Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Collection Hors collection
Nombre de pages : 176
Langue : français
Paru le : 19/09/2019
EAN : 9782379240331
Première édition
CLIL : 3621 Nouvelles
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782379240331

Version numérique
EAN : 9782379240362

Le prénom de Dieu

Nouvelles

À l’occasion du cinquantenaire de l’université Paris 8-Vincennes / Saint-Denis, les PUV rééditent « Le prénom de Dieu », premier livre d’Hélène Cixous, paru aux Éditions Grasset en 1967.

« Le prénom de Dieu » est un recueil de nouvelles qui inaugure une recherche d’un autre ordre, non plus dans le domaine de l’essai mais dans celui de la fiction. Son écriture est exigeante, lumineuse et hermétique à la fois, et invente un ton nouveau, une musique singulière. Les récits laissent entrevoir un monde où les personnages, souvent mystérieux, paraissent autant des moyens de réfléchir à l’écriture même qu’à la relation de l’être humain à sa propre psyché comme à son inscription dans un univers existentiel et métaphysique.  « Tout a une fin; c’est le commencement qui est rare. », écrit le narrateur dans ce livre fondateur à maints égards.

Deux ans plus tard Hélène Cixous reçoit le Prix Médicis en 1969 pour son livre « Dedans », qui la fait connaître d’un plus large public et prolonge cette quête personnelle qui se poursuit année après année depuis plus de cinquante ans aujourd’hui.

Auteur.ice.s : Cixous Hélène

Morceaux d’un cri. Préface  


L’outre vide   
La marche   
Le successeur   
La lyre   
Le Sphinx   
La ville   
Le veau de plâtre   
Le lac   
La baleine de Jonas   
Anagramme   

« Le prénom de Dieu » est le premier livre publié par Hélène Cixous, en 1967. Il aura été le Point de Départ, un départ pour un long voyage, qui compte déjà plus de quatre-vingts escales et dure depuis cinq décennies. Comme l’a écrit Jacques Derrida, sur qui ce recueil est arrivé comme un olni (« objet littéraire non identifié »), dans cet ouvrage « s’annonce, se nomme sans se nommer, se prénomme un grand absent. On pourrait croire à la reprise, par une écriture littéraire à la fois picaresque, fantastique, kafkaïenne, joycienne, des opérations de la théologie négative ». Pour Hélène Cixous, écrire, cet « acte violent d’amour », est le « morcellement d’un cri », un cri qui peut être une manifestation de la douleur d’exister, mais aussi un appel vers ce qui promet et qu’on nomme parfois « Dieu », faute de mieux.

 

Hélène Cixous (Oran, 1937) est l’auteure de « fictions », d’essais sur l’art et la littérature et de pièces de théâtre.

Préface

« Le prénom de Dieu » est le premier livre publié par Hélène Cixous, paru en 1967 chez Grasset. Il devait porter une préface de Jacques Derrida, qui a été réduite à des morceaux sur un des rabats, non signé – et présent seulement dans certaines éditions du livre. Ce flottement est à l’image du texte lui-même, tel qu’Hélène Cixous l’a dit dans Double-Oubli de l’Orang-Outang, où elle revient, plus d’un demi-siècle après, à ce premier essai, dans le sens de « première tentative » ou du « fait de s’engager dans une action sans être absolument sûr(e) de l’appropriation du moyen utilisé, ou du succès d’une technique estimée plus ou moins aléatoire », selon le dictionnaire. Dans Double-Oubli de l’Orang-Outang, cette « fiction » parue en 2010, Cixous affirme ainsi à propos de son premier livre : « je flottais fœtale dans les eaux de la Littérature », et se réfère à ce temps comme « l’époque glaciaire » (bien avant, donc, de la « préhistoire » à laquelle elle revenait dans Manhattan. Lettres de la préhistoire, publié en 2002).

Prénom de Dieu (que j’écris sans article puisqu’il y a aussi flottement dans le titre, qu’on retrouve parfois avec l’article défini, d’autres sans article, et encore au pluriel…) fait signe, par ses initiales, au « Point de Départ ». Le départ pour un long voyage sans destination précise, « dans l’antarctique du cœur », selon un autre titre de l’auteure, voyage qui compte déjà plus de quatre-vingts escales et dure depuis cinq décennies. La voyageuse a été conduite et a conduit ses lecteurs à traverser des paysages très divers, autant par rapport à « l’espace du dedans », selon la formule d’Henri Michaux, un autre explorateur hardi de ces terres inconnues, que dans le sens géographique, puisque l’œuvre d’Hélène Cixous parcourt l’Algérie comme les États-Unis, en passant par l’Allemagne, l’Afrique du Sud, l’Inde ou le Cambodge, entre bien d’autres lieux mythiques et réels à la fois…

Mais comme il s’agit de l’espace de l’humanité – qui ne s’oppose pas à l’animalité dans l’univers cixousien – nous sentons une familiarité lorsque nous nous rendons à chacune de ces escales : ce sont des terres où les morts et les vivants ne sont plus séparés, où la cruauté radicale coexiste avec la générosité aussi extrême, où la mémoire et l’oubli se croisent et s’alimentent mutuellement, où la lecture et l’écriture deviennent une seule et même action, où rêver devient un « rêver vrai », n’étant plus opposé à la vie éveillée, où la Littérature, enfin, se révèle comme une « puissance autre » capable de combattre le Mal qui s’impose et tente de régner…

