Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 160
Langue : français
Paru le : 02/05/2019
EAN : 9782842929961
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842929961

Version numérique
EAN : 9782842929961

L’art avec (ou sans) le marché de l’art

N°28/2019

Le marché de l’art et l’influence qu’il peut avoir sur les pratiques artistiques et leur réception. 

L’art contemporain suscite rarement l’intérêt du grand public, hormis lorsque des ventes record sont annoncées, ce qui étonne souvent les commentateurs. Le marché de l’art occupe de fait une place centrale dans l’imaginaire des amateurs d’art, des artistes, mais aussi d’un certain nombre d’acteurs des institutions publiques de l’art. Ce numéro revient sur des cas concrets de liens entre artistes, marché et institutions, tout en donnant des perspectives historiques sur cette question et en mettant en valeur ce que peuvent en être les limites, notamment pour ce qui est des formes artistiques non commercialisables ou des positions d’artistes qui font le choix de ne pas vendre leurs œuvres.

Éditorial

 

Dossier : L’art avec (ou sans) le marché de l’art

Jérôme Glicenstein
« Introduction : l’art avec (ou sans) le marché de l’art »

Franziska Wilmsen
« La commande en art contemporain : programmation muséale et nouveaux réseaux économiques »

Rime Fetnan
« Le rôle du marché de l’art à la documenta de Kassel : l’exemple de la documenta11 »

 Anne-Sophie V. E. Radermacker
« Quand un nom vaut des millions. État et limites d’un marché de l’art fondé sur une économie du nom d’artiste »

Léa Saint-Raymond
« Ce n’est pas de l’art mais du commerce ! ». L’irrésistible ascension du marché comme prescripteur »

Ashley Lee Wong
« Comment se confronter au marché : les nouveaux médias face au marché de l’art »

Zoé Haller
« Œuvrer en marge du marché de l’art »

Portfolio

Vladimir Titov
L’optique corporelle de Vladimir Titov

 

Notes de lecture et comptes rendus d’expositions

Abstracts français et anglais

« Quand un nom vaut des millions. État et limites d’un marché de l’art fondé sur une économie  du nom d’artiste »
Anne-Sophie V. E. Radermacker
L’article interroge l’économie du nom d’artiste dans laquelle évolue le négoce de l’art actuel et la valeur symbolique et marchande qu’il lui confère. La première partie retrace les origines historiques de cette économie singulière et apporte des preuves empiriques du poids des noms (comme identifiants et signatures) sur le marché de l’art. Trois axes de réflexion sont ensuite développés : le nom d’artiste comme construction culturelle, les effets d’une prescription du nom sur les comportements d’acquisition et de création, et la question des marchés des œuvres anonymes.

« Œuvrer en marge du marché de l’art »
Zoé Haller
À partir d’une enquête réalisée auprès d’artistes et de professionnels de l’art, cet article analyse les conditions du maintien sur la scène artistique contemporaine des artistes non-intégrés aux réseaux marchands de l’art.  Différentes alternatives s’offrent à eux : dispositifs de soutien public à la création, initiatives mises en place par les artistes ; ce texte propose d’en examiner les enjeux et les conséquences sur les conditions de vie et de création des artistes.

« La commande en art contemporain : programmation muséale et nouveaux réseaux économiques »
Franziska Wilmsen
Cet article met en lumière la pratique de la commande artistique dans le contexte du musée, en se focalisant sur la relation entre l’action de commander une œuvre et certaines tendances au sein du marché de l’art contemporain anglo-européen. J’examine les variations des structures de pouvoir entre artiste, galeriste et musée et je discute de la manière dont les tâches assignées à ces différents rôles sont négociées au cours du processus de commande. En me basant sur des études de cas récentes au sein du Kunstmuseum de Wolfsburg et de la König Galerie (Berlin), j’examine la rencontre entre des objectifs esthétique et économique concurrents au cours du développement d’un processus de commande. Enfin, j’étudie la manière dont la commande artistique a été absorbée dans l’extension du « branding » des musées et je considère les conséquences que cela a pour les institutions d’art et le marché dans lequel elles sont imbriquées.

