Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 200
Langue : français
Paru le : 05/12/2019
EAN : 9782379240614
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379240614

Version numérique
EAN : 9782379240621

Mathématiques. Savoirs et enseignements

Orient-Occident - N°77/2019

Médiévales révèle toute la richesse des études actuelles menées sur les mathématiques du Moyen Âge.

Dans ce numéro accessible à tout médiéviste et historien des sciences, sont rassemblées six contributions originales en histoire des mathématiques médiévales dont l’ambition commune est de donner à voir les problématiques actuelles du domaine. Rédigées en latin ou en arabe, ces mathématiques sont ici observées, aussi bien dans leurs contenus que pour leur diffusion, en croisant les regards. Les apports de l’histoire sociale, culturelle ou conceptuelle sont complétés par des résultats codicologiques, philologiques, linguistiques ou encore philosophiques. Ce volume thématique montre enfin l’importance des questions d’enseignement pour la construction, l’organisation et la diffusion des savoirs mathématiques au Moyen Âge latin et en pays d’Islam.

Marc Moyon
Mathématiques au Moyen Âge : savoirs, langues et enseignements

Sonja Brentjes
Pourquoi et comment étudier l’histoire de l’enseignement des mathématiques dans les sociétés islamiques entre 750 et 1500

Eleonora Sammarchi
Les collections de problèmes algébriques dans le Qisṭās al-mu‘ādala fi ilm al-jabr wa’l-muqābala d’al-Zanjānī

Marc Moyon
À propos d’algorithmes mathématiques élémentaires dans un corpus de textes arabo-latins du Moyen Âge

Stéphane Lamassé
Les Cautelae : un corpus de problèmes mathématiques, entre collection, série et culture mathématique

Nicoletta Rozza
Quelques observations sur le lexique technique de la Practica Geometrie de Léonard de Pise, dit Fibonacci

Sabine Rommevaux
L’unité et le nombre dans les Questiones mathematice de Raoul le Breton

 
Essais et Recherches

Sebastián Provvidente
Stylus theologicus et iuridicus
 : la causa Jean Petit à Constance (1414-1418) et les débats sur le tyrannicide

Jacques Hanoune
N’espoir ne peur
. Origine et diffusion de la devise du duc Charles II de Bourbon

 

Point de vue

Edina Bozoki
Le regard des historiens sur la construction de la sainteté. À propos de quelques publications récentes

 


Notes de lectures

Livres reçus

Sonja Brentjes – Institut Max Planck d’histoire des sciences (Berlin)
Pourquoi et comment étudier l’histoire de l’enseignement des mathématiques dans les sociétés islamiques entre 750 et 1500

Dans cet article, je cherche à poser un certain nombre de questions sur la manière de traiter l’énorme quantité de textes mathématiques élémentaires en arabe, en persan et en turc conservés dans différents types de bibliothèques au cours de nombreux siècles et à travers plusieurs pays. Je propose de les traiter principalement comme les témoins d’un système éducatif étendu qui a commencé à inclure les sciences mathématiques à partir du xiie siècle et à s’étendre à de nombreuses régions, même en dehors du monde islamique classique et des grands centres urbains. Je propose un certain nombre de réflexions sur les raisons pour lesquelles ces textes ont été ignorés par les historiens des sciences dans les sociétés islamiques pendant environ un demi-siècle et sur la façon dont les objectifs et les méthodes de recherche appliqués par les plus grands historiens nous ont empêchés d’étudier un corpus aussi important ainsi que leur cadre institutionnel. Je prolonge ces questions historiographiques avec une série de propositions sur la manière de compléter l’étude des textes mathématiques afin de trouver des réponses à la question de savoir comment l’enseignement des sciences mathématiques était organisé dans un contexte principalement informel, comment sont apparus les canons d’ouvrages pédagogiques et quelles pratiques pédagogiques se sont développées au contact des disciplines religieuses qui dominaient les milieux éducatifs.
Mots clés : Biographies, éducation, madrasa, paratexte, sociétés islamiques

 

Eleonora Sammarchi – Université Paris Diderot – CNRS, SPHERE, UMR 7219
Les collections de problèmes algébriques dans le Qisṭās al-mu‘ādala fi ilm al-jabr wa’l-muqābala d’al-Zanjānī

