Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 29/04/2021
EAN : 9782379241505
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379241505

Circulation des idées dans l’art contemporain

N°32/2021

La revue marges étudie ici une question qui suscite de nombreux débats, à savoir l’importance prise par nombre de discours issus des sciences humaines dans la création artistique et son appréciation.

La création contemporaine fait souvent appel à un champ de références issues des sciences humaines : sociologie, psychologie, études culturelles, pensée décoloniale… mais aussi parfois, des sciences dures ou appliquées. « La circulation des idées dans l’art contemporain » s’interroge sur ce phénomène au travers d’exemples de diverses pratiques artistiques et/ou de mises en forme de discours sur l’art. 

Éditorial – Jérôme Glicenstein

 

Dossier : La circulation des idées dans l’art contemporain

 

Nicolas Heimendinger
« Introduction. La circulation des idées dans l’art contemporain »

Marie Vicet
« Brouillage dans la transmission du message au sein de l’exposition “Les Immatériaux” »

Juliette Pym
« Sur le Whitney Independent Study Program : récit d’une mise en pratique de la théorie critique dans les mondes de l’art »

Philippe Le Guern
« Sur le tournant anthropologique en art… et le tournant esthétique en anthropologie »

Marine Schütz
« Les musées européens, des espaces de circulation pour la pensée décoloniale ? »

Claire Salles
« (Se) débattre avec l’esthétique : l’appropriation par la revue Texte zur Kunst de la philosophie spéculative contemporaine »

 

Témoignage

Lia Giraud
« Dialogiques de l’œuvre-processus. Echanges interdisciplinaires dans un contexte de recherche en art »

Entretien
Entretien de Nicolas Heimendinger avec Laurent Jeanpierre

 

Portfolio


Yasmina Benabderrahmane

 

Notes de lecture et comptes rendus d’expositions

 

Dialogiques de l’œuvre-processus. Echanges interdisciplinaires dans un contexte de recherche en art
Lia Giraud

Le renouveau d’une « circulation des idées dans le monde de l’art » est ici observé dans un nouveau contexte de création artistique s’inscrivant au cœur des institutions de recherche. Elle s’appuie sur une expérience particulière d’artiste et de chercheuse, ayant intégré entre 2012 et 2017 le programme doctoral SACRe de l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL). Ce contexte offre un terrain choisi pour étudier les échanges entre les disciplines artistiques, mais aussi entre l’art contemporain et d’autres disciplines, issues du monde scientifique et universitaire.

 

Sur le tournant anthropologique en art… et le tournant esthétique en anthropologie
Philippe Le Guern

Observant la curiosité réciproque que semblent partager l’art contemporain et l’anthropologie la plus actuelle, cet article s’efforce de saisir les raisons, la portée et les enjeux de ce tournant ethnographique de l’art et, simultanément, du tournant artistique de l’anthropologie. Il montre que se jouent notamment, dans la constitution de cet espace dialogique singulier, des questions aussi essentielles que celles qui touchent à la formation des conventions esthétiques et à leur nature socialement construite, à la portée sociale et politique du geste créatif, au rapport entre la pratique et la réflexivité. En définitive, n’est-ce pas la tension classique entre relativisme et universalisme qui se rejoue dans cette attraction mutuelle ?

 

Sur le Whitney Independent Study Program : récit d’une mise en pratique de la théorie critique dans les mondes de l’art
Juliette Pym

Le Whitney Independent Study Program peut être décrit comme le lieu du passage entre la théorie critique héritée de l’école de Francfort, alliée à d’autres influences théoriques, et la conception de pratiques artistiques interdisciplinaires, tournées vers le questionnement de leurs propres conditions. À travers des réseaux d’identification renforcés par une pédagogie radicale, l’idée d’une éthique de la pratique artistique y est développée comme la condition d’une mise en pratique méthodique et nécessaire de la critique, dans les mondes de l’art et au-delà.

