Presses Universitaires de Vincennes

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 220
Langue : français
Paru le : 10/09/2013
EAN : 9782842923716
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842923716

Version numérique
EAN : 9782842924669

Temporalités de l’Égypte

N°64/2013

Ce numéro interroge les périodisations de l’histoire de l’Égypte médiévale depuis la conquête arabe jusqu’à la l’époque ottomane.

Premier numéro de Médiévales dont le thème est exclusivement consacré à l’Orient médiéval.  Sont étudiés ici, plusieurs aspects de l’histoire de l’Égypte médiévale, tels que l’islamisation et l’arabisation du pays, les moments de transitions et ruptures entre les époques abbasside, mamelouke, et ottomane. ces aspects sont illustrés dans des perspectives aussi différentes que le système judiciaire des premiers siècles de l’hégire, l’administration, la culture équestre ou la littérature des Contes des Mille et Une Nuits
En contrepoint de ce dossier sur l’Égypte, sont également évoqués, l’historiographie récente sur les relations entre l’Italie et le Maghreb médiéval, l’exploration de la question de l’amitié spirituelle, et de l’écriture de l’histoire.

Introduction
Cyril Aillet et Abbès Zouache

Du pagarque au cadi : ruptures et continuités dans l’administration judiciaire de la Haute-Égypte (Ier-IIIe-VIIe-IXe siècle)
Mathieu Tillier

Les aḥbās de Fusṭāṭ aux deux premiers siècles de l’hégire : entre pratiques socio-économiques et normalisation juridique
Sobhi Bouderbala

Une culture en partage : la furūsiyya à l’épreuve du temps
Abbès Zouache

Le passage des anciennes à de nouvelles Mille et Une Nuits au XVe siècle
Jean-Claude Garcin

Les Banū Ḥinnā à Fusṭāṭ-Miṣr. Pouvoir et implantation urbaine d’une famille de notables à l’époque mamelouke
Mathieu Eychenne

Les événements de l’année 806. Ou comment al-Maqrīzī a pensé une rupture majeure dans l’histoire de l’Égypte
Julien Loiseau

                                                     
                                                   ESSAIS ET RECHERCHES

L’écriture de l’amitié spirituelle dans l’œuvre hagiographique de Thomas de Cantimpré (1200 – ca. 1265/1270)
Anne-Laure Méril-Bellini Delle Stelle


                                                          POINT DE VUE

Les relations entre Italie méridionale, Sicile et Maghreb au Moyen Âge : autour de trois ouvrages récents
Dominique Valérian


– Notes de lecture           
– Livres reçus
– Iconographie :
Manuscrits (noir et blanc) :
– Paris, Bnf, ms. Ar. 2834, folio 1.
– Le Caire, IFAO, ms. Ar. 106, folio 1.
– Le Caire, ms. Maktabat al-Azhar, n°42799, folio 1

Cartes
Généalogie

Mathieu Tillier
Du pagarque au cadi : ruptures et continuités dans l’administration judiciaire de la Haute-Égypte (Ier-IIIe-VIIe-IXe siècle).

Selon les sources littéraires de l’histoire égyptienne, dont la rédaction remonte, pour les plus anciennes, au IIIe-IXe siècle, l’institution du cadi serait apparue en Égypte dès les lendemains de la conquête. Des historiens comme Émile Tyan ont à l’inverse présenté le cadi  comme le successeur des juges byzantins. La documentation papyrologique permet de nuancer ces deux approches. Fondé sur un corpus de papyrus judiciaires relatifs à la Haute-Égypte du VIIe au IXe siècle, cet article suit l’évolution de la justice depuis son administration par des pagarques chrétiens jusqu’à l’apparition des cadis à l’époque abbasside. Il met en évidence le progressif remodelage des procédures héritées de Byzance et la lente islamisation de la justice dans les campagnes égyptiennes. Il apparaît que la dynamique historique complexe de cette évolution suivit un rythme bien différent des périodisations dynastiques traditionnelles. 