À partir de la fin du Xe siècle, une nouvelle école d’algébristes se constitue autour de la figure du mathématicien al-Karajī. Elle vise à explorer les rapports entre arithmétique et algèbre. Le livre Qisṭās al-mu‘ādala fi ilm al-jabr wa’l-muqābala (Balance de l’équation d’algèbre et al-muqābala) du mathématicien al-Zanjānī (première moitié du XIIIe siècle) est un traité sur le calcul algébrique qui s’inscrit clairement dans cette tradition de recherche arithmético-algébrique. Il se compose d’une partie théorique et de deux longues collections de problèmes. Afin d’étudier les deux collections il est indispensable de considérer, au préalable, l’histoire de la transmission de ces problèmes, en examinant les continuités et les discontinuités entre le recueil d’al-Zanjānī et ceux des auteurs qui ont constitué pour lui une référence directe ou indirecte. Outre cet héritage, l’étude révèle également que c’est dans les problèmes que la théorie du calcul algébrique s’explique et se concrétise. Ainsi, les problèmes montrent l’algèbre d’al-Zanjānī en action. Ils peuvent également offrir à l’algébriste la possibilité de repérer des nouvelles branches de sa propre discipline, comme le cas de l’analyse indéterminée le témoigne. Dans cet article, nous nous concentrons sur la structure qui caractérise Qisṭās al-mu‘ādala, et détaillons la résolution de quelques exemples de problèmes déterminés et indéterminés contenus dans l’ouvrage.
Mots clés : Algèbre, al-Zanjānī, Analyse indéterminée, Problèmes, XIIIe siècle.

 

Marc Moyon – Université de Limoges – CNRS, XLIM, UMR 7252
À propos d’algorithmes mathématiques élémentaires dans un corpus de textes arabo-latins du Moyen Âge

Les traductions arabo-latines, et particulièrement celles réalisées en al-Andalus au XIIe siècle, nourrissent l’Europe latine de nouveaux savoirs et méthodes. Ici, nous nous intéressons à l’art mathématique de la résolution de problèmes, qu’ils soient géométriques ou arithmétiques. Nous avons isolé, dans plusieurs codices datés entre le XIIIe et le XVe siècle, un corpus de textes techniques et didactiques dont la stabilité, dans l’histoire des copies, interroge l’historien des mathématiques. Son étude nous permet non seulement de dévoiler la forme et le contenu d’un tel corpus mais aussi de montrer la cohérence entre l’entreprise probable du traducteur tolédan Gérard de Crémone et le devenir de ce corpus en termes de circulation et d’appropriation.
Mots clés : Algèbre, circulation, géométrie, Gérard de Crémone, traduction.

 

Stéphane Lamassé – Université Paris Sorbonne – LAMOP, UMR 8589
Les Cautelae : un corpus de problèmes mathématiques, entre collection, série et culture mathématique

Cet article se propose de reconsidérer un ensemble de textes regroupant des problèmes de mathématiques, des devinettes, produits entre le XIIIe et la fin du XVe siècle dont une des origines sont les propositiones ad acuendos juvenes. En adoptant un regard critique sur la production historiographique dont ils ont fait l’objet, on isole un ensemble de recueils en mettant en avant leurs éléments de cohérence. De cet ensemble on peut faire un corpus, lequel replacé dans une perspective diachronique peut nous permettre de faire des hypothèses sur les usages dont ces recueils ont pu faire l’objet.
Mots clés : Alcuin, Algorisme, enseignement médiéval, jeux mathématiques, mathématiques

 

Nicoletta Rozza – Université Frédéric II de Naples
Quelques observations sur le lexique technique de la Practica Geometriae de Léonard de Pise, dit Fibonacci

