Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 224
Langue : français
Paru le : 10/11/2022
EAN : 9782379242540
Première
CLIL : 3377 HISTOIRE
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379242540

Version numérique
EAN : 9782379242557

Vieillesse et pouvoir dans l’Occident médiéval

N°82/2022

Si Charlemagne est connu pour avoir atteint la vieillesse, il n’est pas une exception parmi celles et ceux qui exercent le pouvoir au Moyen Âge. Médiévales cerne les rapports, dans le discours comme dans la pratique, entre vieillesse et pouvoir.

Si la vieillesse est une réalité au Moyen Âge, elle n’en est pas moins une notion relative. Médiévales s’interroge sur ses contours (flous) et ce qui permet de considérer qu’une partie des détenteurs et détentrices du pouvoir l’ont atteint. Les auteurs analysent dans ce cadre les parcours individuels et les pratiques qui conduisent à l’exercice du pouvoir à un âge avancé, ses conséquences pour celui ou celle qui détient le pouvoir ou y participe, mais aussi pour les autres (entourage, individus relevant de son autorité) et donc les tensions intergénérationnelles qui peuvent en résulter, ainsi que le discours, admiratif, réprobateur ou indifférent, suscité par de telles situations.


Ce numéro 82 coincide avec le 40e anniversaire de la revue. Médiévales a en effet été crée en 1982.

Laurence Moulinier
Éditorial

 

Gilles Lecuppre, Emmanuelle Santinelli-Foltz
Vieillesse et pouvoir dans l’Occident médiéval : au cœur d’une réflexion pluridisciplinaire d’actualité

Emmanuelle Santinelli-Foltz
Reines et rois mérovingiens « pleins de jours » : approche démographique, idéologique et pratique

Philippe Depreux
Le roi « âgé » et le règlement de sa succession : des temps carolingiens au triomphe de la primogéniture

Laurence Leleu
La vieille et les jeunes : réalités et représentations de la fin de la régence de l’impératrice Adélaïde pour Otton III

Isabelle Ortega
Anciens homs, sachans homs et autres veillarts : la participation des plus âgés au pouvoir dans la principauté de Morée (xiiie-xive siècles)

Christelle Balouzat-Loubet
Les dernières années de Mahaut, comtesse d’Artois (1319-1329) : une vieillesse invisible ?

Alexandra Beauchamp
L’âge des responsabilités : discours et attitudes envers la vieillesse de l’infant Pierre d’Aragon (1305-1381)

Amandine Le Rouxµ
Vieillesse et offices de la Chambre apostolique (camériers, trésoriers, clercs) : une expertise au service de l’Église et des églises

 

Essais et recherches

Mariateresa Prota
Rapport texte-image : deux miniatures du manuscrit pisano-génois Aberystwyth, National Library of Wales, 444D

Brice Rabot
Un témoignage inédit et exceptionnel sur les justices seigneuriales bretonnes à la fin du Moyen Âge : le registre d’assises de Bois-Colombin
(1378-1437)

 

Point de vue

Fanny Madeline
La Tapisserie de Bayeux : actualité d’une œuvre au cœur de l’histoire franco-britannique aux lendemains du Brexit

 

Notes de lecture

Soazick Kerneis (dir.), Une histoire juridique de l’Occident. Le droit et la coutume (iiie-ixe siècle) (Corinne Leveleux) ; Laurent Ripart, Les Déserts de l’Occident. Genèse des lieux monastiques dans le sud-est de la Gaule (fin ive-milieu vie siècle) (Léa Zéringer) ; Scott DeGregorio et Paul Kershaw (éd.), Cities, Saints, and Communities in Early Medieval Europe. Essays in Honour of Alan Thacker (Alban Gautier) ;  Tristan Martine et Jérémy Winandy (dir.), La Réforme grégorienne, une « révolution totale » (Isabelle Rosé) ; Cristoforo Buondelmonti, Description of the Aegean and Other Islands, Copied, with Supplemental Material, by Henricus Martellus. A Facsimile of the Manuscript at the James Ford Bell Library (Nathalie Bouloux) ; Davide Cristoferi, Il « reame » di Siena. La costruzione della Dogana dei Paschi e la svolta del tardo Medioevo in Maremma (metà xiv-inizi xv secolo)  (Didier Boisseuil) ; Verena Krebs, Medieval Ethiopian Kingship, Craft, and Diplomacy with Latin Europe (Benjamin Weber ) ; Aurélien Robert, Épicure aux enfers. Hérésie, athéisme et hédonisme au Moyen Âge (Nicolas Weill-Parot) ;  Agnès Graceffa, Une femme face à l’Histoire. Itinéraire de Raïssa Bloch, Saint-Pétersbourg-Auschwitz, 1898-1943 et Robert E. Lerner, Ernst Kantorowicz, une vie d’historien (Martin Gravel)

Livres reçus 

Emmanuelle Santinelli-Foltz – Université Polytechnique des Hauts-de-France, LARSH
Reines et rois mérovingiens « pleins de jours » : approche démographique, idéologique et pratique

La documentation de l’époque mérovingienne montre que quelques rois et reines ont dépassé le demi-siècle et évoque parfois la vieillesse de certains souverains, même si c’est beaucoup moins fréquemment que lorsqu’il est question de religieux. L’article vise donc à réexaminer la documentation disponible pour l’interroger, avec une approche genrée, sur la perception de la vieillesse pour ces individus participant à l’exercice du pouvoir royal, et à évaluer, en distinguant les points communs et les différences entre rois et reines, la proportion des souverains considérés âgés et ce qu’il en résulte en termes d’exercice du pouvoir. Le questionnement est successivement abordé sous l’angle démographique, idéologique et pratique.