 

Sobhi Bouderbala
Les aḥbās de Fusṭāṭ aux deux premiers siècles de l’hégire : entre pratiques socio-économiques et normalisation juridique.

Cette étude porte sur les pratiques sociales en matière de biens inaliénables, le ḥubs (pl. aḥbās), au début l’Islam et leur rapport avec les théories juridiques naissantes en se fondant sur une documentation exclusivement égyptienne. Dans un premier temps, nous examinons les spécimens des actes de ces biens parvenus jusqu’à nous, conservés dans la littérature pré-fatimide de Fusṭāṭ, en mettant l’accent sur les pratiques sociales en vigueur à Fusṭāṭ dès la fin du Ier-VIIe siècle et les spécificités des clauses composant ces actes. Ensuite, l’accent est mis sur l’intervention du corps judiciaire et juridiques (cadis et jurisconsultes) dans la réglementation et la résolution de ces biens à partir du milieu du IIe-VIIIe siècle, en se fondant sur quelques documents papyrologiques des trois premiers siècles de l’hégire. Cette enquête permet de mieux apprécier l’évolution de l’institution des biens inaliénables en Egypte dans une dynamique de transition qui aboutit, à terme, à normaliser les pratiques sociales en la matière. Elle montre accessoirement aussi les tentatives des fondateurs de ces biens pour pérenniser leur patrimoine et contourner certaines règles rigides d’héritage. 

 

Jean-Claude Garcin
Le passage des anciennes à de nouvelles Mille et Une Nuits au XVe siècle.


L’analyse historique du texte arabe des Contes des Mille et Une Nuits permet de comprendre la cohérence du recueil imprimé pour la première fois en Égypte, à Būlāq, en 1835. La collecte des contes de Būlāq a été réalisée dans un but moralisant, voire religieux, par un cheikh égyptien dont nous ignorons le nom, peu après 1750. L’historien peut replacer ces textes dans le temps en analysant les « indices contextuels ». Il est conduit à identifier ceux qui sont des contes médiévaux et d’époque mamelouke (44% seulement du texte arabe imprimé), et à constater qu’une rupture dans les thèmes des contes a commencé en Égypte dans le premier quart du XVe siècle : adjonction à de vieilles anecdotes sur les califes abbasides des ixe-xe siècles et leur cour, de contes faisant preuve de plus d’esprit critique (le « Sindbād le Marin » que nous connaissons), voire des interrogations plus graves sur les famines et les pestes. La rupture véritable se produit en Syrie affectée par les invasions mongoles (Tamerlan déporte à Samarkand de nombreux habitants de Damas en 1401), lorsqu’un auteur damascène écrit de « Nouvelles Mille et Une Nuits », sans doute entre 1421 et 1436. La famille abbasside (en particulier Harūn al-Rashīd) est tournée en ridicule ; les anecdotes purement historiques sont bannies ; l’auteur, qui apparaît comme un « moraliste », s’intéresse surtout à l’étude des caractères et des passions, sans référence à la loi islamique. Cette rupture coïncide avec un changement dans la production littéraire en Égypte, au moment où se consolide au Caire le régime politique des mamelouks « circassiens ». À partir du XVIe siècle, les auteurs de contes se placeront dans la continuité formelle de l’auteur damascène du XVe siècle, qui a fourni le modèle de « Mille et Une Nuits modernes », avant qu’au XVIIIe siècle une affirmation nouvelle du religieux et du « convenable » conduise à une rupture finale et à la moralisation des contes par celui qui a composé le recueil de Būlāq. 

 

Mathieu Eychenne
Les Banū Ḥinnā à Fusṭāṭ-Miṣr. Pouvoir et implantation urbaine d’une famille de notables à l’époque mamelouke.