Léonard Fibonacci représente sans aucun doute l’une des personnalités les plus appréciées et les plus connues du monde occidental. Sa réputation est principalement liée à la célèbre suite de nombres qui porte son nom, alors qu’il était avant tout un grand écrivain scientifique, qui a joué un rôle fondateur dans l’histoire des mathématiques ainsi que dans l’histoire de la culture. Ses livres ont été étudiés au fil des années par d’éminents savants, qui ont donné naissance à de vastes débats et à des traductions, et qui ont également permis à ses œuvres d’être connues au-delà des cercles académiques. Cependant, on déplore toujours le manque d’études philologiques et linguistiques qui pourraient éclairer les aspects les plus difficiles de son langage mathématique. Cet article vise à examiner quelques noms techniques récurrents de la Practica Geometrie. Les mots les plus simples et apparemment les plus élémentaires peuvent être en réalité insaisissables et ambigus ; de plus, ils peuvent causer des problèmes même aux interprètes les plus expérimentés et les plus prudents.
Mots clés : Géométrie, Fibonacci, Histoire des mathématiques médiévales, latin médiéval.

 

Sabine Rommevaux – CNRS – Université Paris Diderot, SPHERE, UMR 7219
L’unité et le nombre dans les Questiones mathematice de Raoul le Breton

Raoul le Breton ou Radulphus Brito, maître ès arts à l’université de Paris, produit dans les dernières années du XIIIe siècle, un traité de philosophie des mathématiques, qu’il organise sous formes de Questiones, typiques des textes universitaires produits à cette époque. Après une présentation générale de ces Questiones mathematice, nous donnerons un aperçu des réflexions de Raoul sur l’unité et le nombre.
Mots clés : Arithmétique, enseignement, philosophie des mathématiques, Radulphus Brito, Raoul le Breton, université de Paris

 

Sebastián Provvidente – UBA-CONICET
Stylus theologicus et iuridicus : la causa Jean Petit à Constance (1414-1418) et les débats sur le tyrannicide

Dans ce texte on analyse les discussions entre théologiens et juristes à propos de la Justification du tyrannicide de Jean Petit dans le cadre du Concile de Constance (1414-1418). Au-delà des positions politiques conjoncturelles des participants aux débats sur le tyrannicide, il est clair qu’il existait une tension importante autour de ce problème, entre le discours théologique et le juridique. L’exclusion des Gersonistes des arguments des juristes était en lien avec les dangers que représentait la décision individuelle sur le cas exceptionnel. En excluant de discuter en ces termes, les Gersonistes avaient perdu la possibilité de faire valoir un argument qui aurait pu sérieusement remettre en question la construction juridique de Jean sans Peur après l’assassinat de Louis d’Orléans.
Mots clés : Concile de Constance, Procédure, Stylus theologicus, Stylus iuridicus, Tyrannicide

 

Jacques Hanoune – Directeur de recherche émérite à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
N’espoir ne peur.
Origine et diffusion de la devise du duc Charles II de Bourbon

Le cardinal Charles II de Bourbon (1436-1488) a légué à la cathédrale de Sens une tapisserie L’Adoration des Mages qui comporte dans son bandeau la devise treize fois répétée N’espoir ne peur. Cette devise – ou mot – est originale et pourrait surprendre venant d’un homme d’église. La mention du rôle négatif de la crainte et de l’espoir remonte à l’antiquité gréco-romaine et en particulier à Lucien de Samosate. C’est le cardinal Charles II de Bourbon, érudit et féru d’héraldique, qui a réinventé cette devise, que l’on peut considérer comme une simple règle de vie personnelle. En particulier sous sa formulation latine nec spe nec metu, elle a eu une diffusion extrêmement grande dans les siècles suivants et jusqu’à nos jours, sa signification étant devenue une affirmation soit d’athéisme, soit d’indépendance personnelle.
Mots clés : Charles II de Bourbon, devise, mot, Ni espoir ni peur

Sonja Brentjes – Institut Max Planck d’histoire des sciences (Berlin)
Why and How to Study the History of Mathematical Education in Islamicate Societies between 750 and 1500

In this paper, I aim to raise questions about how to address the enormous amount of elementary mathematical texts in Arabic, Persian and Ottoman Turkish that has been preserved in different kinds of libraries over many centuries and countries. I propose to deal with them primarily as witnesses of a widespread educational system that began to include the mathematical sciences from the twelfth century onward and spread into many different regions even outside the classical Islamicate world and beyond the major urban centers. I offer reflections on why those texts have been ignored by historians of science in Islamicate societies for about half a century and how the research goals and methods applied by leading historians have prevented us from studying such a major corpus of texts and their institutional settings. I follow those historiographical issues with proposals for how to complement the study of mathematical texts in order to find answers an how teaching of the mathematical sciences was organized in a prevalently informal context, how teaching canons emerged and which teaching practices developed in the neighbourhood of the religious disciplines that dominated the educational landscapes.
Keywords : Biographies, education, islamicate societies, madrasa, paratext

