Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 10/10/2004
EAN : 9782842921545
Première édition
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842921545

De la difficulté de juger

N°26/2004

L’intérêt de cet ensemble est de présenter d’autres modes du jugement que ceux que la tradition philosophique, littéraire et pratique a développés en Occident.

L’intérêt de cet ensemble est de présenter d’autres modes du jugement que ceux que la tradition philosophique, littéraire et pratique a développés en Occident. On verra ainsi que, si l’on retrouve bien la triade classique : évaluer / classer / exclure, la pensée chinoise et la bureaucratie vietnamienne – qui, à de nombreux égards, représente une Chine à l’échelle réduite et pour cela mieux observable – ont privilégié des modes où le jugement ne se confond pas avec la décision, ni la critique avec le système ; la remarque discrète, visant l’Éveil, fine et indirecte, tient ici le rôle du parti pris et de la pétition de principe.

Stéphane Feuillas
La remarque critique

 

I. Naissances du jugement littéraire

 

François Martin
Entre l’œuvre et l’homme : le discours littéraire chinois

Valérie Lavoix
Le dés(enchantement) critique : lecture du chapitre 48 de L’Esprit de la littérature en dragon ciselé de Liu Xie (ca 465-521)

 

 

II. Contrastes critiques

 

Romain Graziani
Combats d’animaux. Réflexions sur le bestiaire du Zhuangzi

 

Stéphane Feuillas
Penser par contraste. Critique du bouddhisme et stratégies discursives dans le
Zhengmeng de Zhang Zai (1020-1078)

 

 

III. Classer/exclure

 

Emmanuel Poisson
De la critique à la réforme de la bureaucratie dans le Vietnam classique

 

Rainier Lanselle
L’autre comme « imbécile » : le système clos de la critique comme opération d’inclusion /exclusion

 

 

IV. Regard extérieur

 

François De Gandt
Remarques critiques

 

Résumés en français
English Summaries

François MARTIN : « Jauger l’homme, juger l’œuvre »
Cet article se propose de rappeler que la critique poétique en Chine est née d’une tradition de jugement des individus, dans un champ essentiellement moral et politique, mais qui avait eu en partie pour arrière-plan à sa naissance les échanges poétiques de l’Antiquité. Ainsi existèrent dès le début entre critique des individus et critique de la poésie des rappports très intriqués qui eurent, sur la genèse et le développement de la critique poétique, des effets à la fois fécondants et restrictifs.

Valérie LAVOIX : « Le désenchantement de Liu Xie. Postures et devoirs du critique littéraire selon le chapitre “Du connaisseur” du Wenxin diaolong »
Plaidoyer pour la reconnaissance des oeuvres belles et pour l’autorité du critique littéraire, le texte dont on propose ici une lecture définit un ensemble de critères d’évaluation des oeuvres considérées tant dans leurs dimensions les plus formelles que d’un point de vue organique et normatif. L’évaluation n’est cependant que préliminaire à la perception de la disposition interne des oeuvres, cette dernière étant l’objectif ultime de leur appréciation, comme par empathie. Partant de l’amertume suscitée par la rareté des “connaisseurs” justes et véritables, comme par la difficulté du discernement en matière littéraire et par l’inéluctable partialité du critique, Liu Xie (ca 465-521) renverse l’amertume en enthousiasme, la difficulté en accessibilité, et redéfinit la posture du “connaisseur” comme celle d’un lecteur en sympathie avec l’auteur, capable de reconnaître et de savourer les oeuvres exceptionnelles, contribuant à leur beauté même et garant de leur fortune.