Cet article se propose de reconstruire l’histoire d’une famille de notables égyptiens, originaire de Fusṭāṭ-Miṣr, les Banū Ḥinnā, à partir des informations contenues dans les sources historiques de l’époque mamelouke (1250-1517). En prenant comme exemple cette famille d’origine copte, islamisée au tournant des XIIe et XIIIe siècles, il s’agira dans un premier temps, d’illustrer la façon dont certaines familles de notables égyptiens ont pu prospérer à l’avènement du nouveau pouvoir en investissant massivement l’administration de l’État mamelouk. La seconde partie de cette étude met en lumière l’ancrage social et spatial de la famille à Fusṭāṭ-Miṣr et la façon dont son importante activité édilitaire et ses investissements dans la ville a pu contribuer à façonner l’espace urbain et à laisser une trace dans la mémoire des contemporains. 

 

Julien Loiseau
Les événements de l’année 806. Ou comment al-Maqrīzī a pensé une rupture majeure dans l’histoire de l’Égypte.


La crise qui frappa l’Égypte à la fin du Moyen Âge, et qui connut son paroxysme dans les premières années du XVe siècle, a laissé une empreinte durable dans l’histoire du pays et de sa capitale. Avant d’attirer l’attention des historiens, elle a marqué l’esprit des contemporains et modifié en profondeur le regard qu’ils portaient sur leur histoire. De tous ceux qui tentèrent alors de comprendre la brutalité du temps présent à la lumière du passé de l’Égypte, Taqīy al-Dīn Aḥmad al-Maqrīzī (1364-1442) se distingue par l’importance de son œuvre historique et son souci d’apporter un diagnostic et un remède à la maladie de son époque.

La réflexion d’al-Maqrīzī, littéralement obsédé par les « événements » intervenus au cours de l’année 806 de l’Hégire (1403-1404) dont le pays ruiné portait la trace funeste, a cependant évolué au fil du temps. L’analyse à chaud, qu’il expose dès 1405 dans l’Iġāṯat al-umma, propose de voir dans les malheurs du temps, en les comparant aux épreuves du passé, les effets d’une cherté qui se maintient anormalement au lieu de se résorber deux saisons après les désastres naturels qui l’ont provoquée. Dans la suite de son œuvre, et tout particulièrement dans ses fameuses Ḫiṭaṭ, le concept de cherté (ġalā’) est abandonné au profit de celui de ruine (ḫarāb). L’Égypte n’est pas seulement malade du mauvais gouvernement des Mamelouks. L’arbitraire de l’État, et sa fiscalité prédatrice, ont précipité le pays sur une pente dont il ne se relèvera pas. Le profond pessimisme d’al-Maqrīzī, démenti par le redressement de l’État mamelouk, n’enlève rien cependant à la force de son constat et à la finesse de ses analyses. 

 

Anne-Laure Méril-Bellini Delle Stelle
L’écriture de l’amitié spirituelle dans l’œuvre hagiographique de Thomas de Cantimpré (1200 – ca. 1265-1270).

Les mulieres religiosae des Pays Bas méridionaux du XIIIe siècle ont été le centre de réseaux sociaux animés par un sentiment d’amitié spirituelle. De nombreuses vitae en témoignent, particulièrement celles de Thomas de Cantimpré. Pour comprendre l’importance de l’amitié spirituelle, celles-ci offrent un champ d’études exceptionnel et permettent de saisir, à travers l’écriture de ce sentiment, la nature de celui-ci et son rôle dans le milieu dévot. L’analyse du vocabulaire mis en œuvre, ainsi que la comparaison de deux manuscrits de la Vie de Lutgarde d’Aywières permettent de répondre en partie à ces questions. Enfin, l’examen des bénéficiaires de cette mise en scène littéraire de l’amitié spirituelle rend plus clair le rôle de la vita en tant que texte et en tant qu’objet, dans les réseaux de relations et notamment dans les liens d’amitié. 

 

Pierre Courroux
Godefroid Kurth et Jean d’Outremeuse : un historien du xxe siècle face à l’invention historique.