 

Eleonora Sammarchi – Université Paris Diderot – CNRS, SPHERE, UMR 7219
The Collections of Algebraic Problems in the Qisṭās al-mu‘ādala fi ilm al-jabr wa’l-muqābala by al-Zanjānī

By the end of the 10th century, the mathematician al-Karajī founded a new school of algebraists. The aim of this school was to investigate the interaction between arithmetic and algebra. The book Qisṭās al-mu‘ādala fi ilm al-jabr wa’l-muqābala (Balance of the equation of algebra and al-muqābala) of the mathematician al-Zanjānī (first half of 13th century) is a treatise on algebraic computations which clearly belongs to this arithmetical-algebraic tradition. It is composed of a theoretical part and two long collections of problems. In order to study these collections, we need to consider first the history of the transmission of these problems, and to analyze the continuities and discontinuities between al-Zanjānī’s collections and those of the algebraists that are for him a direct or indirect reference. In addition to this heritage, the examination also reveals that it is in the problems themselves that the theory of algebraic computations is fully expressed and put into practice. Therefore, problems show al-Zanjānī’s algebra in action. They also give to the algebraist the opportunity to find new branches of his discipline, as the case of indeterminate analysis testifies. In this article, we focus on the structure of Qisṭās al-muādala and we examine the resolution of some examples of determinate and indeterminate problems included in the book.
Keywords : Algebra, al-Zanjānī, Indeterminate Analysis, Problems, 13th century.

 

Marc Moyon – Université de Limoges – CNRS, XLIM, UMR 7252
About Elementary Mathematical Algorithms in a Corpus of Arabic-Latin Texts from the Middle Ages

Arabic-Latin translations, particularly those made in Andalus in the twelfth century, provide Latin Europe with new knowledge and methods. In this contribution, we focus on the mathematical art of problem solving, either in geometric or arithmetic fields. We have isolated, in several codices dated from the thirteenth to the fifteenth century, a corpus of technical and didactic texts which stability in the history of copies, questions the historian of mathematics. Studying it allows us not only to reveal the form and content of such a corpus but also to show the coherence between the probable enterprise of the Toledan translator Gerard of Cremona and the future of this corpus in terms of circulation and appropriation.
Keywords : algebra, circulation, geometry, Gerard of Cremona, translation.

 

Stéphane Lamassé – Université Paris Sorbonne – LAMOP, UMR 8589
Cautelae : a Corpus of Mathematical Problems, between Collection, Series and Mathematical Culture 

This article offers a new analysis of a set class of texts grouping mathematical problems, riddles, produced between the thirteenth and the end of the fifteenth century, one of whose origins is the propositions ad acuendos juvenes. Adopting a critical point of view at the historiographical production of which they have been the subject, it’s possible to distinguish a set of several collections of problems by highlighting their elements of coherence. From this set can be made a corpus which, placed in a diachronic perspective, can allows us to make assumptions on the uses of which these collections could be the object.
Keywords : Alcuin, Algorism, Mathematical games, Mathematics, Medieval teaching

 

Nicoletta Rozza – Université Frédéric II de Naples
A Few comments on the technical lexicon of the Practica Geometrie of Leonardo Pisano, alias Fibonacci

Leonardo Fibonacci represents, without any doubts, one of the most appreciated and well-known personalities in the Western world. His reputation is primarily related to the famous series of numbers named after him, even though he was above all a great science writer, who played a founding role in the History of Mathematics, as well as in the History of Culture. His books have been investigated over the years by prominent scholars, who gave birth to large and fruitful debates and translations, which let his works be known beyond the academic circles too. However, there is still a lack of philological and linguistic studies that could enlighten the most difficult aspects of his mathematical language. This topic aims to examine some recurring technical nouns of the Practica Geometrie. The most simple and apparently elementary words can be, in fact, very elusive and ambiguous; moreover, they can cause problems even to the most experienced and cautious interpreter.
Keywords : Geometry, Fibonacci, History of Medieval Mathematics, Medieval Latin.