genre, Mérovingiens, pouvoir royal, vieillesse

 

Philippe Depreux – Université de Hambourg
Le roi « âgé » et le règlement de sa succession, des temps carolingiens au triomphe de la primogéniture

Il n’était pas rare que les souverains carolingiens atteignent la cinquantaine, ce qui relativise la notion de vieillesse. Les chroniqueurs du haut Moyen Âge se montrent peu sensibles à l’âge avancé de certains rois, ce qui laisse supposer que la vieillesse n’est pas un motif généralement retenu pour régler une succession. Le cas de Charlemagne, qui désigne son héritier très tard, et celui de Louis le Pieux, qui – par crainte de la mort – désigne son successeur très tôt, sont exceptionnels. La description, erronée, de Charlemagne mort en septuagénaire s’explique par le fait qu’il fut couronné empereur à un âge auquel, depuis de générations, les rois étaient généralement déjà passés de vie à trépas.

Capétiens, Carolingiens, Ottoniens, succession, vieillesse

 

Laurence Leleu – Université d’Artois, CREHS
La vieille et les jeunes. Réalités et représentations de la fin de la régence de l’impératrice Adélaïde pour Otton III

Après avoir évoqué la mort de l’impératrice Théophano en 991, Thietmar de Mersebourg explique dans son Chronicon que la grand-mère d’Otton III, l’impératrice Adélaïde, « se tint à la place de sa mère jusqu’à ce que, corrompu par le conseil de jeunes gens impudents, il la congédie, suscitant sa tristesse ». Ce court passage aborde la question de l’exercice du pouvoir par une « vieille » femme, une grand-mère d’une soixantaine d’années, au nom de son petit-fils. Si la régence de l’impératrice âgée est discrètement valorisée, c’est surtout l’entourage « juvénile » d’Otton III qui se trouve ici déconsidéré. L’analyse de ce passage vise à déconstruire l’instrumentalisation des stéréotypes liés à l’âge, afin de proposer une identification des « jeunes gens impudents », et de mettre au jour les intentions politiques de l’évêque de Mersebourg.

âges de la vie, compétition, Otton III, régence, vieillesse

 

Isabelle Ortega – Université de Nîmes ; UPR CHROME
Anciens homs, sachans homs et autres veillarts : la participation des plus âgés au pouvoir dans la principauté de Morée (XIII-XIVe siècles)

Dans les États nés des croisades, les récits qui se transmettent oralement accordent une place de choix aux hommes âgés, bien que numériquement peu nombreux. La principauté de Morée est née à la suite de la Quatrième croisade, et dans les textes narratifs la part belle est faite à ceux qui sont qualifiés de « vieillards ». Qu’ils appartiennent à la première génération de conquérants ou que ce soient d’autres prud’hommes venus ultérieurement, ils sont au plus près du pouvoir princier, occupent des fonctions d’importance et ils ont l’oreille du prince. Il semble que dans cette partie de l’Orient latin, la vieillesse soit synonyme d’expérience et les personnes âgées influentes ont la confiance des princes successifs tout au long des xiiie et xive siècles.

Que ce soient des personnages hors normes, qui sortent de l’anonymat en participant à des affrontements épiques, ou des hommes de pouvoir, quelques cas apparaissent au détour d’une description, d’un acte militaire ou d’un évènement d’importance. Considérés comme des prud’hommes, leur parole a du poids et, vus comme sages, ils sont au plus près du pouvoir. Ainsi, la principauté de Morée permet-elle aussi d’interroger les rapports entre vieillesse et pouvoir, à l’image des autres parties du monde occidental à la même période.

Morée, noblesse, pouvoir, prud’homme, vieillesse

 

Christelle Balouzat-Loubet – Université de Lorraine, CRULH
Les dernières années de Mahaut, comtesse d’Artois (1319-1329) : une vieillesse invisible ?

Mahaut, comtesse d’Artois, est surprise par la mort à l’âge de cinquante-neuf ans, le 27 novembre 1329. Les sources concernant son règne – actes de la pratique, comptabilités principalement – ne livrent que d’infimes indices des effets de l’âge : des physiciens mandés peut-être plus régulièrement auprès d’elle, des achats de sirops et « médecines » évoqués dans les registres de comptes de l’Hôtel. La rédaction d’un troisième et dernier testament, le 24 mars 1329, suggère aussi que la comtesse sent sa fin approcher. Sans doute Robert, qui intente à sa tante haïe à l’été 1329 un dernier procès afin de lui reprendre l’Artois, entend-il profiter d’une moindre combattivité de la vieille dame.

Nous devinons donc que la princesse doit composer avec les effets de l’âge, mais vieillir, ce n’est pas seulement subir les effets du temps, c’est aussi avancer en âge, traverser les épreuves et accumuler les expériences. En fait, l’infléchissement daterait plutôt d’une dizaine d’années auparavant, alors que Mahaut sort d’une période particulièrement éprouvante : la révolte nobiliaire en Artois (1315-1319) et, surtout, la perte brutale de son fils Robert, héritier du comté, en 1317. La comtesse porte alors une attention marquée aux œuvres charitables, fonde plusieurs hôpitaux et multiplie les legs aux établissements religieux. Cette charité, certes ostentatoire, n’en marque pas moins une nette évolution de la spiritualité comtale.

charité, gouvernement, Mahaut d’Artois, médication, vieillesse

 

Alexandra Beauchamp – Université de Limoges, CRIHAM
L’âge des responsabilités. Discours et attitudes envers la vieillesse de l’infant Pierre d’Aragon (1305-1381)

Cet article envisage la façon dont le critère de l’âge a pesé sur les responsabilités politiques, gouvernementales, militaires confiées à un prince de la famille royale aragonaise, l’infant Pierre d’Aragon (1305-1381). Sollicité par les rois d’Aragon et papes successifs bien avant d’atteindre la vieillesse – que différents indices permettent de faire débuter autour de sa cinquantaine – ce puissant prince laïc gagne en influence et se voit confier ses charges les plus prestigieuses à la maturité. Sa vieillesse, qui coïncide avec son entrée dans l’ordre franciscain et ses premières visions et prophéties, ne bride pas son engagement au service de la chose publique, qui perdure jusqu’à son décès à l’âge avancé de soixante-seize ans.