Godefroid Kurth, historien méthodique rigoureux du début du XXe siècle, et Jean d’Outremeuse, chroniqueur prolixe mais brouillon du XIVe siècle, partagent a priori le même « métier », celui d’historien. Pourtant, entre ces deux personnages se dresse un gouffre abyssal, celui de deux visions de l’histoire entièrement opposées. Pour l’un, l’histoire est constituée d’événements assurés, reconstruits par une minutieuse étude des sources. Pour l’autre, l’histoire est un puits d’anecdotes propres à intéresser un public, elle est construite à coup de légendes, d’inventions personnelles qui visent à la vraisemblance aussi bien qu’à créer un véritable récit historique. Lorsque Godefroid Kurth a publié en 1910 son étude critique sur Jean d’Outremeuse, celui-ci n’était plus à même de se défendre. Il fut en conséquence lentement oublié, et sa vision de l’histoire vouée aux gémonies. Quel regard l’historien actuel doit-il porter à cette querelle ? L’évolution de l’historiographie moderne, en particulier le linguistic turn, qui a insisté sur l’aspect narratif de toute histoire, doit-il le porter à réhabiliter le chroniqueur ? Ne faudrait-il pas tout autant comprendre la démarche de l’un et de l’autre des protagonistes pour les voir tous deux, malgré leur statut d’écrivains de l’histoire, comme des sujets, des témoins de l’histoire et de leur époque ?

Mathieu Tillier
Du pagarque au cadi : ruptures et continuités dans l’administration judiciaire de la Haute-Égypte (Ier-IIIe-VIIe-IXe siècle).

According to Egyptian literary sources, which were written in the third/ninth century C.E. for the earliest ones, the institution of the qāḍī appeared in Egypt soon after the conquest. Historians like Émile Tyan challenged this view and considered qāḍīs as successors to Byzantine judges. The study of Egyptian papyri enables nuances to be drawn between these two interpretations. This article analyses a corpus of judicial papyri from seventh- through ninth- century Upper Egypt. It reconstructs the evolution of the legal system from the time of Christian pagarchs until the appearance of qāḍīs under the Abbasids, and highlights the progressive reshaping of procedures inherited from Byzantium as well as the slow Islamicisation of the Egyptian landscape’s judicial system. As it will appear, the complex dynamics of this evolution do not match traditional dynastic periods defined by historians.

 

Sobhi Bouderbala
Les aḥbās de Fusṭāṭ aux deux premiers siècles de l’hégire : entre pratiques socio-économiques et normalisation juridique.

This article focuses on social practices related to endowments, ḥubs (pl. aḥbās), during the first two centuries of Islam, and their relations to the legal theories which emerged during that period. The study is based on exclusively Egyptian documentation. We will first examine documents of aḥbās from the end of the 1st/7th century, which are available in the pre-fatimid literature produced in Fusṭāṭ, with a specific focus on social practices and the specific conditions which were stated in these documents. Secondly, we will look at the part that the cadis and jurisconsults played in regulating and resolving conflicts related to aḥbās, from mid 2nd/8th century, based on papyrus documents, from the first three centuries of Hegira. This study is aimed to better comprehend the evolution of the institution of endowments in Egypt, in a context of transition which resulted in normalising social practices in this field. It also shows how holders of aḥbās managed to make them durable and circumvent some of the strict regulations of inheritance.

 

Jean-Claude Garcin
Le passage des anciennes à de nouvelles Mille et Une Nuits au XVe siècle.

This article deals with the historical analysis of the Arabian Nights Būlāq edition of 1835. First of all, this analysis allows a better understanding of the Būlāq edition consistency. The tales were put together a little while after 1750 by an unknown Egyptian shaykh whose aim was obviously moralizing and devoting. A focus on the « historical contextual indications » in the texts of the tales provides a rough idea of when the tales were written. In this way we can identify medieval and Mamlūk tales (forty four per cent of the printed Būlāq edition). We can notice that a kind of break occurred in the Egyptian tales during the first thirty years of the fifteenth century. Pseudo-historical anecdotes on the ancient caliphs can be found but also new critical tales (such as a new « Sinbād the Sailor ») or references to the dreadful starvations and plagues in these times. But the true break is definitely in the « New Arabian Nights », that a Syrian author wrote in Damascus, probably between 1421 and 1436. He may have been deported to Samarkand when Tīmūr Lang invaded Syria in 1401. The author of these « New Arabian Nights » pretended to use continuity, but he made fun of the califal Abbasid family (especially Harūn al-Rashīd) and banished the old historical narratives. The tales are devoted to the study of human characters and passions, without reference to Islamic criteria. The book as a whole is coherent thanks to the use of old verses and situations in the tales. It is a true literary work. In an historical point of view, these two breaks are concomitant with the strengthening of the Circassian sultans in Egypt and Syria. From the sixteenth to the eighteenth centuries, a lot of tales, which I call « Modern Arabian Nights », were modeled on the « New Arabian Nights » of the fifteenth century, but in the end the moralizing and devout Egyptian shaykh corrected the tales in accordance to the Islamic criteria.