 

Sabine Rommevaux – CNRS – Université Paris Diderot, SPHERE, UMR 7219
Unity and Number in the Questiones mathematice of Radulphus Brito

Raoul le Breton or Radulphus Brito, Master of Arts at the University of Paris, produced in the last years of the thirteenth century, a treatise on the philosophy of mathematics, which he organized in the form of Questions, typical of the university texts produced at that time. After a general presentation of these Questiones mathematice, I will give an overview of Raoul’s reflections on unity and number.
Keywords : Arithmetic, Philosophy of mathematics, Radulphus Brito, Teaching, University of Paris

 

Sebastián Provvidente – UBA-CONICET
Stylus theologicus et iuridicus :
the causa Jean Petit at Constance (1414-1418) and the debates on tyrannicide

In this text we analyze the debates between theologians and jurists on Jean Petit’s Justification of tyrannicide within the frame of the Council of Constance (1414-1418). Beyond the political and circumstantial positions of the participants in the debates on tyrannicide, it is clear that there was a very important tension between theological and juridical discourse on this matter. The exclusion of juridical arguments made by the Gersonists was related to the dangers of individual decision in the exceptional case. Through their rejection to argue on these terms, the Gersonists lost the possibility to use an argument that might have seriously questioned John the Fearless juridical construction after the assassination of Louis of Orléans.
Keywords : Council of Constance, Procedure, Stylus theologicus, Stylus iuridicus, Tyrannicid

 

Jacques Hanoune – Directeur de recherche émérite à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
N’espoir ne peur
. Origin and circulation of the motto of Duke Charles II of Bourbon

Cardinal Charles II de Bourbon (1436-1488) left the cathedral of Sens a tapestry The Adoration of the Magi which includes the repeated motto N’espoir ne peur (“No hope no fear”) in its border. This motto is original and could seem unusual coming from a prelate. Mention of the negative role of fear and hope can be found in the classical literature, mainly in Lucian. It was Cardinal Charles ii de Bourbon, a wealthy patron and an erudite scholar, who reactivated this motto, probably as a simple rule of personal behaviour. It was widely circulated, particularly in its Latin form (nec spe nec metu), in the centuries that followed and continues to be so in our era, as a sign of either atheism or of personal independence.
Keywords : Charles II of Bourbon, motto, Museum of Sens, No hope no fear

Introduction

Marc Moyon
Mathématiques au Moyen Âge : savoirs, langues et enseignements

Ce volume de Médiévales est le fruit de diverses rencontres entre historiens des mathématiques médiévales et autres historiens médiévistes 1. S’il n’est plus essentiel de démontrer toute l’utilité du Moyen Âge pour l’étude historique des sciences – et des mathématiques en particulier –, il n’en est pas moins précieux de donner à voir la richesse des études actuelles menées sur les mathématiques du Moyen Âge, le renouvellement des problématiques en prenant davantage en compte les contextes de production et de circulation des savoirs, les nouvelles approches méthodologiques et interrogations sur les textes eux-mêmes, tant dans leur contenu scientifique que dans leur organisation ou leur forme matérielle, qu’ils soient connus ou inédits. C’est toute l’ambition des six contributions rassemblées dans ce volume thématique francophone 2.

S’intéresser aux mathématiques médiévales n’est pas élémentaire, au-delà même de la seule technicité apparente de la discipline. Mais, si comprendre les mathématiques des textes disponibles est indispensable, c’est bien loin de suffire. Les difficultés sont aussi ailleurs. Tout médiéviste sait que la documentation est lacunaire et exprimée dans des langues souvent difficiles à lire et à comprendre. Les contextes de production et de circulation du savoir ne sont pas toujours historiquement bien documentés. Le travail sur les manuscrits, qui restent la principale source du médiéviste, requiert des connaissances et des compétences diverses et complémentaires, entre autres dans les domaines de la paléographie, de la codicologie ou encore de la philologie.