Couronne d’Aragon, franciscain, gouvernement, Grand schisme, Pierre d’Aragon, prophétie, vieillesse

 

Amandine Le Roux – LAMOP
Vieillesse et offices de la Chambre apostolique (camériers, trésoriers, clercs), une expertise au service de l’Église et des églises

Aux xive et xve siècles, 272 officiers de la Chambre apostolique ont occupé les charges de camériers, de trésoriers et de clercs de la Chambre. Parmi eux, seulement treize agents étaient âgés de plus de soixante ans lorsqu’ils ont été recrutés, mais 40% d’entre eux décédèrent entre soixante et quatre-vingt-dix ans. Ces hommes âgés ne sont pas inactifs puisqu’ils continuent d’œuvrer au service de l’Église et des églises alors qu’ils sont considérés comme étant d’un âge avancé. Ils sont devenus papes, cardinaux, évêques ou archevêques. D’autres agents demeurent toujours au service du gouvernement pontifical, décédant à plus de soixante ans dans leur charge ou au service d’un autre organe du gouvernement pontifical. Localement, leur proximité avec la curie romaine est utilisée afin d’établir des relations avec les communautés et les pouvoirs politiques locaux. Leurs compétences administratives, diplomatiques et fiscales sont donc utilisées dans différentes charges, plaçant ces hommes au centre de nœuds de pouvoir, la soixantaine dépassée.

camériers, clercs de la Chambre apostolique, Chambre apostolique, trésoriers, vieillesse  

 

Mariateresa Prota – Université de Messine (Italie)
Rapport texte-image : deux miniatures du manuscrit pisano-génois NLW, 444D

Cet article étudie quelques images du manuscrit NLW 444D, appartenant au corpus des manuscrits pisano-génois, notamment connus pour leurs illustrations en série. Le but est de mettre en évidence la relation entre le texte et l’image et d’évaluer quelle a été la motivation de certains choix iconographiques, parfois partagés par d’autres manuscrits du corpus. Les résultats de la recherche pourraient nous conduire à admettre que certaines illustrations devaient servir simplement à définir la typologie textuelle – du moins dans certains codex du corpus – tandis que d’autres devaient être conçues et réalisées avec plus de soin qu’on ne le croit habituellement à propos des miniatures des manuscrits pisan-génois, en ce qui concerne le respect du contenu textuel et les implications culturelles.

iconographie, Italie, manuscrits, romans de chevalerie, saignée

 

Brice Rabot – Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA), Université de Nantes / Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM), Université de Poitiers
Un témoignage inédit et exceptionnel sur les justices seigneuriales bretonnes à la fin du Moyen Âge : le registre d’assises de Bois-Colombin (1378-1437)

Les réalités judiciaires des seigneuries rurales bretonnes à la fin du Moyen Âge restent aujourd’hui encore très largement méconnues, faute d’archives. Le registre d’assises de Bois-Colombin est en ce sens une source exceptionnelle, d’autant plus qu’il éclaire la période du redressement de l’autorité seigneuriale après la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364). Ce registre met en lumière différentes stratégies mises en place par les seigneurs (et leurs agents) pour régler les conflits : procédures judiciaires, tentatives de médiations en parallèle des procédures, appels. Il éclaire aussi différents pans de la vie seigneuriale, avec la présentation des litiges et des contestations de droits, passés sous silence dans les autres sources seigneuriales. Au total, le registre de Bois-Colombin permet de saisir quelques réalités concrètes de l’autorité seigneuriale à la veille des soubresauts du second xve siècle, dans une seigneurie aux confins du comté de Nantes et du Poitou, dans les « marches communes » avec le Poitou, où l’autorité seigneuriale est partagée. Des équilibres subtils sont mis en place, que cet article se propose d’interroger en partant de l’exercice de la justice.

appel, autorité éminente, Bretagne, justice, procédures, registres d’assises.

 

Fanny Madeline – LaMOP (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/CNRS)
La Tapisserie de Bayeux. Actualité d’une œuvre au cœur de l’histoire franco-britannique aux lendemains du Brexit

Angleterre, Anglo-Saxons, Hastings, instrumentalisation, Normands, numérisation, restauration

 

Emmanuelle Santinelli-Foltz – Université Polytechnique des Hauts-de-France, LARSH
Merovingian Queens and Kings « Full of Days » : Demographic, Ideological and Practical Approach

The documentation of the Merovingian period shows that some kings and queens have passed the half century and sometimes evokes the old age of some sovereigns, even if it is much less frequently than when it refers to religious. The article therefore aims to re-examine the documentation available for questioning, with a gendered approach, on the perception of old age for these individuals participating in the exercise of royal power and to assess, by distinguishing the commonalities and differences between kings and queens, the proportion of sovereigns considered elderly and what results in the exercise of power. The questioning is successively approached in demographic, ideological and practical terms.

gender, Merovingians, old age, royal power, strategy

 

Philippe Depreux – Université de Hambourg
The « Elderly » King and the Settlement of his Succession, from the Carolingian Times to the Triumph of Primogeniture

Not rarely did Carolingian sovereigns live until the age of fifty years old, a fact which relativises the notion of oldness. Medieval chroniclers were not especially interested in the great age of some kings. For that reason, we can suppose that age was generally not a motivation for regulating the succession. Charlemagne’s case, who designated his heir very late, and that of Louis the Pious, who designed his heir quite early because his fear of death, are both exceptional. The explanation for the false information according to which Charlemagne was seventy as he died is probably that he was crowned as an emperor in an age when kings in the past generations already died.