 

Mathieu Eychenne
Les Banū Ḥinnā à Fusṭāṭ-Miṣr. Pouvoir et implantation urbaine d’une famille de notables à l’époque mamelouke
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The aim of this paper is to reconstruct the story of the Banū Ḥinnā, a family of Egyptian notables, native of Fusṭāṭ-Miṣr, using information from historical sources of the Mamluk period (1250-1517). Focusing on this Coptic family, converted to Islam between the 12th and the 13th centuries, we will bring to light the prosperity of administrators’ dynasties of this period, related to their investment in the administration of the newly created Mamluk state. In a second part, we will deal with the spatial and social presence of the Banū Hinnā in Fusṭāṭ-Miṣr. For that purpose, we will examine their commitment in the city’s affairs, the role of their patronage and investment in the urban space’s shaping, and the traces left by the Banū Ḥinnā in the memory of their contemporaries.

 

Julien Loiseau
Les événements de l’année 806. Ou comment al-Maqrīzī a pensé une rupture majeure dans l’histoire de l’Égypte.


Mamluk Egypt was struck by a major crisis which reached its climax in the beginning of the Fifteenth century. Modern historians have shown the extent to which the country and its capital bared the mark of the disaster. But contemporaries were also aware to live a breakpoint in the long history of Egypt. Among Mamluk historians who have tried to understand the events of their age in the light of the past, Taqīy al-Dīn Aḥmad al-Maqrīzī (1364-1442) stands apart, owing to the significance of his historical works and to his concern about the disease of his time and its remedy.

Al-Maqrīzī’s thought was literally obsessed by the “events” which occurred during the year 806 A.H. (1403-1404 A.D.) and left their mark on the country. As soon as 1405, in the Ighāthat al-umma, he suggested to see in the malice of the time the consequences of a harsh dearth which continued over time instead of reversing, as it is shown by the history of Egypt, two years after the natural disasters that first caused the inflation. In his following works, especially in his famous Khiṭaṭ, al-Maqrīzī abandoned the concept of dearth (ghalā’) in favour of that of ruin (kharāb). Egypt was not only ill of the Mamluks’ misgovernment. According to al-Maqrīzī, the arbitrary nature of the state and its predatory taxation hastened the country in a new stage of its history. A ruin from which it would never recover. 

 

Anne-Laure Méril-Bellini Delle Stelle
L’écriture de l’amitié spirituelle dans l’œuvre hagiographique de Thomas de Cantimpré (1200 – ca. 1265/1270).

In the thirteenth century Southern Low Countries, the mulieres religiosae were the mainspring of social networks, nourished by a feeling of spiritual friendship. It’s displayed by many vitae, such as those written by Thomas of Cantimpré. To grasp the significance of spiritual friendship, those vitae offer an exceptional look-out post and allow us to catch, through the writing of this feeling, what are his nature and his role within the devout circle. Through the vocabulary and the study of two codices of the Vita of Lutgarde of Aywières, we can partly answer to these questions. At last, analyzing who take advantage of this writing of spiritual friendship make us understand which part played the vita, as text and as object, within the social networks, particularly for the friendship’s links.