L’ensemble des études réunies ici contribue donc à mettre en lumière un Moyen Âge mathématique, entre les pays d’Islam et l’Europe latine, principalement entre les xiie et xive siècles, où les textes et leur histoire, les langues d’expression et les relations qu’elles entretiennent entre elles sont interrogés au même titre que les savoirs. Enfin, prolongeant les premières réflexions de Guy Beaujouan à propos du quadrivium (et particulièrement de l’arithmétique) 3, ces études donnent aussi à voir l’importance de l’enseignement – et de ses différents contextes, institutionnels ou non – dans la production et la circulation des mathématiques. Aujourd’hui, l’historien des mathématiques médiévales ne peut pas l’ignorer.

Sonja Brentjes propose un éclairage sur plusieurs points historiographiques liés à l’histoire des sciences exactes, et plus particulièrement des mathématiques, en pays d’Islam. Elle interroge la manière avec laquelle est étudié l’ensemble des textes mathématiques élémentaires produits en pays d’Islam, sur une longue période 4 en centrant son argumentaire sur le Moyen Âge. Les historiens des mathématiques des pays d’Islam ont d’abord ignoré ces textes, privilégiant les traités offrant de nouveaux résultats ou de nouvelles méthodes. Aussi, les recherches en histoire des mathématiques se sont principalement concentrées sur le contenu, abandonnant ainsi les autres aspects transmis par ces textes comme leurs formes matérielles, leurs organisations, les usages… S. Brentjes estime nécessaire, lorsqu’on étudie l’enseignement des mathématiques en pays d’Islam, d’intégrer pleinement l’analyse de ces textes élémentaires et de les inscrire plus largement dans leur contexte de production et de transmission. Elle les considère comme des témoins d’un système éducatif qui a commencé à inclure les sciences mathématiques à partir du xiie siècle dans et en dehors des grands centres urbains. C’est ainsi qu’est mis l’accent sur des textes complémentaires aux premiers – les certificats d’enseignement, les dictionnaires biographiques et plus généralement les éléments paratextuels –, envisagés comme de nouvelles sources pour décrire le paysage de l’enseignement des sciences exactes en pays d’Islam.

L’article d’Eleonora Sammarchi, plus technique, nous plonge dans l’œuvre d’al-Zanjānī, mathématicien persan de la première moitié du xiiie siècle, avec son Qisṭās al-mu‘ādala fī ‘ilm al-jabr wa’l-muqābala [Balance de l’équation sur la science de la restauration et de la comparaison]. Inscrit notamment dans la filiation des travaux d’al-Karajī (x-xie siècles), qui visent à explorer les rapports entre arithmétique et algèbre 5, cet ouvrage est composé d’une partie théorique explicitant l’algèbre avec ses objets et ses opérations caractéristiques, et de deux collections de problèmes qui en comptent au total plus de trois cents. Ce sont ces collections qui sont au cœur du travail d’E. Sammarchi 6. La mise en série des problèmes fait d’abord émerger des marqueurs de transmission à travers la tradition algébrique arabe, soit explicitement, soit implicitement 7. L’étude d’un échantillon de problèmes donne ensuite à voir le calcul algébrique en action avec ses nouvelles préoccupations. Ainsi, les problèmes d’analyse indéterminée 8 tendent à se constituer progressivement en nouveau chapitre au sein de l’algèbre. L’auteure défend enfin l’idée que les problèmes permettent de comprendre pourquoi et comment appliquer les règles du calcul algébrique.

L’algèbre est vue au Moyen Âge comme un art nouveau pour résoudre des problèmes. Cette discipline, née entre 813 et 833 à Bagdad avec al-Khwārizmī, est progressivement assimilée par les Latins à partir du xiie siècle, en particulier grâce aux traductions latines réalisées en Andalus à partir de l’arabe. Marc Moyon revient sur cette appropriation latine grâce à l’étude d’un corpus arabo-latin, probablement dû au célèbre traducteur Gérard de Crémone (mort vers 1187), regroupant quatre textes de mathématiques élémentaires, présentés comme des compilations de problèmes. Leur objectif commun est la résolution de problèmes linéaires et quadratiques 9, qu’ils soient de nature géométrique ou arithmétique. L’organisation de ces compilations montre en réalité une double mise en série générée à la fois par la thématique des problèmes et par une variation des paramètres mathématiques. L’algèbre apparaît là comme une méthode alternative à bien d’autres, plus archaïques, comme des procédures algorithmiques ou encore des méthodes de fausse position. Si l’étude philologique et celle du contenu sont naturellement indispensables, la codicologie est aussi utilisée pour montrer la stabilité du corpus et pour formuler quelques hypothèses sur l’histoire des textes, de leur production à leur utilisation. En particulier, M. Moyon formule des hypothèses montrant l’éventuelle utilisation de ce corpus à des fins d’enseignement – dont les modalités restent à définir – des mathématiques élémentaires héritées des pays d’Islam.

