Paris 8, Université des Créations

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Collection L'Imaginaire du Texte
Nombre de pages : 286
Langue : français
Paru le : 04/12/2025
EAN : 9782379245770
Première édition
CLIL : 3087, 3094, et 3643 Sociologie du genre, Sexualité, et Essais littéraires
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×137 mm
Version papier
EAN : 9782379245770

Genre, sexualité, littérature

Anne Emmanuelle Berger, lectrice de son temps

Théories féministes et queers, psychanalyse, déconstruction, question décoloniale, politiques de la traduction, pédagogies féministes. Les essais ici réunis montrent comment, selon les mots de Anne Emmanuelle Berger, « ce que la littérature fait au genre, c’est défaire son ordre, attenter à son unité et sa souveraineté ».

Ce volume rend hommage au travail d’Anne Emmanuelle Berger, dont la contribution intellectuelle au champ des études de genre et des études littéraires aura été d’une richesse et d’une originalité exceptionnelles. « Lectrice de son temps », ses analyses – qu’elles portent sur des textes littéraires ou sur des idées et événements culturels – révèlent les richesses inouïes de la langue et de ses effets sur nos conceptions du genre et de la sexualité.

Ouvrage publié  avec le soutien du LEGS (Laboratoire d’études de genre et de sexualité), Paris 8 université des Créations.

Table des matières


Introduction
Marta Segarra 

Sexualité Fiction(s.). Entretien avec Anne Emmanuelle Berger»
Mené par Laurence Pelletier 

Transatlantiquement
Ginette Michaud 

Bergers de Rimbaud
Jean-Michel Rabaté 

La prostitution et Les Fleurs du Mal
Jonathan Culler 

Fétichisme et littérature
Mairéad Hanrahan 

Dissémination, ouverture, béance
Fabian Fajnwaks 

« Consentir n’est pas vouloir » : transgression des rôles genrés
dans Le Cid et La Princesse de Clèves
Hélène Merlin-Kajman 

De la « langue maternelle » en traduction
Mathias Verger 

« Les fins d’un idiome », ou le début d’un dialogue.
Une rencontre avec une chercheuse, une pensée, une discipline
Giuseppe Sofo 

La différence sexuelle en salle de lecture(s)
Daniele Garritano 

Études de genre et contre-écoles de la survie :
La lecture comme « entretien »
Claire Star Finch 

Corps pluriel – études de genre et recherche-création
Heta Rundgren 

Commence par A : amitiés, animots, animal (sans nom)
Nadia Setti 


Bibliographie 

Les auteurs 

L’approche des études de genre et de sexualité par la littérature, la langue et la philosophie révèle une richesse particulière. Elle permet d’appréhender les questions de genre non pas seulement comme des objets d’analyse, mais comme des processus dynamiques que la langue et la création littéraire travaillent, transforment et interrogent en permanence.

Ce volume rend hommage au travail d’Anne Emmanuelle Berger, dont la contribution intellectuelle au champ des études de genre et des études littéraires aura été d’une richesse et d’une originalité exceptionnelles. « Lectrice de son temps », ses analyses – qu’elles portent sur des textes littéraires ou sur des idées et événements culturels – révèlent les richesses inouïes de la langue et de ses effets sur nos conceptions du genre et de la sexualité.

Les essais ici réunis couvrent un large éventail de perspectives : théories féministes et queers, psychanalyse, déconstruction, question décoloniale, politiques de la traduction, pédagogies féministes. Ils montrent comment, selon les mots de Berger, « ce que la littérature fait au genre, c’est défaire son ordre, attenter à son unité et sa souveraineté ».


Marta Segarra est directrice de recherche au CNRS, au Centre de recherches sur les Arts et le langage-CRAL (EHESS/CNRS). Son dernier livre s’intitule Humanimaux : où placer les frontières de l’humain ? (Hermann, 2024). Elle est aussi l’éditrice du Séminaire d’Hélène Cixous, dont deux volumes ont paru : Lettres de fuite (2020) et Il faut bien aimer (2023).

Introduction


Marta Segarra

En France, le concept de genre et les études de genre n’ont acquis une légitimité scientifique et académique qu’au xxie siècle, avec un certain retard par rapport à d’autres espaces intellectuels et universitaires comme les États-Unis ou les pays du nord de l’Europe. Anne Emmanuelle Berger a été l’une des protagonistes les plus importantes de ce processus de légitimation, non seulement par son travail de recherche et de diffusion autour du genre mais aussi par les responsabilités institutionnelles qu’elle a prises et les structures de recherche qu’elle a contribué décisivement à fonder.