Capetians, Carolingians, Ottonians, succession, Old Age

 

Laurence Leleu – Université d’Artois, CREHS
The Old Woman and the Young Men. Realities and Representations of the end of the Regency of Empress Adelheid for Otto III

After mentioning the death of Empress Teophanu in 991, Thietmar of Merseburg explains in his Chroniconthat Otto III’s grandmother, Empress Adelheid, « stood in her mother’s place until, corrupted by the advice of impudent youths, he dismissed her, causing her sorrow ». This short extract tackles the issue of an « old » woman – a grandmother in her sixties – exercising power on behalf of her grandson. Though the regency of the old empress is discreetly valued, it is especially the « juvenile » entourage of Otto III which is discredited here. The analysis of this extract aims at deconstructing the instrumentalization of age-related stereotypes, in order to propose an identification of the « impudent youths », and to highlight the intentions of the Bishop of Merseburg.

competition, old age, Otto III, regency, stages of life

 

Isabelle Ortega – Université de Nîmes ; UPR CHROME
Ancient homs, sachans homs and other veillarts : the Participation of the Oldest People in Power in the Principality of Morea (Thirteenth-Fourteenth Centuries)

In the states born of the crusades, the narratives that are passed on orally give pride of place to elderly men, although few in number. The Principality of Morea came into being as a result of the Fourth Crusade, and in the narrative texts those who are described as ‘old men’ are given an important position. Whether they belong to the first generation of conquerors or to other prud’hommes who came later, they are close to the princely power, hold important positions and have the ear of the prince. It seems that in this part of the Latin East, old age is synonymous with experience, and influential older people are trusted by successive princes throughout the thirteenth and fourteenth centuries.

Whether they were unusual characters who emerged from anonymity by taking part in epic battles, or whether they were men of power, some cases appear in the course of a description, a military act or an important event. Considered as prud’hommes, their word carries weight and, seen as wise men, they are close to power. Thus the principality of Morea also allows us to question the relationship between old age and power, as in other parts of the Western world during the same period.

Morea, nobility, old age, power, prud’homme

 

Christelle Balouzat-Loubet – Université de Lorraine, CRULH
The Last Years of Mahaut, Countess of Artois (1319-1329) : an Invisible Old Age?

Mahaut, countess of Artois, was surprised by death at the age of 59, on 27 November 1329. The sources concerning her reign – mainly practice acts and accounts – only provide tiny clues to the effects of age: physicists perhaps commissioned to visit her more regularly, and purchases of syrups and “medicines” mentioned in the registers of accounts of the Hôtel. The writing of a third and final will, on 24 March 1329, also suggests that the countess felt her end was approaching. No doubt Robert, who in the summer of 1329 brought a final lawsuit against his hated aunt in order to take back Artois from her, intended to take advantage of the old lady’s lesser fighting spirit.

We can therefore guess that the princess has to deal with the effects of age, but growing old is not just about undergoing the effects of time, it is also about advancing in age, going through trials and accumulating experience. In fact, the change in attitude dates from about ten years earlier, when Mahaut was emerging from a particularly trying period: the revolt of the nobility in Artois (1315-1319) and, above all, the brutal loss of her son Robert, heir to the county, in 1317. The countess then paid particular attention to charitable works, founded several hospitals and increased the number of bequests to religious establishments. This charity, although ostentatious, nonetheless marked a clear evolution in the countess’ spirituality.

charity, government, Mahaut of Artois, medication, old age

 

Alexandra Beauchamp – Université de Limoges, CRIHAM
The Age of Responsibilities. Discourse and Attitudes towards the Old Age of the Infant Pedro of Aragon (1305-1381)

This article deals with the way the age criterium influenced infant’s Pedro of Aragon (1305-1381) political, governmental and military responsibilities over the fourteenth Century. Long before he was an old man, this prince of the royal family was requested by the successive kings of Aragon and popes. But he achieved his more prestigious charges when he got old, around 50. His old age, which was also synonymous for his conversion to franciscanism and his first visions and prophecies, is still a very active time of his life, and his commitment to the res publica lasts until he dies, aged 76.

Crown of Aragon, Franciscan, government, Great Schism, old age, Pedro of Aragon, prophecy

 

Amandine Le Roux – LAMOP
Old Age and Services of the Apostolic Chamber (Camerlenga, Treasurers, Clerks), an Expertise in the Service of the Church and the Churches

In the fourteenth and fifteenth centuries, 272 officers of the Apostolic Chamber held the offices of camerlengo, treasurers and clerks of the Chamber. Of these, only thirteen officers were over sixty years of age when they were recruited, but 40% of them died between the ages of sixty and ninety. These older men are not inactive, as they continue to work in the service of the Church and the churches even though they are considered to be of advanced age. They have become popes, cardinals, bishops or archbishops. Other agents still remain in the service of the papal government, dying at over sixty in their office or in the service of another organ of the papal government. Locally, their proximity to the Roman Curia is used to establish relations with local communities and political powers. Their administrative, diplomatic and fiscal skills are thus used in various offices, placing these men at the centre of power nodes in their sixties.