Romain GRAZIANI : « Combats d’animaux. Réflexions sur le bestiaire du Zhuangzi »
Le Zhuangzi est le seul ouvrage de Chine ancienne à avoir accordé une place essentielle, c’est-à-dire proprement philosophique, à l’animal, et s’en être servi non pour consacrer mais pour contester le pouvoir et critiquer l’aliénation de l’homme au sein du système rituel et politique. Le territoire des animaux offre ainsi un poste d’observation privilégié pour suivre l’homme tel qu’il s’est construit, ou mutilé, au cours de son histoire, collective et personnelle. Cette mise en perspective permet de concevoir ce que serait une vie libérée des dressages de la conscience constituée. Loin de se réduire toutes à des illustrations transparentes de situations humaines, ces scènes du monde naturel livrent leur signification une fois mesuré leur écart par rapport aux histoires édifiantes sur les animaux qui circulent au cours de toute la période des Royaumes Combattants, lesquelles ont pour fonction d’illustrer de manière ostentatoire la naturalité et l’universalité des principes politiques de domination monarchique des hommes. Le détour par l’animal auquel se livre Zhuang Zhou apparaît en effet, au-delà de ses visées différenciées, comme une façon de démystifier l’idéologie d’État qui exploite à bon escient les thèmes de la domestication du sauvage, de la moralisation des animaux par le sage souverain, ou encore la quasi-bureaucratisation du monde naturel dans les spéculations cosmologico-administratives. Parmi les figures naturelles, hybrides ou fantastiques de l’abondant bestiaire du Zhuangzi, notre attention se concentre sur les anecdotes et fables groupées autour des tortues, des chevaux et des poissons, qui contribuent le mieux à la critique des institutions majeures du monde chinois, et plus fondamentalement, des valeurs de sa civilisation.

Stéphane FEUILLAS : « Penser par contraste. Critique du bouddhisme et stratégies discursives dans le Zhengmeng de Zhang Zai (1020-1078) »
L’objectif de cet article est de montrer comment la prégnance de l’idéologie et de la phraséologie bouddhiques au XIe siècle a conduit Zhang Zai, l’un des promoteurs du “néoconfucianisme” ou plutôt de l'”Étude de la voie” (Daoxue), à développer des stratégies d’écriture originales pour redonner à lire le Canon confucéen. Prenant en compte la contamination de la réflexion sous les Song du Nord et ce à différents niveaux (social, familial, textuel) par la puissance spéculative du chan, il ne se contente pas de produire un discours critique ou polémique (qu’il juge en partie inefficace) contre tel ou tel point de doctrine, mais choisit de partir de l’aliénation des esprits dont ses contemporains sont, selon lui, victimes, de les libérer de proche en proche, par de subtils ajustements du lexique, de leur inconscience, et de mettre en place les conditions théoriques et discursives d’une possible réappropriation de la tradition. Ce faisant, il construit différentes procédures textuelles clairement dirigées contre la “confusion” et la “traduction” bouddhiques des termes les plus spéculatifs du confucianisme ancien, recourant à un usage massif de la citation et multipliant les couplages et les binômes. Il systématise ainsi une pensée du contraste où le sens se contextualise, où les notions se dissolvent au profit de dimensions et de champs à investir dans l’étude. Le discours critique ne doit dès lors plus être interprété localement selon tel ou tel parti pris, mais constitue le mode même de la lecture de son ouvrage principal, la Discipline pour les débutants.

Emmanuel POISSON : « De la critique à la réforme de la bureaucratie dans le Viêt Nam classique »
L’auteur interroge les modalités de la critique des dysfonctionnements de l’État au Viêt Nam du XIe au XIXe siècles. Son caractère itératif, stéréotypé, traduit-il la sclérose de l’administration ? La formule est trop simple pour rendre compte de la vitalité de la bureaucratie vietnamienne. La critique procédait en fait par ajustements graduels : ajustement des conduites individuelles mais aussi perfectionnement progressif des institutions. L’administrateur était invité à mouler sa conduite sur les modèles ou contre-modèles vietnamiens ou chinois. Nulle transformation brutale, mais une réforme étayée sur un corpus de précédents dans un dialogue toujours renouvelé entre le souverain et les administrateurs.