 

(Se) débattre avec l’esthétique : l’appropriation par la revue Texte zur Kunst de la philosophie spéculative contemporaine
Claire Salles

L’article identifie dans le dossier consacré en 2014 par la revue d’art contemporain Texte zur Kunst au réalisme spéculatif un retour paradoxal à la valorisation de l’expérience artistique et critique. Ce retour est paradoxal, car la philosophie spéculative tendrait plutôt à minimiser le rôle de l’appréhension humaine des phénomènes. L’expérience directe permise par la spéculation est promue au détriment de la réflexion sur les conditions de cette expérience et de son écriture. Des pistes alternatives sont proposées pour conclure, notamment le partage des perspectives et certaines réflexions sur l’anthropocentrisme en Media Studies.

 

Les musées européens, des espaces de circulation pour la pensée décoloniale ?
Marine Schütz

L’article aborde le rôle des musées européens dans le processus de circulation des idées décoloniales en étudiant deux accrochages produits en 2019 au Mucem de Marseille, et au Bristol Museum and Art Gallery. Il vise à sonder les points de rencontre entre les intentions des conservatrices de ces musées qui procèdent au renversement des points de vue sur l’histoire coloniale afin de rompre avec les perspectives culturelles et coloniales héritées du passé et le corpus critique décolonial.

 

Brouillage dans la transmission du message au sein de l’exposition « Les Immatériaux »
Marie Vicet

Si Jean-François Lyotard et Thierry Chaput avait fait appel à nombreux concepts dans la conception de l’exposition « Les Immatériaux », celle-ci avait été en même temps pensée pour s’adresser avant tout à la sensibilité des visiteurs, privés de toute explication au cours de leur visite. Ce paradoxe rendait la compréhension du public particulièrement compliquée, voire impossible. Dans cet article, il s’agira de montrer, par l’étude des différentes stratégies mises en place par les commissaires, comment cette mauvaise transmission du message était incluse dans le projet même de l’exposition.

 

 

Dialogues of the work-process. Interdisciplinary exchanges in a context of art research
Lia Giraud

The revival of a “circulation of ideas in the art world” is observed here in a new context of artistic creation at the heart of research institutions. It is based on a particular experience as an artist and researcher, having integrated between 2012 and 2017 the doctoral programme SACRe of the University Paris Sciences et Lettres (PSL). This context offers a chosen field for studying exchanges between artistic disciplines, but also between contemporary art and other disciplines from the scientific and academic world.

 

On the anthropological turn in art… and the aesthetic turn in anthropology
Philippe Le Guern

Observing the reciprocal curiosity that contemporary art and the most current anthropology seem to share, this paper attempts to analyse the reasons, the scope and the stakes of this ethnographic turning point in art and, simultaneously, of the artistic turning point in anthropology. It shows that, in the constitution of this singular dialogical space, questions as essential as those concerning the formation of aesthetic conventions and their socially constructed nature, the social and political scope of the creative gesture, and the relationship between practice and reflexivity are raised. Ultimately, is it not the classic tension between relativism and universalism that is played out in this mutual attraction?

 

On the Whitney Independent Study Program : critical theory in the worlds of art
Juliette Pym

The Whitney Independent Study Program can be described as a place of transition between critical theory inherited from the Frankfurt School, combined with other theoretical influences, and the conception of interdisciplinary artistic practices, oriented towards questioning their own conditions. Through identification networks reinforced by radical pedagogy, the idea of an ethics of artistic practice is developed at the ISP as a condition for the necessary and systematic application of critique, in the art world and beyond.

 

At Grips with Aesthetics: the Appropriation by the Journal Texte zur Kunst of Contemporary Speculative Philosophy
Claire Salles

The article identifies in the dossier devoted in 2014 by the contemporary art journal Texte zur Kunst to speculative realism a paradoxical return to the valorisation of artistic and critical experience. Such a return is paradoxical because speculative philosophy would rather tend to minimise the role of human apprehension of phenomena. Direct experience through speculation is affirmed at the expense of reflecting upon the conditions of experience and writing. Alternative paths are proposed at the end of the article: the sharing of perspectives, and some works on anthropocentrism in Media Studies, among others.