Apostolic Chamber, camerlengo, clerks of Apostolic Chamber, old age, Papal treasurer 

 

Mariateresa Prota – Université de Messine (Italie)
Text-image Relationship : Two illustrations of the Pisan-Genoese Manuscript NLW 444D

This paper aims to examine some images present in the manuscript NLW 444D, belonging to the corpus of Pisan-Genoese manuscripts, especially known for their serial illustrations. The purpose is to highlight the relationship established between text and image and to evaluate what was the motivation of some illustrative choices, sometimes shared by other manuscripts of the group. The results of the research could lead us to recognize that some illustrations had to serve simply to define textual typology – at least in some members of the corpus – while others must have been conceived and made with greater care, regarding adherence to textual content and cultural implications, than is usually believed about the miniatures of the Pisan-Genoese manuscripts.

Bloodletting, chivalric romance, iconography, Italy, manuscripts

 

Brice Rabot – Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA), Université de Nantes / Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM), Université de Poitiers
An unpublished and exceptional testimony on seigniorial justice in Brittany at the end of the Middle Ages : the Bois-Colombin Assize Register (1378-1437)

 Many parts of Bretons’ rural lordships judicial realities at the end of the Middle Ages are still widely unknown, mainly for want of archives. In this sense, the Bois-Colombin’s Assize Register is an exceptional source. Firstly, the recovery of seigniorial authority after the Britton Succession War (1341-1364) is highlighting. Secondly, various strategies put in place by lords (and their agents) to resolve conflicts are enlightened. The assizes register enlightens a turning-point (the end of the fourteenth century and the beginning of the fifteenth century) with main topic: judicial procedures, attempt to mediate in parallel procedures, appeal. Thirdly, it illuminates various pieces of the seigniorial life, with the presentation of litigation and disputes of rights, passed under silence in other seigniorial sources. Finally, the Bois-Colombin’s register makes it possible to discern some realities of the seigniorial authority just before the convulsions of the second fifteenth century, on edges of the county of Nantes and Poitou, in the “common borders” with Poitou, where seigniorial authority is shared. This article proposes to question some subtile balance by studying the exercise of justice.

appeal, assizes registers, Brittany, compromises, justice, procedure, senior authority

 

Fanny Madeline – LaMOP (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/CNRS)
La Tapisserie de Bayeux. Actualité d’une œuvre au cœur de l’histoire franco-britannique aux lendemains du Brexit

Angleterre, Anglo-Saxons, Hastings, instrumentalisation, Normands, numérisation, restauration

Gilles Lecuppre
Emmanuelle Santinelli-Foltz

 

Vieillesse et pouvoir dans l’Occident médiéval
Au cœur d’une réflexion pluridisciplinaire d’actualité

 

Le vieillissement des sociétés occidentales depuis quelques décennies et ses conséquences diverses, notamment socio-économiques, ont conduit, à partir des années 1980-1990[1], à un regain d’intérêt pour la question de la vieillesse de la part de chercheuses et chercheurs issus de disciplines variées, accompagnant la réflexion des pouvoirs publics et d’associations confrontées à ce qui est devenu un enjeu de société. Les historiens y ont contribué, tout en soulignant que la vieillesse était une notion relative : s’il y a eu à toutes les époques des personnes âgées et conscience que l’individu passe par différents âges au cours de la vie[2], la vieillesse – selon les époques – ne correspond pas tout à fait à la même réalité, ne concerne pas la même proportion de la population ni ne suscite les mêmes enjeux. L’initiative d’une approche historique de la vieillesse, sur une période déterminée ou sur la longue durée, est à porter au crédit des modernistes[3], qui notent des transformations majeures au xviiisiècle, tant pour cerner la vieillesse démographiquement que dans la manière de la percevoir et de lui prêter attention. Les analyses historiques stimulées par le renouvellement, depuis les années 2000, de la démographie historique à la suite des travaux de Peter Laslett[4], ainsi que des recherches – parfois croisées – des sociologues, des anthropologues[5], des psychologues, des psychiatres, des gériatres et des gérontologues[6], ont eu pour conséquence de multiplier les études sur les époques moderne et contemporaine[7]. Les spécialistes des sociétés plus anciennes ne se sont penchés que beaucoup plus récemment sur cet objet d’étude[8], de manière à préciser et nuancer les affirmations avancées pour opposer un modèle pré- et post-industriel, alors que la recherche récente insiste sur la diversité des pratiques et des comportements à toutes les époques et parfois dans les mêmes régions.