« Comment se confronter au marché : les nouveaux médias face au marché de l’art »
Ashley Lee Wong
Les arts médiatiques sont traditionnellement demeurés cantonnés aux frontières du marché de l’art. Pourtant, au moment où les technologies en réseau commencent à faire partie de nos vies quotidiennes, nous assistons à l’émergence d’une génération d’artistes qui travaillent avec et sur Internet, tout en bénéficiant d’une présence plus importante au sein du monde de l’art. Les artistes post-Internet représentent ainsi la première génération d’artistes ayant grandi avec Internet, tout en ayant une bonne compréhension du marché mondial de l’art et du capitalisme contemporain. Il semble devenu crucial pour ces artistes de s’investir activement dans l’économie de marché contemporaine, s’ils ne veulent pas demeurer dans les marges, largement impuissants et précaires. Dans l’économie de marché globalisée, la technologie et l’art se mettent à converger de différentes manières, s’ouvrant à la possibilité de contester les modèles traditionnels de présentation et de circulation de l’art. Cet article dresse une brève histoire de l’art des nouveaux médias et de sa confrontation avec le marché. Les nouvelles technologies peuvent mettre en cause le fonctionnement du marché de l’art à travers des systèmes de Blockchain et des formes d’art qui sont simultanément médiatiques – à l’instar des systèmes de réalité virtuelle (VR) – offrant des moyens de reconsidérer les modèles de présentation et de distribution de l’art au sein des contextes commerciaux. L’objectif visé est néanmoins aussi de parvenir à créer une économie culturelle et un marché de l’art qui soient plus équitablement distribués.

« Ce n’est pas de l’art mais du commerce ! ». L’irrésistible ascension du marché comme prescripteur.
Léa Saint-Raymond
« Ce n’est pas de l’art mais du commerce ! » : ce cri d’exaspération, poussé au moment où la Bohémienne endormie du Douanier Rousseau fut adjugée au prix record de 800 000 francs, en 1926, trouve encore un écho aujourd’hui, dans les critiques à l’encontre d’un art contemporain qui serait dominé par le marché et la spéculation. Or, l’apparition de ces dénonciations est elle-même datée car celles-ci se multiplièrent dans l’entre-deux-guerres. Cet article cherche à comprendre les causes profondes qui firent émerger ce registre de disqualification, devenu un lieu commun. Deux phénomènes en furent à l’origine. En premier lieu, les années 1910-1920 marquèrent le passage d’un système dans lequel la spéculation relevait d’un arbitrage individuel, à un système caractérisé par une spéculation plus collective, favorisé par l’apparition de dictionnaires de cotes. À ce phénomène vint s’ajouter la disparition du Salon officiel comme instance de prescription et de légitimation. Avec la naissance d’un habitus financier dans le champ artistique et la fin du Salon officiel, perçu comme un juge extérieur, le segment de l’art contemporain fut alors accusé d’être régi de façon interne, par les seules lois du marché ; cette irrésistible ascension du marché correspondit au « passage obligé », pour un artiste, par les galeristes et marchands de tableaux pour se faire un nom.

« Le rôle du marché de l’art à la documenta de Kassel : l’exemple de la documenta11 »
Rime Fetnan
Cet article vise à identifier et circonscrire les liens entre les biennales internationales d’art contemporain et le marché de l’art, dont les pratiques ont évolué au cours de ces dernières décennies pour s’adapter à de nouvelles modalités d’exposition. L’analyse, réalisée à partir des documents d’archives de la Documenta11 de Kassel (2002), prend en compte les aspects à la fois budgétaires, programmatiques et artistiques qui témoignent des jeux de pouvoir entre les différents acteurs, menant parfois à des décalages entre le concept de l’exposition et la production de celle-ci.

 

“When a name is worth millions. Status and limits of an art market based upon an artist’s name economy”
Anne-Sophie V. E. Radermacker
This paper discusses the economics of names in which the art market has developed, as well as its symbolic and monetary value. The first section pinpoints historical facts that have led to the primacy of the artists’ names in the art world, and brings empirical evidence of their market value (when names are viewed as identifiers and signatures). Three lines of thinking are then addressed: the artist’s name as a cultural construction, how this prescriptive model may affect buyers and artists’ behaviors, and the trade of anonymous commodities.

“Operating on the fringes of the art market”
Zoé Haller
Based on a survey of artists and art professionals, this article studies how artists who are not integrated into the art market networks can stay in touch with the contemporary art scene. Different alternatives are available to them: public support mechanisms, initiatives put in place by the artists. This text proposes to examine the stakes and the consequences of these alternatives on the conditions of the lives of the artists and their creations

“Commissioning Contemporary Art: Museum Programming and New Economic Networks”
Franziska Wilmsen
This article sheds light on the practice of art commissioning in the museum context with a focus on the relationship between the act of art commissioning and trends within the contemporary Anglo-European art market. I examine the shifting power structure between artist, gallerist, and museum and debate the negotiation of tasks assigned to these roles throughout the commissioning process. Drawing on recent case studies from the Kunstmuseum Wolfsburg and the König Galerie (Berlin), I examine the intersection of competing aesthetic and economic agendas in the development of approaches to the commissioning process. Finally, I consider the extent to which art commissioning has been absorbed into an extended ‘branding’ of museums and consider the consequences of this for both the art institutions and the market trends in which they are imbricated.