Rainier LANSELLE : « L’autre comme “imbécile”. Le système clos de la critique comme opération d’inclusion/exclusion »
L’article étudie certains éléments du commentaire de Jin Shengtan (1610-1661) sur le Pavillon de l’ouest (Xixiang ji) de Wang Shifu (ca 1250-1307). Dans ce commentaire, Jin Shengtan envoie de nombreuses piques à l’égard des lecteurs qui se méprendraient sur la supposée valeur réelle d’un texte auquel il voue une admiration sans borne, lecteurs fâcheux qu’il désigne systématiquement sous le nom d'”imbéciles”. Le rejet des “imbéciles” dans leur ineptie a pour contrecoup un désir de connivence de sujet à supposé sujet-pleinement-apparié-à-moi, qui fait système et donne le véritable objet, invisible, du discours, aux dépens de toute expression conceptuelle : autrement dit, ce qui compte dans le travail “critique” de Jin Shengtan, ce n’est pas tant la construction critique en tant que telle (elle n’est faite que d’une accumulation de notations ad hoc), mais ce qu’il met en scène de rapport d’hostilité/concorde. Jin Shengtan fait ainsi part, sans le savoir, de son désir d’un système clos où le binaire et ses ressources inépuisables d’inclusion/exclusion sont exploités par le sujet comme possibilité de jouir de la répétition sans avoir à rien connaître de la division de son discours, et où, au lieu d’avoir à juger, il s’en remettrait in fine, tout en ayant l’air de le défier, au discours du maître, vraie figure de celui qui serait “pleinement-apparié-à-moi”. Parfaitement univoque, son discours permettra au sujet de faire l’économie des ambiguïtés qui sont présentes non pas, assurément, dans celui des “imbéciles” – figure imaginaire – mais dans le sien propre : il y aura peut-être bien critique, alors, mais elle signera plutôt une position de volonté de non-savoir, celle-là même que le commentateur, qui décrit en virtuose l’art de l’indirect, nous présente comme un discours toujours chargé de sa propre moitié d’implicite, autrement dit d’inconnu.

François DE GANDT : « Le goût et les règles : les usages de la critique en Occident »
Le présent article propose deux études de cas concernant les pratiques occidentales de la critique. La première se fonde sur un essai de Hume sur la norme du goût où est soutenu le paradoxe selon lequel les théories de la science et de la philosophie apparaissent moins stables et assurées que les beautés de l’art : le standard des beaux-arts est plus certin que celui des sciences, du moins à l’échelle des siècles. Dans la seconde étude consacrée aux Topiques d’Aristote sont mises en évidence les procédures et les fonctions de la joute dialectique, véritable “sport” possédant ses règles du jeu propres et qui a servi à définir et à graduer des formes de discours critique (poétique, rhétorique, logique et démonstratif). Dans les deux cas se dégagent des critères de la vérité et de la valeur esthétique, avec des normes différentes selon les domaines et un effort constant pour élargir le champ de l’accord rationnel.

François MARTIN : « To judge this Man, to judge that Work »
The aim of this paper is to recall to mind that poetic criticism in China was born from a tradition of judgment on the individuals, in a field mainly occupied by morals and politics, but with the poetical exchanges of the Chunqiu period for background. Thus were existing from the beginnings between individual criticism and poetic criticism intricated connections, with the result of generating particuliar conditions the effects of which were at the same time fecunding and restricting.

Valérie LAVOIX : « Liu Xie’s Disenchantment. Attitudes and Duties of the Literary Critic as stated in the chapter “Connoisseur” of the Wenxin diaolong »
As a plea for the acknowledgement of belles-lettres and for the authority of the literary critic, the text whose reading we propose here, defines a range of criteria to evaluate works in terms of their formal, as well as their organic and normative aspects. The abovementioned evaluation is, however, merely preliminary to the perception of the internal disposition of the works, this being the ultimate objective in their appreciation, as if by empathy. Hence, given the bitterness created by the scarcity of just and true “connoisseurs”, the difficulty of discernment in literary matters, and the inescapable partiality of the critic, Liu Xie sets out to transform the bitterness into enthusiasm, the difficulty into accessibility, and to redefine the position of the “connoisseur” as that of a reader sympathising with the author, capable of recognising exceptional works, thus contributing towards their beauty and standing surety for their good fortune.

Romain GRAZIANI : « A Byway through Fauna. Some thoughts on the Wildlife in the Zhuangzi » The Zhuangzi is the only literary work from early China which ascribes a salient role to the animals, namely a philosophical one. Indeed, the animal serves not to consecrate the political power but to undermine its authority, and to denounce its alienation of men and the hidden violence within its hierarchial structure. The land of the animals thus offers a privileged standpoint from which to observe the history of men, starting with their emergence from the natural realm propelled by the ancient Sages, and culminating in their forced integration in a body political (the phrase “body political”. Far from being mere transparent illustrations of human situations, the significance of the animal scenes in the Zhuangzi can be much better appreciated when contrasted with the moralising stories about animals circulated by literati during the Warring States period, which were purported to illustrate the boundless authority and transforming force of the virtuous ruler. Among the natural, hybrid and fantastic animals with which the Zhuangzi is replete, this article focuses on the anecdotes and episodes which feature turtles, horses and fishes. These three species make a decisive contribution to the critique of the major institutions in ancient China (divination, ritual, sacrifice and music) and, more radically, of the very values on which its civilization was ideologically founded.