Les études individuelles et collectives sur la vieillesse dans les sociétés du passé, en particulier du Moyen Âge, se font moins rares, mais la plupart ont jusqu’alors privilégié les approches démographiques et idéologiques[9], même si la vieillesse vécue commence à retenir l’attention[10]. La question des rapports entre la vieillesse et le pouvoir suscite néanmoins depuis peu un intérêt dont témoignent plusieurs projets concomitants : outre la publication de ce numéro de Médiévales, il faut signaler le colloque organisé par l’Association allemande pour les études britanniques (Arbeitskreis Großbritannien Forschung, AGF), en collaboration avec le German Historical Institute London et la Sorbonne (Université Lettres), envisageant sur la longue durée et de manière pluridisciplinaire la « Politique de la vieillesse : les gens âgés et la vieillesse dans l’histoire britannique et européenne (du Moyen Âge à nos jours) », ainsi que les recherches en cours de Christian Neumann (Institut Historique Allemand de Rome) sur les rapports entre « Vieillesse et pouvoir à la fin du Moyen Âge », visant à comparer le discours et les pratiques, relatifs aux souverains âgés, dans trois types d’institutions politiques (les communes italiennes, la royauté anglaise et la papauté)[11]. L’objectif de ce dossier, qui s’inscrit dans cette dynamique, précise ces approches et les élargit non seulement dans le temps (en envisageant l’ensemble du Moyen Âge), dans l’espace (en prenant en compte d’autres régions de l’Occident médiéval), mais aussi à d’autres institutions politiques et d’autres formes d’exercices du pouvoir. Il vise à analyser les rapports multiformes entre vieillesse et pouvoir, tels qu’ils sont pensés, souhaités, imposés ou vécus, en dégageant d’une part les caractéristiques et problématiques communes, et d’autre part les spécificités, qu’elles soient régionales, genrées, contextuelles ou relatives à la nature du pouvoir, et enfin les évolutions perceptibles au cours de la période. Cet article entend présenter trois axes de réflexion, en s’appuyant sur les problématiques dégagées par les travaux, notamment historiques, sur la vieillesse, mais aussi les recherches récemment renouvelées sur le pouvoir médiéval, le genre et le corps.

 

L’influence de l’âge dans l’exercice du pouvoir ?

Un premier questionnement concerne l’influence de l’âge dans l’exercice du pouvoir, que l’on peut envisager sur deux plans : d’une part, en prenant en compte l’ensemble de celles et ceux qui exercent le pouvoir pour évaluer la part des vieux et vieilles ; d’autre part, en analysant le cycle de la vie des individus participant à l’exercice du pouvoir, pour saisir les évolutions susceptibles d’être liées au vieillissement.

 

Vieillesse et responsabilités : quelle fréquence, dans quels contextes ?

 

La documentation témoigne que des individus âgés des deux sexes ont exercé le pouvoir, que celui-ci soit politique, religieux, social ou économique. Pour ne prendre que quelques exemples d’horizons divers, Brunehaut (ca 547-613), Charlemagne (ca 742/748-814), l’impératrice Adélaïde de Bourgogne (931-999), Alphonse X de Castille (1221-1284) ou encore Philippe le Hardi (1342-1404) auraient ainsi vécu plus de soixante ans ; Clotilde (472/480-544/548), l’évêque Hincmar de Reims (806-882), l’impératrice Mathilde (896-968), l’abbé Suger (1080/81-1151), le pape Alexandre III (ca 1105- 1181) et le chevalier devenu régent d’Angleterre Guillaume le Maréchal (ca 1147-1219) auraient été septuagénaires ; l’abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179), Aliénor d’Aquitaine (1124-1204) et le pape Jean XXII (ca 1244 ou 1249-1334) auraient atteint les quatre-vingts ans, et Remi de Reims (437/439-535) comme le doge de Venise, Enrico Dandolo (1107-1205), auraient frisé le centenaire. Pour autant, sont-ils des exceptions ? Sont-ils perçus et considérés comme vieux ? Évaluer la part des vieux et vieilles parmi les détenteurs du pouvoir implique d’abord de s’interroger sur la définition de la vieillesse. Comme dans la plupart des sociétés, l’époque médiévale a ses théoriciens des âges de la vie : s’ils se distinguent sur le nombre de périodes et les moments charnières, ils placent tous, à la fin de l’existence, la vieillesse (senectus), prélude à la mort. Certains fixent un âge seuil qui varie néanmoins entre quarante et soixante-dix ans, chiffres à la valeur plus symbolique que réelle[12], repris dans les traités médicaux qui se penchent sur la question[13]. D’autres considèrent que la vieillesse n’est pas tant une question d’âge qu’un état caractérisé par la diminution des capacités physiques et mentales[14], ce qui se produit à un âge variable selon les individus. La théorie n’est cependant pas la pratique, ce qui implique de s’interroger aussi sur la perception de la vieillesse au quotidien[15] : quels critères sont mobilisés pour intégrer un individu dans la catégorie des vieux ? L’âge ? La perte de certaines capacités ? L’ancienneté dans une fonction ? La place dans le cycle de la vie et la succession des générations ?

À l’époque médiévale, même si l’âge n’est pas une donnée privilégiée dans la documentation qui nous est parvenue, notamment avant la fin du Moyen Âge et le recours accru à l’écrit dans les pratiques gouvernementales et administratives qui s’accompagnent de l’enregistrement d’indicateurs plus variés, cela ne signifie pas que les individus ne connaissent pas leur âge, au moins approximativement, ce qui est noté lorsque c’est nécessaire[16]. Les données éparses qui permettent parfois d’évaluer l’âge à l’entrée et la sortie de fonctions aident à préciser si certaines catégories d’âge sont davantage susceptibles d’exercer le pouvoir et pourquoi. Différents critères peuvent entrer en ligne de compte : ils sont analysés successivement. Posons néanmoins d’emblée ce constat, qui sera déclinable à toutes les études rassemblées dans ce volume : le quantitatif le cède au Moyen Âge au qualitatif. L’âge, critère objectif à nos yeux, ne fait pas à lui seul la vieillesse pour la perception médiévale : si aucune entrave physique ou mentale dans l’exercice du pouvoir n’est notée ou reprochée, la vieillesse n’est simplement pas prise en compte, en tous les cas pour les laïcs. Cette ellipse, pour étonnante qu’elle puisse paraître, est fréquente et dans une certaine mesure banale. Toute mention est donc idéologiquement marquée, en bonne ou en mauvaise part.