Après une longue carrière comme professeure de littérature française aux États-Unis, à la prestigieuse université Cornell, Anne E. Berger est rentrée en France et a pris en 2006 la direction du Centre de recherches en études féminines et en études de genre de l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, qu’Hélène Cixous avait créé dans les années 1970. Ce centre pionnier a été le noyau de la première unité mixte de recherche entièrement consacrée aux études de genre en France, le Laboratoire d’études de genre et de sexualité-LEGS, sous la tutelle du CNRS, l’Université Paris 8 et l’Université Paris Nanterre, cofondé en 2015 et dirigé par Anne E. Berger jusqu’à 2021. Elle a aussi fait partie du comité de pilotage du Groupement d’intérêt scientifique-GIS Institut du Genre, inauguré en 2012, dont elle a été la directrice jusqu’à 2015.

Comme le montre cette collection d’essais offerts à Anne E. Berger, sa contribution intellectuelle au champ des études de genre et des études littéraires aura été d’une richesse et d’une originalité exceptionnelles. Ses publications témoignent d’un parcours théorique et critique qui couvre un large spectre d’objets et de thématiques. Anne E. Berger a elle-même retracé cette trajectoire dans divers entretiens1, ainsi que dans celui que mène Laurence Pelletier dans ce volume. La contribution de Ginette Michaud, relevant les grands jalons de cet itinéraire, met en relief la singularité et la profondeur du travail d’Anne E. Berger, « quels que soient ses “objets” (qui sont toujours ses “sujets” […]), qu’il s’agisse des théories féministes et queer, de la poétique du xixe siècle, de la philosophie des Lumières […], de la psychanalyse, de la déconstruction, des politiques de la langue et de la traduction, de la pensée post- et décoloniale dans toutes ses aires géopolitiques, particulièrement celles de l’Algérie et du Maghreb ». Le texte de Ginette Michaud, où se trouve cette citation, s’intitule « Transatlantiquement », ce qui fait référence à la carrière d’Anne E. Berger des deux côtés de l’océan, comme à sa « double vision » concernant l’histoire intellectuelle des études de genre, qu’elle déploie magistralement dans son essai Le Grand Théâtre du genre. Identités, sexualités et féminisme en « Amérique »2, traduit en anglais sous le titre The Queer Turn in Feminism3. La pensée d’Anne E. Berger étend en effet son influence au-delà de la France et de l’espace francophone. Le numéro spécial de differences. A Journal of Feminist Cultural Theory intitulé Transatlantic Gender Crossings, qu’elle a codirigé avec Éric Fassin, reflète aussi cette façon de « lire transatlantiquement », qui consiste, dit G. Michaud, à « traverser, dans un sens et dans l’autre, et si souvent qu’on ne sait plus […] ce que “arriver” veut dire et quand cela fait événement. C’est aussi ne pas oublier la mer(e) […] qui porte la langue et qui ne se laisse pas davantage approprier ou arrimer ».

Nous n’allons pas décrire ici en détail le parcours et l’œuvre d’Anne E. Berger, mais nous mentionnerons quand même leurs lignes et repères principaux, que les essais réunis dans ce volume reprennent. La thèse de doctorat d’Anne E. Berger – qui a donné lieu à l’ouvrage Le Banquet de Rimbaud 4 – portait sur l’oralité chez le poète, comme le rappelle la contribution de Jean-Michel Rabaté, qui revient à ses propres origines intellectuelles pour en faire une interprétation autre. De même, Jonathan Culler souligne l’importance du travail d’Anne E. Berger sur la littérature du xixe siècle, en s’attaquant au motif de la prostitution chez Baudelaire et se référant ainsi à un deuxième ouvrage de Berger sur la poésie de cette même époque, Scènes d’aumône. Misère et poésie au xixe siècle5.