“Confronting The Market: Media Art’s Venture into the Art Market”
Ashley Lee Wong
Media art has traditionally remained on the fringes of the art market. However as networked technologies become a part of our daily lives, we see the emergence of a generation of artists working with and through the internet, and gaining a larger presence within the art world. Post-internet artists represent the first generation of artist to grow up with the internet who also have an understanding of the global art market and contemporary capitalism. It has become imperative for artists to actively engage with today’s market economies or remain on the fringes and largely disempowered and hardly sustainable. In the globalized market economy, technology and art begin to converge in different ways opening up to possibilities to challenge traditional models of presentation and distribution of art. This paper maps a brief history of media art and its confrontations with the market through both the art and technology sectors. New technologies begin to transform the emerging landscape of the art market through blockchain and time-based media art forms such as VR that offer ways of reconsidering models of the presentation and distribution of art within commercial contexts. Yet the greater challenge remains in creating a cultural economy and art market that is more fairly distributed.

“It’s not art, it’s trade!’. The irresistible rise of the market as a prescriber”.
Léa Saint-Raymond
“It’s not art, it’s trade!”: this cry of exasperation, made at the time when The Sleeping Gipsy by Le Douanier Rousseau was auctioned at the record price of 800,000 francs in 1926, still finds an echo today in criticism against a contemporary art that would be dominated by the market and speculation. However, the appearance of these denunciations is itself dated because they multiplied in the inter-war period. This article seeks to understand the root causes that led to the emergence of this disqualification register, which has become a commonplace. Two phenomena were at the origin of this. First, the years 1910-1920 marked the transition from a system in which speculation was subject to individual arbitration to a system characterized by more collective speculation, encouraged by the emergence of rating dictionaries. In addition to this phenomenon, the official Salon disappeared as a body of prescription and legitimization. With the birth of a financial habitus in the artistic field and the end of the official Salon, perceived as an external judge, the contemporary art segment was then accused of being governed internally, by the laws of the market alone; for an artist, the irresistible rise of the market corresponded to the “necessary passage” by galleries and art dealers to make a name for themselves.

« Le rôle du marché de l’art à la documenta de Kassel : l’exemple de la documenta11 »
Rime Fetnan
This article aims to identify and circumscribe the links between large-scale international exhibitions and the art market, whose practices have evolved in recent decades to adapt to these new forms of exhibitions. Our analysis was made from archival documents of the Documenta11 of Kassel (2002) and takes in consideration budgetary, programmatic and artistic’s aspects of the exhibition. These elements testify of power games that sometimes lead to discrepancies between the concept of the exhibition and its production.

Introduction

Le marché de l’art a connu une croissance extrêmement forte ces dernières décennies, au point de mettre en doute tout retournement de tendance. Le secteur de l’art contemporain est semble-t-il au cœur de ce phénomène, nourrissant les appétits d’investisseurs pour qui la valeur financière de l’art échapperait par nature aux fluctuations ordinaires de l’économie. Bien entendu, il est difficile de croire que de telles valeurs soient dotées de propriétés magiques et si le marché de l’art s’envole actuellement, cela ne veut pas dire que cette situation durera éternellement. Il n’en demeure pas moins que cette situation n’est pas sans conséquences sur les relations au sein du monde de l’art. Si l’argent est central dans l’imaginaire collectif contemporain, la question se pose par exemple de savoir s’il est encore possible de parler d’art sans mentionner les sommes importantes qu’il requiert. Et si c’est le cas, comment la relation entre la cote marchande d’un artiste et sa valeur esthétique peut-elle s’articuler ?

Le développement hyperbolique du marché de l’art contemporain a de fait des conséquences sur les postures et pratiques de la plupart des acteurs du champ, à commencer par les artistes eux-mêmes. Autrefois, nombreux d’entre eux professaient de mépriser le commerce de l’art ; c’était même l’une des ritournelles bien connues de la Bohême. Ces dernières années, la situation a semble-t-il changé : bien qu’il y ait toujours autant d’artistes dépourvus de ressources, certains d’entre eux choisissent de mettre en scène leur train de vie et leur bonne fortune. Cette posture n’est pas sans écho dans l’histoire ancienne de l’art, mais elle tranche largement avec l’éthos puritain de la modernité. De fait, le succès commercial n’est plus vu comme un gage de médiocrité et/ou de trahison, notamment par les critiques, conservateurs, commissaires et historiens de l’art. Ceci explique sans doute que les dossiers de presse produits par les galeries aient pu acquérir une valeur aussi importante, valeur qui dépasse la simple information, chacun s’empressant de relayer leur contenu.