 

Le mode d’accession

 

Le mode d’accession aux responsabilités est un premier élément à prendre en compte. Selon que celui-ci repose sur l’hérédité, l’élection, la cooptation ou la nomination, les individus sont plus ou moins amenés à exercer le pouvoir dans leur vieillesse. L’hérédité qui prévaut dans les royautés, les milieux aristocratiques ou marchands implique, d’une part, l’exercice du pouvoir par son détenteur durant toute sa vie et donc potentiellement à un âge avancé et, d’autre part, son décès pour qu’il y ait succession, ce qui intervient plus ou moins tôt, mais n’exclut pas des formes d’association au pouvoir en attendant cette échéance. Par ailleurs, à partir du moment où la primogéniture s’est imposée (xe siècle pour la royauté, puis les élites princières et seigneuriales), le temps d’attente est allongé d’autant pour les cadets, susceptibles d’accéder aux pleines responsabilités à un âge plus avancé encore. À la fin du xiie siècle, Guillaume le Maréchal, quatrième fils de son père, finit par récupérer les titres paternels alors qu’il approche de la cinquantaine[17]. L’élection ou la nomination – qui peuvent se combiner –, privilégiées dans les institutions religieuses et urbaines, ainsi que dans les services administratifs, centraux et locaux, quel que soit leur degré d’élaboration, impliquent un choix et donc des critères de sélection, parmi lesquels l’âge peut entrer en considération explicitement ou implicitement et différemment selon que la fonction est viagère (par exemple, épiscopat, dogat) ou pour une durée déterminée (par exemple, consulat, podestatie), voire soumise à la volonté du souverain (conseillers).

L’âge peut ainsi intervenir implicitement, lorsque la sélection se fait au mérite et qu’elle implique pour certaines fonctions – même s’il n’y a rien de systématique – d’avoir prouvé ses qualités dans la durée, comme pour l’épiscopat[18], ou de pouvoir s’appuyer sur une solide expérience accumulée au cours des ans, comme pour le gouvernement urbain[19]. Pour certaines charges, un âge minimum est d’ailleurs exigé : pour la royauté, autour d’une quinzaine d’années ; dans l’Église, la législation canonique fixe, depuis le haut Moyen Âge, vingt-cinq ans pour être diacre, trente ans pour devenir clerc et évêque[20] ; pour les fonctions urbaines, la plupart des communes italiennes fixent à vingt-cinq ans l’âge minimum pour exercer un office mineur, entre trente-deux et quarante ans pour les fonctions plus élevées de même que pour la participation aux différents conseils, et jusqu’à quarante-cinq ans pour les charges les plus hautes[21] ; le cursus universitaire se trouve quant à lui progressivement réglementé, n’autorisant l’accès à la maîtrise en théologie (qui confère un pouvoir intellectuel et facilite la promotion dans les institutions universitaires et ecclésiastiques) qu’aux candidats âgés d’au moins trente-cinq ans[22]. Dans certaines villes, ce n’est pas un âge minimum, mais des conditions d’ancienneté (inscription fiscale, participation aux assemblées, occupation de certains postes, etc.) qui sont exigées pour accéder aux fonctions urbaines[23], ce qui décale l’âge à partir duquel elles sont possibles. Cela ne signifie pas que les préconisations sont systématiquement suivies ni qu’elles favorisent la gérontocratie, les seuils retenus n’étant pas très élevés, mais elles témoignent que la question de l’âge n’est pas aussi ignorée qu’on a pu le penser. Par ailleurs, si l’on fixe parfois une limite basse, il est très rarement question de limite haute[24], ce qui laisse supposer que la jeunesse pose davantage de problème que la vieillesse lorsqu’il est question de pouvoir. Il faudra le vérifier.

 

La nature du pouvoir et ses fondements

 

La nature du pouvoir et ses fondements constituent une seconde donnée qui intervient pour expliquer la proportion plus ou moins importante d’individus âgés. L’exercice du pouvoir n’exige pas les mêmes compétences, ni les mêmes ressources, selon qu’il est politique, religieux, économique, social, familial ou culturel et que ses fondements reposent sur la force militaire, le savoir, les vertus, les compétences techniques ou l’autorité familiale. Le critère de l’âge intervient donc différemment : il peut expliquer l’exercice du pouvoir à un âge avancé dans certains cas, et la moins grande proportion d’individus ayant atteint la vieillesse dans d’autres, ce qui n’exclut pas des exceptions. Georges Minois a déjà noté pour les élites qu’il y avait davantage d’individus âgés des deux sexes dans les institutions ecclésiastiques et les communautés religieuses, où la vie est moins dangereuse, qu’en dehors, où les hommes se trouvent confrontés aux aléas de la guerre et des activités qui s’y apparentent (chasse, tournois) et les femmes à ceux de la maternité[25]. Si cela correspond à une réalité, l’opposition mérite d’être précisée et nuancée : certains des individus repérés dans les institutions religieuses alors qu’ils ont un âge avancé y ont parfois été accueillis tardivement, après avoir longtemps vécu dans le siècle et survécu à ses dangers[26], de même que certaines femmes qui optent pour la vie religieuse, une fois veuves ou séparées et les enfants établis, donc après avoir connu plusieurs maternités auxquelles elles ont survécu[27]. Il faut aussi discuter l’opposition proposée par Georges Minois entre les sociétés guerrières qui accordent toute leur place aux vieux (guerriers), témoins des exploits militaires et incarnations de l’honneur familial, et les sociétés pacifiques et agricoles, où ils n’auraient plus cette utilité[28] : si la longévité permet à ceux qui la connaissent de participer à l’entretien de la mémoire, en particulier de tout ce qui contribue à renforcer le prestige du groupe familial, le vieillissement, avec la diminution des forces physiques, pose davantage de problèmes lorsqu’il faut combattre que lorsqu’il faut gérer un patrimoine. En outre, on doit prendre en compte l’évolution des méthodes de gouvernement qui se diversifient au cours du Moyen Âge : si le pouvoir s’impose par les armes tout au long de la période, le développement des monarchies administratives et le recours accru à l’écrit à la fin du Moyen Âge[29] démultiplient les possibilités pour les individus âgés de participer à l’exercice du pouvoir.