Stéphane Lamassé nous présente une vaste étude de problèmes mathématiques considérés comme « récréatifs » : ils peuvent être, entre autres, des cautelae, des subtilitates ou encore des enigmata. Dans la tradition textuelle, ces problèmes sont regroupés en collection ou apparaissent isolément. Ils traversent le Moyen Âge et jouissent, dès le ixe siècle, d’une importante diffusion, notamment dans le cadre d’une transformation de l’enseignement des écoles cathédrales vers l’université. Dans cette contribution, S. Lamassé dresse une synthèse historiographique sur ce corpus caractéristique des mathématiques médiévales, où il montre – et regrette – que les historiens ont obstinément étudié chaque problème comme une entité textuelle indépendante de ceux qui l’entoureraient, en négligeant la plupart du temps son environnement codicologique. À partir de cette synthèse et en se fondant sur une méthodologie adaptée, un ensemble de recueils de problèmes peut être isolé. Il s’agit alors de décrire pas à pas leur cohérence que seule l’étude des séries permet de repérer. Cette cohérence explicitée dans une perspective diachronique amène à conjecturer quels sont les éventuels usages des recueils étudiés ici.

À travers une étude de type philologique, Nicoletta Rozza offre un certain nombre de remarques lexicales centrées sur la Practica geometriae [Pratique de la géométrie] de Léonard de Pise (mort après 1241), autrement connu sous le nom de Fibonacci (Filius Bonacii). L’auteure s’intéresse de près au texte pour tenter de percer des éléments de la langue en cours de spécialisation du mathématicien latin. Les premiers résultats montrent l’importance du lexique de l’arpentage du haut Moyen Âge et du corpus arabo-latin de la géométrie de la mesure 10. Si Fibonacci semble bien connu de tout historien des mathématiques, très peu d’études spécialisées sont menées sur les textes fibonacciens eux-mêmes, qu’il s’agisse des œuvres majeures, comme le Liber abaci [Livre du calcul] et la Practica geometriae, ou des œuvres mineures, comme le Flos [Fleur] et le Liber quadratorum [Livre des < nombres > carrés]. Cela rend l’étude ponctuelle de N. Rozza encore plus précieuse pour tout médiéviste s’intéressant à des textes techniques latins.

Avec la dernière contribution de ce volume consacré aux mathématiques, nous quittons la République maritime de Pise pour l’université parisienne. Sabine Rommevaux-Tani nous amène précisément à la faculté des Arts de Paris, aux xiiiexive siècles, avec Radulphus Brito ou Raoul le Breton (mort en 1320/21). Maître ès arts, auteur d’un commentaire des Sentences de Pierre Lombard (mort en 1160), Raoul le Breton est, entre autres, l’auteur d’un traité de philosophie des mathématiques qui pourrait être le reflet de son enseignement à la faculté des Arts. Comme le requiert la tradition universitaire médiévale 11, cet enseignement est organisé en questiones, consacrées ici à des propos généraux sur le quadrivium, à l’arithmétique, à la géométrie, au comput et à la musique. S. Rommevaux-Tani étudie d’abord la tradition manuscrite de ces Questiones mathematice, en donne ensuite une description générale, pour révéler enfin des éléments de la réflexion ontologique de Raoul autour de l’unité et du nombre.

Nous espérons que ce numéro thématique de Médiévales donnera envie aux lecteur·rice·s de voir se poursuivre le dialogue entre médiévistes et historien·ne·s des mathématiques. Saluons pour finir l’effort des six auteur·e·s, qui ont suivi la requête de Danielle Jacquart 12 en faisant « preuve de pédagogie à l’égard de [leurs] collègues non-spécialistes et [en] ne [cédant pas] à la tentation d’isoler l’exposé scientifique du contexte dans lequel il s’insère, ni de le réduire aux démonstrations les plus convaincantes ».