De son côté, Mairéad Hanrahan se tourne vers Marcel Proust pour en faire une lecture qui se focalise sur le concept de fétichisme, une des notions clés de la théorie freudienne, en rapport avec la différence sexuelle. Si, comme Anne E. Berger l’exprime, les fées Littérature et Philosophie se sont penchées sur son berceau6, souvent ce tissage se fait au moyen de la psychanalyse, dont elle est une fine connaisseuse. L’œuvre de Berger s’inscrit ainsi à la croisée des études littéraires et de la philosophie, par sa réflexion critique sur les théories sur le genre, la sexualité et les différences de sexe, particulièrement telles qu’elles se sont développées dans les mondes anglophone et francophone, qu’elle connaît aussi intimement. En témoigne notamment son ouvrage majeur déjà cité, Le Grand Théâtre du genre, glosé dans l’essai de Fabian Fajnwaks, qui remarque la rigueur et la justesse des analyses théoriques et historiques qui y sont faites par son autrice.

Anne E. Berger est bien, dans ce livre mais aussi dans nombre de ses articles autour de questions de genre et de sexualité, une « lectrice de son temps », comme le suggère Hélène Merlin-Kajman, qui reprend les réflexions de Berger sur le consentement, un thème d’actualité dans l’ère du #MeToo où nous sommes, pour les appliquer à des ouvrages d’un autre temps, Le Cid de Corneille et La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, attestant ainsi la pertinence de cette théorisation au-delà de notre contemporanéité.

Les deux essais suivants se consacrent à un autre sujet phare dans l’œuvre d’Anne Emmanuelle Berger – qui la traverse en entier –, celui de la langue et, plus précisément, de la traduction, dans le sens large du terme. Mathias Verger montre comment l’examen des expressions qui rendent ce que nous appelons en français « langue maternelle » dans d’autres langues, proches ou éloignées de la nôtre comme les langues asiatiques évoquées par l’auteur, révèle nombre de questions essentielles autour de la conception de la langue et de ses politiques, comme l’expose aussi l’ouvrage dirigé, préfacé et annoté par Anne E. Berger Algeria in Others’ Languages, paru en 20027. De même, le volume collectif qu’elle a coordonné avec Eleni Varikas une dizaine d’années après, Genre et postcolonialismes. Dialogues transcontinentaux8, témoigne de son intérêt pour les études postcoloniales et décoloniales, toujours en rapport avec le genre et avec la langue.

À son tour, Giuseppe Sofo – qui a codirigé également avec Berger le numéro spécial de la revue trilingue de genere. Rivista di studi letterari, postcoloniali e di genere intitulé Le genre de la traduction9 – met en valeur la fertilité de la pensée d’Anne E. Berger sur la traduction, évoquant l’influence que cette pensée eut sur sa propre trajectoire de chercheur en traductologie, car elle l’a orientée vers le croisement des études sur la traduction et des études de genre.

Les trois contributions suivantes, qui sont l’œuvre d’ancien·nes étudiant·es d’Anne E. Berger, évoquent l’enseignement de celle-ci, sa pédagogie de la lecture qu’on peut appeler déconstructrice – Derrida étant l’une des influences majeures et à la fois l’un des objets-sujets principaux de l’œuvre de Berger – de textes littéraires et philosophiques. Daniele Garritano rappelle ainsi le grand colloque tenu en 1990, « Lectures de la différence sexuelle », qui a donné lieu à un volume collectif du même titre, codirigé avec Mara Negrón10. Garritano exprime pertinemment la conception de la lecture et de la « différence sexuelle » d’Anne E. Berger de la façon suivante :

Autant au sens littéral que figuré, l’activité de lire résume le jeu de proximité et de distance par rapport à l’inconnu qui rythme la danse imprenable de la différence sexuelle. Mais la lecture implique aussi une singulière mise entre parenthèses de l’aspiration à enfermer la différence sexuelle dans la cage d’une science ou d’une théorie, voire d’une idéologie ou d’un appel à la fondation mythique d’un savoir.

Claire Finch ajoute à son tour que « les écrits de Berger concernant la lecture ouvrent la voie à une pédagogie féministe alternative et éthique, au sein de laquelle l’apprentissage féministe pourrait être initié en tant que mouvement de désir, plutôt que mouvement de fuite ». Le texte de Heta Rundgren enfin performe cette éthique et pédagogie de la lecture dans un bel exemple de recherche-création.

La dernière contribution, de Nadia Setti, pointe un aspect moins connu de la pensée d’Anne E. Berger, autour de la problématique des frontières non seulement entre les genres, mais aussi entre les espèces. Ainsi, elle a codirigé avec Marta Segarra Demenageries. Thinking (Of) Animals After Derrida, volume collectif qui inclut une lecture originale et nuancée de la Comtesse de Ségur par Anne E. Berger11. En parlant de l’amitié entre des êtres appartenant à des espèces différentes, chez Clarice Lispector ou Italo Calvino comme chez Montaigne, Nadia Setti fait allusion également à l’amitié que les auteurs et autrices des textes de ce volume portent à leur collègue ou (ancienne) enseignante Anne E. Berger.