 

La hiérarchie du pouvoir

 

La place dans la hiérarchie est aussi un critère explicatif. Le Moyen Âge est marqué par la hiérarchisation de la société en général, et des organes de pouvoir en particulier. Or, la question de l’âge ne se pose pas de la même manière à tous les échelons, ce qui se traduit par une proportion de vieux variable selon les niveaux de responsabilité. Le cursus ecclésiastique, universitaire ou pratiqué dans certaines institutions urbaines privilégie ceux qui ont atteint un certain âge au fur et à mesure de la progression dans la hiérarchie, ce qui renforce au sommet le poids de ceux qui sont âgés. Dans d’autres structures, comme à l’échelon royal et aristocratique, ce n’est pas le cas, mais le pouvoir ne s’exerce pas seul : ceux qui le détiennent s’appuient, quel que soit leur âge, sur des conseillers et des hommes d’action[30], voire d’autres individus contribuant à son fonctionnement comme à son prestige[31], dans leur entourage et les institutions centrales comme à l’échelon local où il faut relayer leur autorité. S’il y a parmi eux des hommes de tous âges, la documentation souligne la forte proportion des individus âgés parmi les conseillers et ceux à qui l’on confie des missions, de manière à bénéficier de leur sagesse et de leur expérience. Il est vrai que certains d’entre eux sont d’un âge avancé[32], mais Françoise Autrand a déjà souligné que le lieu commun opposant la sagesse des vieux conseillers à l’inexpérience des jeunes était un thème d’opposition, et non un thème de pouvoir[33], ce qui doit inciter à mieux distinguer discours et pratiques, et à discuter la répartition des fonctions de conseil aux vieux et d’action aux jeunes. À l’échelon local, les autorités n’en ont pas moins régulièrement recours au témoignage des Anciens (qu’ils soient rachimbourgs, boni homines, « prud’hommes », etc.)[34] et certaines communes italiennes, en particulier en Toscane, intègrent parmi leurs institutions un conseil des Anciens[35], dont le nom traduit la volonté de s’appuyer sur des individus se caractérisant par un âge avancé qui mériterait d’être précisé. Cela invite à envisager l’exercice du pouvoir de façon globale, de manière à évaluer non pas seulement la proportion des individus âgés parmi les détenteurs du pouvoir, mais aussi à mesurer comment se partagent les responsabilités entre jeunes et vieux et comment fonctionne leur collaboration qui pourrait avoir été davantage la norme qu’on ne l’a pensé.

 

Le genre

 

Enfin, le genre apparaît aussi comme un critère d’analyse essentiel pour comprendre le degré de participation des vieux au pouvoir et la diversité des situations. Dans une société dominée par les hommes, le pouvoir leur revient principalement, mais cela n’exclut pas la participation des femmes[36]. Si celle-ci se fait parfois dans des contextes similaires à ceux qui conduisent les hommes au pouvoir et que la question de l’âge se pose (ou non) dans les mêmes termes que pour eux, certaines situations leur sont spécifiques. Aucune différence majeure avec les hommes n’apparaît ainsi pour les femmes qui participent à l’exercice du pouvoir religieux – notamment en tant qu’abbesses – ou économique – comme propriétaires ou usufruitières de domaines fonciers[37] ou patronnes d’entreprises artisanales, ainsi que comme dirigeantes des métiers urbains exclusivement féminins[38]. Ce qui vaut pour les hommes semble valoir pour les femmes, qui sont donc amenées ou non à exercer le pouvoir dans leur vieillesse pour les mêmes raisons. C’est aussi le cas, à partir du xe siècle, pour les filles héritières d’un pouvoir politique, en l’absence de garçon, comme dans certaines royautés (ibériques, anglaise), ainsi que dans les principautés et seigneuries : la succession intervient, comme pour les garçons, à un âge plus ou moins avancé, en fonction de l’âge au décès de la génération précédente, mais aussi de celui d’un ou plusieurs frères prioritaires dans l’ordre de succession. Comme leur père et/ou leur frère, les femmes exercent ensuite le pouvoir aussi longtemps qu’elles vivent, ce qui n’exclut pas qu’elles préfèrent parfois opter pour la transmission à leur fils tout en continuant à intervenir dans les affaires[39]. Certaines situations sont néanmoins spécifiques aux femmes. En effet, elles sont le plus souvent associées à l’exercice du pouvoir en tant qu’épouses, plus nettement à partir de l’époque carolingienne pour les reines, et de la fin du ixe siècle pour l’échelon princier puis seigneurial, et donc en retrait – ce qui ne signifie pas passives – pour respecter la hiérarchie qui existe entre les sexes. Dans certaines circonstances, qui sont parfois liées à la vieillesse, elles peuvent gagner en autonomie. C’est notamment le cas du décalage d’âge important qui peut exister entre les époux, principalement en faveur du mari, et qui peut conduir

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 224
Langue : français
Paru le : 10/11/2022
EAN : 9782379242540
Première
CLIL : 3377 HISTOIRE
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782379242540

Version numérique
EAN : 9782379242557

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