 

Pierre Courroux
Godefroid Kurth et Jean d’Outremeuse : un historien du XXe siècle face à l’invention historique
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Godefroid Kurth, methodological an rigorous historian from the beginning of the twentieth century, and Jean d’Outremeuse, prolix but disorganized chronicler from the fourteenth century, seem to share the same « profession », that of historian. Though, between those two persons stand a gaping abyss of two visions of history totally opposed. For the first one, history is made of positive events, rebuilt by a meticulous study of the sources. For the second one, history is a well of anecdotes useful to interest an audience, it is built with legends, personal inventions whose aim is to create plausibility as well as a true historical narrative. When Godefroid Kurth published in 1910 his critical study on Jean d’Outremeuse, the latter was not anymore able to defend his work. As a consequence, he was slowly forgotten, and his vision of history was exposed to public contempt. What kind of look an actual historian should have on this quarrel? Do the evolution of modern historiography, particularly the linguistic turn, who insisted on narrative aspect of every history, can lead him to rehabilitate the chronicler? Isn’t it more important to understand the approach of the both protagonists, and to see them, in spite of their writer of history status, as subjects, witnesses of their history and their own times ?

Abbès Zouache

ruptures, transitions, continuités
dans l’histoire de l’égypte médiévale

Depuis peu, l’histoire de l’Égypte médiévale est « en chantier »1. Cela peut s’expliquer diversement : les fouilles archéologiques (bien que peu nombreuses) ont livré une documentation qui commence à être prise en compte par les chercheurs ; ces derniers sont enfin touchés par le « retour critique » qui a essaimé, plus tôt, dans d’autres champs de la recherche ; un dialogue s’est engagé entre des disciplines (archéologie, histoire, philologie, linguistique, entre autres) jusque-là très cloisonnées2.

L’ambition de ce dossier est d’illustrer le renouvellement en cours – d’où le bref état des lieux historiographique qui suit – et de contribuer à la réflexion sur les découpages chronologiques communément adoptés par les historiens de l’Égypte médiévale. Comme leurs pairs spécialistes d’autres aires culturelles, ils doivent procéder à des choix difficiles. Se démarquer des choix effectués par leurs prédécesseurs n’est pas chose aisée, même lorsqu’une documentation nouvelle apparaît. Tout discours savant est marqué par des déterminations dont Pierre Bourdieu a montré qu’il est souvent illusoire de vouloir s’en détacher3. Les chercheurs découpent le monde et son histoire, le décrivent et l’interprètent en fonction de « schèmes cognitifs » qui les imprègnent « avec une telle profondeur » qu’ils en deviennent « invisibles »4.

Ces déterminations pèsent probablement d’autant plus que les chercheurs sont peu nombreux et que leur discipline est fortement marquée du sceau de la tradition philologique, comme dans le cas de l’histoire de l’Orient musulman médiéval. Après la seconde guerre mondiale, les critiques qu’a subies l’orientalisme, du fait de ses liens avec la colonisation5, ont conduit nombre de ses praticiens à réaffirmer leur ancrage philologique, et certains d’entre eux à adopter les objets et les méthodes des sciences sociales. L’un des objectifs affichés était d’atteindre une scientificité détachée des présupposés idéologiques et de rejeter les approches par trop généralistes au profit d’une histoire économique et sociale jusque-là largement délaissée6. L’historiographie de l’Égypte médiévale n’a bénéficié que très progressivement de cette réorientation7, avant donc de connaître un profond renouvellement, depuis quelques années.

L’effort d’édition et de traduction des sources orientales

La question des sources est fondamentale pour les historiens de l’Orient musulman, et notamment pour ceux qui s’attachent prioritairement à l’Égypte et au Bilād al-Šām8, qui forment un couple rarement dissocié tout au long du Moyen Âge. L’effort d’édition et de traduction de sources inédites ou éditées de façon insuffisamment critique a été impulsé, en Europe, par des figures telles que Claude Cahen, décédé en 1991 après avoir été à l’origine de maintes entreprises individuelles ou collectives9. Certaines de ces entreprises ont également été le fait de chercheurs arabes soucieux de se réapproprier un patrimoine dont ils estimaient en avoir été par trop dépossédés par les orientalistes10. Beyrouth et Le Caire, qui concentrent l’essentiel des maisons d’édition arabes, jouent aujourd’hui un rôle moteur en matière éditoriale.