Les essais ici réunis, offerts à l’amie mais aussi et surtout à la chercheuse et professeure émérite, montrent bien que, comme l’exprime Fabian Fajnwaks, « la démarche d’Anne Emmanuelle Berger n’est pas une méthode ou une simple grille de lecture mais constitue plutôt une épistémologie qui puise certainement dans la déconstruction ses ressources, mais que l’auteure s’approprie d’une manière singulière ». Dans la scène des études de genre françaises, cette singularité réside aussi en partie dans le fait que l’épistémologie d’Anne E. Berger se situe résolument, comme nous l’avons dit, dans le domaine de la langue et de la poétique. Ses lectures, y inclus celles qui ne portent pas sur des textes littéraires mais sur des idées ou des événements culturels ou historiques, sont toujours attentives à la langue en révélant ses richesses inouïes. Hélène Merlin-Kajman reprend une citation d’Anne E. Berger qui l’exprime à merveille ; nous concluons ainsi cette introduction en lui donnant la parole :

Ce que la littérature fait au genre, à la notion de « genre », c’est ce que les langues font au concept : défaire son ordre, attenter à son unité et sa souveraineté, y compris au pouvoir de réduction conceptuelle qu’il exerce au sein des études de genre, à partir de leur pluriel

12

.


1











  1. . Voir Anne Emmanuelle Berger, « Passer les frontières aujourd’hui. Mytho-analyse d’une traversée », Revue Essais, no 3, 2013, p. 163-182 ; et Ead., « Grand entretien », Revue Descartes, no 95, Discours, performance, sexualités, Isabelle Alfandary (dir.), 2019, p. 58-79.

2

  1. . Ead., Le Grand Théâtre du genre. Identités, sexualités et féminisme en « Amérique », Paris, Belin, 2013.
  2. 3
  3. . Ead., The Queer Turn in Feminism. Identities, Sexualities, and the Theater of Gender, trad. C. Porter, Fordham University Press, 2013. Il existe aussi une traduction espagnole : El gran teatro del género. Identidades, sexualidades y feminismos, trad. D. Lussich, Buenos Aires, Mardulce, 2016.

4

  1. . Ead., Le Banquet de Rimbaud. Recherches sur l’oralité, Seyssel, Champ Vallon, « L’or d’Atalante », 1992.
  2. 5
  3. . Ead., Scènes d’aumône. Misère et poésie au xixe siècle, Paris, Champion, 2004.

6

  1. . Dans l’entretien avec Laurence Pelletier inclus dans le présent volume.
  2. 7
  3. . Ead. Algeria in Others’ Languages, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2002.

8

  1. . Ead. et Eleni Varikas (dir.), Genres et postcolonialisme. Dialogues transcontinen-taux, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2011.
  2. 9
  3. . Ead. et Giuseppe Sofo (dir.), « Il genere della traduzione/Le genre de la traduction/The Gender and Genre of Translation », de genere. Rivista di studi letterari, postcoloniali e di genere, no 5, 2019.
  4. 10
  5. . Ead. et Mara Negrón (dir.), Lectures de la différence sexuelle, Paris, Éditions des femmes–Antoinette Fouque, 1994.
  6. 1
  7. 1

  8. . Anne Emmanuelle Berger, « When Sophie Loved Animals », dans Ead. et Marta Segarra (dir.), Demenageries : Thinking (of) Animals after Derrida, Amsterdam/New York, Rodopi, « Critical Studies », 2011, p. 97-124.
  9. 12
  10. . Ead., « Genre. Penser “le genre” en langue[s] ou comment faire des études de genre en littéraire ? », dans Emmanuel Bouju (dir.), Fragments d’un discours théorique. Nouveaux éléments de lexique littéraire, Nantes, Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2015, p. 192.

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Collection L'Imaginaire du Texte
Nombre de pages : 286
Langue : français
Paru le : 04/12/2025
EAN : 9782379245770
Première édition
CLIL : 3087, 3094, et 3643 Sociologie du genre, Sexualité, et Essais littéraires
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×137 mm
Version papier
EAN : 9782379245770

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