Ainsi, tel que le dit Hélène Cixous dans un magnifique vidéo-entretien avec Pierre Dumayet, de 1967, à l’occasion de la parution du Prénom de Dieu, écrire est pour elle « un acte d’amour, un besoin de parler aux autres », ou plutôt de crier cet amour, puisque la phrase écrite équivaut au « morcellement d’un cri », qui peut être une manifestation de la douleur d’exister, mais aussi un appel vers ce qui promet et qu’on nomme parfois « Dieu », faute de mieux. Comme l’écrit Jacques Derrida – le premier et donc « le seul » lecteur de ce livre, à qui celui-ci est arrivé comme un olni (« objet littéraire non identifié ») –, dans sa préface absente-présente, à l’intérieur de ce texte « s’annonce, se nomme sans se nommer, se prénomme un grand absent. On pourrait croire à la reprise, par une écriture littéraire à la fois picaresque, fantastique, kafkaïenne, joycienne, des opérations de la théologie négative ». Ainsi, « en découvrant dans une expérience onirique et fabuleuse cette place vide mais familière de notre expérience ouverte à la venue de Dieu, Le Prénom de Dieu parle avant Dieu ».

Et il Lui parle, pourrais-je ajouter, dans une langue que nous reconnaissons puisque c’est celle de l’écriture cixousienne, une langue faite de toutes les langues, celle du « poète », du « matelot » et du « malade », ces « âmes sensibles » parmi lesquelles se trouve aussi celle du lecteur, de la lectrice. Une langue qui s’avère ici « barbare », c’est-à-dire étrangère même aux oreilles de l’auteure, puisque Le Prénom de Dieu c’est, selon elle, « le-Livre-que-je-ne-connais-pas », fait de « textes que je sais avoir écrits mais que je n’ai jamais lus ».

Cette langue s’assimile aussi à une langue d’enfant – qui lance un cri lors de sa venue au monde – de l’infans ne maîtrisant pas encore la langue ; celle-ci est donc la maîtresse du livre, elle y règne sans entraves, comme dans les rêves, si importants dans l’écriture cixousienne. En ce sens, l’auteure avoue n’avoir aucune « autorité » sur ce livre, dans le sens de « pouvoir d’agir » ou de « gouverner » ; c’est sans doute ce qui a attiré d’emblée et si puissamment Jacques Derrida, le philosophe qui a théorisé la renonciation à la souveraineté du sujet centré sur le logos et sur le phallus – d’où le terme « phallogocentrisme ».

Ce terme nous conduit à une lecture féministe de ce manque d’autorité de l’auteure – au féminin, un genre dont l’application à « auteur » est encore mise en question. Si, selon l’aveu de celle-ci, « chaque livre est un genre d’enfant qui me guérit du néant », cet enfant, elle ne l’a pas « fait » : « On me l’a fait », dit-elle. Hélène Cixous l’exprimera poétiquement, presque dix ans après, dans son Rire de la Méduse : « il faut que la femme s’écrive : que la femme écrive de la femme et fasse venir les femmes à l’écriture, dont elles ont été éloignées aussi violemment qu’elles l’ont été de leurs corps ; pour les mêmes raisons, par la même loi, dans le même but mortel ». C’est en ce sens que le rôle décisif de Jacques Derrida dans la publication de ce premier livre – et donc pour ouvrir les vannes de cette écriture-fleuve qu’est celle d’Hélène Cixous – pourrait s’assimiler à celui de la sage-femme qui met au monde l’enfant de l’autre femme, lui donnant même parfois un nom ou plusieurs noms.

Si Derrida est une sage-femme – comme Ève, la mère d’Hélène Cixous et personnage principal de son œuvre –, la voix narrative du Prénom de Dieu, à la différence de presque tous les textes suivants de l’auteure, s’exprime au masculin. On pourrait de nouveau interpréter ce presque hapax selon une perspective féministe, mais qui ne correspondrait pas à une opposition binaire entre féminin et masculin ou entre femme (dominée) et homme (dominant). La voix narratrice est au masculin, pas tellement parce qu’elle n’ose pas (encore) se dire au féminin, se mettre elle-même au monde et « au texte », mais parce que, si Le Prénom de Dieu « parle avant Dieu », il parle de même avant les genres – ce qui s’applique aussi aux genres littéraires, car le sous-titre Nouvelles tourne court pour qualifier ce texte inclassable. Avant, non pas chronologiquement, mais dans le sens de devant les genres, les menant à l’avant, toujours plus avant, loin du binarisme réducteur et pernicieux. C’est dans ce sens que Le Prénom de Dieu est un texte non pas sans genre(s) mais transgenre.

Marta Segarra, avril 2019

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Nombre de pages : 176
Langue : français
Paru le : 19/09/2019
EAN : 9782379240331
Première édition
CLIL : 3621 Nouvelles
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782379240331

Version numérique
EAN : 9782379240362

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