Si certains artistes ont pu devenir des stars en raison de leurs succès dans des ventes aux enchères, les galeries internationales et les grands collectionneurs occupent désormais une place centrale à leurs côtés, reléguant les intermédiaires traditionnels de l’art (critiques ou conservateurs) à bonne distance et divisant le public en fonction de ses capacités financières.

Que faut-il en penser : le marché est-il réellement devenu le prescripteur principal des valeurs artistiques ? Sommes-nous arrivés à une situation où il devient impensable de s’opposer à un système dont tout le monde ne bénéficie pas mais qui continue d’exercer un attrait important sur les artistes – et jusque sur l’économie néo-libérale qui valorise fortement les valeurs liées au monde de l’art ? Le marché détermine-t-il l’évolution des productions artistiques, comment et par quels relais ? C’est à ces questions que ce numéro de Marges tente de répondre.

La première partie du numéro se compose de deux études de cas permettant d’éclairer concrètement les relations entre marché de l’art et institutions publiques de diffusion. Le texte de Franziska Wilmsen aborde les partenariats public-privé établis entre les musées et le marché, dans le cas de commandes passées à Erwin Wurm par le Kunstmuseum de Wolfsburg. Ainsi qu’elle le montre, de manière très convaincante, les liens entre ce commanditaire et la galerie de l’artiste ne sont pas sans effets sur l’œuvre produite et ses expositions ultérieures. Rime Fetnan évoque, quant à elle, la relation entre les expositions internationales et le marché de l’art, dans le cadre de deux éditions de la Documenta de Kassel. La participation des artistes à ces expositions a pu avoir des conséquences sur leur activité, ce qui concerne autant les galeries que les collectionneurs concernés. 

La deuxième partie est plus distanciée vis-à-vis de l’art contemporain, puisqu’il s’agit d’examiner les facteurs économiques entrant dans la détermination de la valeur des œuvres. Léa Saint-Raymond revient dans son article sur l’évolution de la spéculation sur les œuvres d’art, depuis la fin du Salon officiel. De fait, la légitimité académique toute puissante a été progressivement remplacée, à partir des années 1910-1920 par une nouvelle légitimité correspondant à l’action des marchands, lesquels ont gagné au passage une influence prescriptrice en matière artistique. Anne-Sophie Radermacker s’interroge quant à elle sur un autre aspect de la même question : le sous-entendu du marché de l’art qui voudrait que la valeur d’une œuvre serait étroitement liée à l’identité de son auteur. De fait, il est possible de relier la notoriété d’un nom à l’évolution d’une cote. Simultanément, les œuvres dont les auteurs sont anonymes, si leurs cotes sont plus faibles ne sont jamais complètement dévalorisées.

La troisième partie reprend la deuxième partie du titre de ce numéro et s’interroge sur les moyens qu’ont les artistes et opérateurs d’art aujourd’hui d’échapper à la mainmise du marché dominant. Le texte de Zoé Heller rend compte d’une enquête menée auprès d’artistes dont l’activité se situe en marge (ou à l’extérieur) du marché de l’art. Les artistes qui ne travaillent pas directement pour le marché de l’art cherchent en effet bien souvent à fonder d’autres économies, mettant en valeur des solidarités associatives et la recherche de financements publics. Le dernier article, dû à Ashley Wong traite enfin d’un segment spécifique du marché de l’art qui concerne l’art des nouveaux médias. Pendant longtemps ce type de pratique échappait, presque par nature, à l’échange marchand. L’obsolescence des technologies et les difficultés de conservation rebutaient les collectionneurs. Les acteurs concernés ont toutefois progressivement construit un marché spécifique qu’ils ont accompagné d’un ensemble de dispositifs permettant à fois la diffusion et les possession ou l’échange d’œuvres.

Ce numéro ne serait pas complet sans une intervention d’artiste ; celle-ci est due à Vladimir Titov, un artiste russe, dont Satenik Bagdasarova présente une série de dessins.

 

Jérôme Glicenstein
Avril 2019

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 160
Langue : français
Paru le : 02/05/2019
EAN : 9782842929961
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842929961

Version numérique
EAN : 9782842929961

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