 

European museums, spaces of circulation for decolonial thought?
Marine Schütz

The article addresses the role of European museums in the process of circulation of decolonial ideas by studying two displays produced in 2019 at the Mucem of Marsesille and at the Bristol Museum and Art Gallery. It aims to probe the points of encounter between the intentions of the curators of these museums who are reversing the point of views on colonial history in order to break with the cultural and colonial perspectives inherited from the past they consider as hegemonic, and the decolonial critical body of works.

 

Interference in the transmission of the message within the exhibition “Les Immatériaux”
Marie Vicet

If Jean-François Lyotard and Thierry Chaput employed many concepts in the conception of the exhibition “Les Immatériaux”, at the same time it addressed above all the sensitivity of visitors, deprived of any explanation during of their visit. This paradox has made public understanding particularly complicated, if not impossible. This article will show, by studying the different strategies implemented by the curators, how this poor transmission of the message was included in the project of the exhibition.

 

Éditorial

 

Les années 1960-1970 ont vu se multiplier les références théoriques en art, en lien avec d’importantes transformations sociales et institutionnelles : élévation du niveau de formation des artistes, apparition d’une critique d’art plus universitaire et théoricienne, émergence de la nouvelle figure du curateur comme concepteur d’expositions, politisation du champ artistique, etc. Si cette période très « théoriciste » semble s’être refermée, la place des idées dans l’art contemporain est pourtant loin d’avoir décru. Au contraire, les catalogues et les revues spécialisées, les déclarations d’intention des curateurs ou des artistes foisonnent de références à des intellectuels (Agamben, Butler, Deleuze, Foucault, Haraway, Latour, Rancière, etc.) et à des concepts en vogue – de l’anthropocène à l’object-oriented ontology, en passant par les propositions d’esthétiques accélérationniste, décoloniale ou post-internet, pour citer pêle-mêle quelques exemples récents. Réciproquement, philosophes, scientifiques et essayistes sont régulièrement invités à collaborer à des expositions, des formations, des workshops, etc.

Le champ de l’art contemporain connaît donc une intense circulation d’idées, dont les provenances comme les finalités sont nombreuses et variées. Ce phénomène est parfois regardé avec une certaine condescendance par les universitaires, du fait des confusions et des effets de mode qui tendent à accompagner l’introduction, parfois superficielle ou ostentatoire, de nouvelles idées dans le monde de l’art contemporain. Celles-ci méritent pourtant d’être prises au sérieux et examinées, tant pour leur intérêt théorique que dans leurs usages pratiques. Quelles sont leurs origines et comment se diffusent-elles ? Quels rôles jouent-elles dans les activités, les représentations, les stratégies de légitimation des artistes, des professionnels et des institutions du monde de l’art ? Ces questions permettent d’engager une réflexion sur la place, à la fois marginale et hautement valorisée, qu’occupe le champ artistique dans l’économie générale du champ intellectuel. L’art contemporain apparaît en effet aujourd’hui comme un lieu propice à la construction de certaines carrières intellectuelles, selon d’autres modalités que celles du champ universitaire ou médiatique. Certaines notoriétés s’y affirment, certaines idées nouvelles y émergent, et peuvent être ensuite exportées vers d’autres champs. Les mondes de l’art sont-ils donc susceptibles, à partir de ces « braconnages » théoriques, de devenir à leur tour des foyers de production et de diffusion d’idées au-delà de leurs frontières ?

Les premiers textes du dossier ont une approche plus distanciée historiquement. Marie Vicet revient sur « Les Immatériaux », l’exposition organisée autrefois par Jean-François Lyotard au Centre Pompidou. À l’époque, la question n’était pas tant de légitimer la création contemporaine en faisant appel à un philosophe réputé que de donner à voir des idées par le biais d’une exposition. Les artistes contemporains n’étaient d’ailleurs pas particulièrement présents, pas plus que les explications sur les enjeux du projet. Si cette exposition témoigne de changements techniques et sociétaux dont nous sommes les héritiers, il n’en demeure pas moins que cet ensemble ambitieux est resté largement hors de portée de ses destinataires, lesquels étaient privés de toute explication au cours de leur visite – cette mauvaise transmission du message étant d’ailleurs incluse dans le projet même de l’exposition. 