Stéphane FEUILLAS : « Thinking through Contrasting. The Critic of Buddhism and the Textual Strategies in Zhang Zai’s Zhengmeng (1020-1078) »
The object of this article is to reveal how the pervasiveness of Buddhist phraseology in the 11th century led Zhang Zai, one of the promoters of “Neo-confucianism” to develop original strategies for a new reading of the Confucian Classics. Taking into account the contamination of Chan Buddhist reflection at every level (be it familial, social or textual), Zhang Zai not only produces a critical discourse (which he deems partly inefficient) against such and such a doctrine, but starts from his contemporaries’intellectual alienation in order to liberate them from their ignorance, and, through subtle lexical adjustments, prepares the theoretical and textual conditions for tradition to be re-appropriated. In so doing, Zhang Zai devises various textual procedures to counter the general confusion as well as the Buddhist appropriation of the main notions of early confucianism. He resorts to extensive quotations, binomes and parallelisms, thereby drawing a philosophical effect from the device of contrast. In this type of speech, meaning is radically contextualised and notions dissolved, becoming dimensions. This critical discourse should therefore not be intrerpreted locally according to a preconception against such and such a doctrine : it is a global mode of reading, which should be operative at all times when reading Zhang Zai’s main work, “Discipline for Beginners” (Zhengmeng).

Emmanuel POISSON : « From Criticism to Reform of the Bureaucracy in Classical Vietnam »
In this article, the author adresses the question of the criticism of the State in Vietnam, from the 11th centrury down to the 19th century. Does its repetitive, stereotyped style reflect the paralysis of the administration ? This would be too simplistic a criticism, and would not account for the vitality of Vietnamese bureaucracy. In fact, the criticism of the State proceeded by way of gradual adjustments : by changing the behaviour of individuals as well by improving the institutions. The administrative officer was requested to draw his inspiration from Chinese or Vietnamese examples or counter-examples. Therefore no sudden transformation was advocated, but rather a gradual reform relying on a corpus of precedents, through a continually renewed dialogue between the ruler and the officials.

Rainier LANSELLE : « Others as Fools : Criticism as Process of Exclusion »
This paper examines some elements of the Jin Shengtan’s (1610-1661) commentary on Wang Shifu’s (ca 1250-1307) Western Wing. In this commentary, Jin Shengtan repeatedly attacks what he considers poor readers of a text he admires, whom he calls “fools”. The counter-effect of his stressing the so-called “fools'” inepty is that Jin Shengtan continuously seeks to establish an other image in their place : a subject who would be supposedly well-fitted-to-me. In so doing, the critic can ignore the division which lays inside his own discourse, setting his hope on a perfectly univocal discourse which would be embodied by a master’s position. Remitting himself to this idealistic figure which frees him from the troublesome problems of ambiguity, the commentator does no real work of criticism : accumulating only small-scale but tirelessly repeated ad hoc notations, he can stay in a position in which he ignores his own willingness of “not-knowing” (the “not-knowing” position there being assumed by the imaginary persona of the “fool”), as what would be to know would be nothing but eventually the division in his discourse, and of himself as a subject. Instead, the commentator concentrates all his efforts into something he knows well : the art of indirect meaning, in which it is easy to recognize the possibility it gives to seal part of the discourse beneath its explicit statement – which is the perfect figure of a securely maintained unknown dimension.

François DE GANDT : « Tastes and Rules : Manners of Western Criticism »
The aim of the article is to study two cases of Western practice in critical procedures. In the first one based on Hume’s Standard of Taste a paradox is developed according to which theories of science and of philosophy are less steady than judgements on pieces of art : the standard of taste seems to be more certain than that of science, at least at the of centuries’continuity. In the second study dedicated to Aristotle’s Topics, the procedures and functions of dialectical contest are taken into account, nemelya kind of “game” which possesser its own rules and is aimed to define and to classify various forms of critical discourse (poetical, rhetorical, logical and scientific). These two cases are occasions for a formulation of criteria of truth and of aesthetic value, with different norms in different fields, they also convey an enduring and strenuous effort to enlarge the frontiers of rational agreement.

 

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Revue Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 10/10/2004
EAN : 9782842921545
Première édition
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842921545

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