xxe siècle. Certains historiens en dénombrent sept mille, d’autres plus de dix mille. Inutile de préciser que je ne les ai pas tous vus. Je me suis limité à environ cent vingt films, parmi lesquels se trouvent les chefs-d’œuvre du genre qui, par conséquent, délivrent, comme on le verra, la matière de la philosophie politique du western.

*

Les films cités ou étudiés figurent dans la filmographie commentée. Un index signale les thèmes essentiels et les noms des réalisateurs. Toutes les traductions des textes anglais cités sont les miennes.

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Nombre de pages : 176
Langue : français
Paru le : 19/04/2018
EAN : 9782842928254
Première édition
CLIL : 3655 Cinéma
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
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EAN : 9782842928254

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