Marc Moyon – Université de Limoges – CNRS, XLIM, UMR 7252


1.Le projet éditorial proposé par le comité de rédaction de Médiévales a largement bénéficié, entre autres, des travaux menés dans le cadre de la journée d’étude « Des mathématiques médiévales : savoirs, textes, langues et enseignement » (16 mars 2018) organisée dans le cadre du séminaire d’histoire des mathématiques de l’Institut Henri Poincaré, avec le soutien du GdR 3398 « Histoire de mathématiques » du CNRS. Je tiens à remercier ici les membres du comité de rédaction de Médiévales, et en particulier Christopher Lucken pour son implication dans le suivi de ce dossier thématique, ainsi que l’ensemble des participant·e·s à la journée pour leurs questions et leurs remarques.

2.Nous pourrions considérer que le présent volume complète le numéro 52 (2007) de Médiévales, sur « La science médiévale, du codex à l’imprimé », dirigé par L. Moulinier et N. Weill-Parot, dans lequel les mathématiques étaient formellement absentes.

3.Citons, entre autres, G. Beaujouan, « L’enseignement du “Quadrivium” », dans La scuola nell’Occidente latino dell’alto medioevo, Spolète, 1972 (Settimane di studio del Centro italiano di studi sul’alto medioevo, XIX), t. II, p. 639-723 ; Id., « Le Quadrivium et la faculté des Arts », dans O. Weijers et L. Holtz éd., L’Enseignement des disciplines à la faculté des arts (Paris et Oxford, xiiiexive siècles), Turnhout, 1997, p. 185-194.

4.Elle mène une étude plus large dans S. Brentjes, Teaching and Learning the Sciences in Islamicate Societies (800-1700) (Studies on the Faculty of Arts. History and Influence), Turnhout, 2018.

5.Plus largement, sur cette question, voir R. Rashed, Entre arithmétique et algèbre, Paris, 1984.

6. Cet article, ainsi que les deux suivants, illustrent les questions débattues au sein du projet « Séries de problèmes : un genre au croisement des cultures » du laboratoire d’excellence HASTEC [en ligne] https://problemata.hypotheses.org [consulté le 17 juillet 2019]. Voir l’ouvrage collectif dont une partie traite du Moyen Âge, « Les séries de problèmes, un genre au carrefour des cultures : une première synthèse », SHS Web of Conferences, 22 (2015).

7. Dans son étude comparative, E. Sammarchi considère trois auteurs parmi les plus importants : le père fondateur de l’algèbre al-Khwārizmī (mort vers 850), Abū Kāmil (mort vers 930) et enfin al-Karajī.

8. L’analyse indéterminée est la branche des mathématiques consacrée à la résolution des équations diophantiennes (équations polynomiales à coefficients et à solutions entières).

9. Les problèmes linéaires sont des problèmes du premier degré. Ce sont des problèmes qui, algébriquement, se ramènent à la résolution d’équations du type ax b. Les problèmes quadratiques (ou plans), quant à eux, sont des problèmes du second degré : ils se ramènent à la résolution d’équations faisant intervenir le carré de l’inconnu.

10.Voir plus largement M. Moyon, La Géométrie de la mesure dans les traductions arabo-latines médiévales, Turnhout, 2017.

11.Voir, par exemple O. Weijers, « L’enseignement du trivium à la Faculté des arts de Paris : la “questio” », dans J. Hamesse éd., Manuels, programmes de cours et techniques d’enseignement dans les universités médiévales, Louvain-la-Neuve, 1994, p. 57-74.

12.D. Jacquart, « Quelle histoire des sciences pour la période médiévale antérieure au xiiie siècle ? », Cahiers de civilisation médiévale, 153-154 (1996), « La recherche sur le Moyen âge à l’aube du vingt-et-unième siècle », p. 97-113 (p. 112-113).

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 200
Langue : français
Paru le : 05/12/2019
EAN : 9782379240614
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379240614

Version numérique
EAN : 9782379240621

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