Juliette Pym s’intéresse quant à elle aux prémices de l’utilisation par les artistes de références théoriques, à travers l’exemple de l’Independent Study Program du Whitney Museum. Ce programme, décrit comme le lieu du passage entre la théorie critique héritée de l’école de Francfort et la conception de pratiques artistiques interdisciplinaires, tournées vers le questionnement de leurs propres condition est né à la suite des expérimentations néo-avant-gardistes new-yorkaises des années 1960 et a constamment été nourri des réflexions produites par la revue October. À travers l’utilisation de ces modèles, renforcés par une pédagogie radicale, l’idée d’une éthique de la pratique artistique y a été développée comme la condition d’une mise en pratique méthodique et nécessaire de la critique, dans les mondes de l’art et au-delà.

La deuxième partie du numéro concerne des situations plus récentes. Philippe Le Guern s’interroge sur l’influence de l’anthropologie sur certains courants récents de l’art contemporain. Un constat est fait : « le tournant ethnographique de l’art se caractérise par une politisation de l’esthétique tandis que le tournant artistique de l’ethnographie se caractériserait par une esthétisation de la pensée anthropologique ». Les artistes dont les objectifs sont d’intervenir dans des situations sociales font-ils pour autant œuvre d’ethnologues ? Quelle est la nature de leur engagement et à quels échanges peut-il donner lieu avec une discipline telle que l’anthropologie ? Cet article montre que se jouent, notamment, dans la constitution d’un espace dialogique singulier, des questions aussi essentielles que celles qui touchent à la formation des conventions esthétiques et à leur nature socialement construite, à la portée sociale et politique du geste créatif, au rapport entre la pratique et la réflexivité.

La question de l’appropriation de domaines théoriques par le monde de l’art ne se limite pas aux pratiques des artistes, mais se retrouve aussi dans le champ de la critique, au sein d’une revue d’art telle que Texte zur Kunst, laquelle à consacré un numéro entier à une notion telle que le réalisme spéculatif, en 2014. Les questions posées par Philippe Le Guern réapparaissent : s’agit-il d’un échange de bons procédés entre domaines séparés ou bien de pure appropriation de notions exogènes par le monde de l’art ? S’agit-il d’un retour à la valorisation de l’expérience artistique et critique ? Ce retour peut sembler paradoxal, car la philosophie spéculative tendrait plutôt à minimiser le rôle de l’appréhension humaine des phénomènes. L’expérience directe permise par la spéculation est en effet promue au détriment de la réflexion sur les conditions de cette expérience et de son écriture.

Le dernier texte du dossier permet de revenir à des pratiques concrètes avec les interventions d’artistes autour d’objets coloniaux. Deux musées sont abordés par Marine Schütz : le Mucem de Marseille et le musée de Bristol, ce qui permet de constater leur ouverture, mais peut-être aussi leur volonté de mettre à profit – pour ne pas dire instrumentaliser – des artistes contemporains afin d’offrir au public l’image d’une plus grande ouverture aux questions qui agitent la société contemporaine.

Nous publions également le témoignage de Lia Giraud, ancienne participante au programme SACRe, un programme qui met en relation des artistes contemporains et des centres de recherche autour d’un projet scientifique, lequel se concrétise par la réalisation d’un doctorat hybride. Ce témoignage permet d’envisager concrètement la richesse et les limites de ce genre de partenariat, tout en donnant un exemple concret de « circulation des idées dans les mondes de l’art ».

Un entretien avec Laurent Jeanpierre, chercheur en sciences politiques – et simultanément acteur occasionnel du milieu de l’art – permet de donner un point de vue un peu différent sur les limites entre pratiques artistiques et théories issues des sciences humaines.

Pour le reste, le numéro consacre quelques pages à un portfolio de Yasmina Benabderrahmane et à des comptes rendus d’ouvrages et d’expositions.

Jérôme Glicenstein

Avril 2021

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 29/04/2021
EAN : 9782379241505
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379241505

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