Cet effort a largement porté ses fruits. Cependant, la tâche est encore ample. L’on estime parfois (certes sans beaucoup de garanties) à trois millions le nombre de manuscrits médiévaux préservés dans l’ensemble de l’aire islamique11. Certains textes, tels que les innombrables manuscrits de furūsiyya12 répertoriés dans les catalogues de bibliothèques, dont un bon nombre a été produit en Égypte, sont encore délaissés par les chercheurs, sans doute parce qu’ils sont écrits dans une langue technique et difficile d’accès même pour des arabisants confirmés13.

Une « école historique » égyptienne

Les résultats les plus probants concernent les sources narratives (chroniques, dictionnaires biographiques), et en particulier celles de l’époque mamelouke (1250-1517). Nul historien de l’Égypte ne peut aujourd’hui en faire l’économie, même ceux qui tentent de réécrire l’histoire des débuts de l’islam : les chroniqueurs et les auteurs de dictionnaires biographiques d’époque mamelouke conservent souvent une documentation plus ancienne et aujourd’hui disparue14. Les œuvres d’époque mamelouke les plus importantes sont désormais plus accessibles, et des synthèses fiables permettant de démêler les liens à première vue inextricables qui les unissent sont disponibles15. La première de ces œuvres, les fameuses Ḫiṭa d’al-Maqrīzī, a récemment été rééditée par Aymān Fu’ād Sayyid16. Cette « autopsie de la ruine17 », qui témoigne de la fascination d’al-Maqrīzī pour le passé égyptien et plus particulièrement pour celui de sa capitale Fusṭāṭ-Le Caire, est considérée comme le chef-d’œuvre d’un genre littéraire, « l’histoire topographique18 ». Les Ḫiṭaṭ permettent de dessiner les contours d’une « école historique égyptienne19 » au caractère « national » marqué20, attachée à l’histoire d’un territoire autant qu’à celle des hommes qui y vivent, un territoire à l’identité si affirmée que ces hommes et les dynasties qui s’y succèdent doivent s’y incarner21.

Comme ses pairs, al-Maqrīzī peut encore s’appuyer, à l’époque où il écrit, sur les traces multiples laissées par ses prédécesseurs – documents administratifs et privés, monnaies, etc. – que l’Égypte médiévale a laissées en nombre, notamment grâce à des conditions climatiques propices à leur conservation22. Concernant les « handwritten documents23 », papyri et autres supports, ils sont plus nombreux qu’on l’a longtemps cru24 et font désormais l’objet d’une attention soutenue des chercheurs25, après avoir été ignorés ou simplement appréhendés comme des sources d’information secondaires. Désormais, l’on s’attache plus systématiquement – ainsi Sobhi Bouderbala et Mathieu Tillier dans ce dossier – à reconstituer les liens entre la documentation papyrologique et les sources narratives.

Les débats autour de la révélation muḥammadienne : l’histoire de l’Égypte quelque peu délaissée

Une telle documentation s’avère précieuse pour qui souhaite sortir de « l’impasse méthodologique26 » dans laquelle le courant « sceptique27 » a plongé les spécialistes de l’histoire des débuts de l’islam à partir des années 1970. Ce courant a remis en cause de manière radicale la fiabilité des sources islamiques narratives de l’histoire des premiers musulmans. Ces sources, qui ont été rédigées pour l’essentiel dans l’Iraq abbasside à partir du iiie/ixe siècle, ne feraient que mettre en scène la révélation muḥammadienne ; elles présenteraient une vision orientée et déformée des débuts de l’islam, correspondant aux attentes des musul­mans qui vivaient à l’époque de leur rédaction.

Cette remise en cause a eu l’avantage de dynamiser la recherche. Différentes voies sont désormais explorées pour sortir de cette impasse méthodologique28. Les uns privilégient le recours aux sources non musulmanes, notamment syriaques, qui posent également des problèmes d’interprétation29 ; les autres s’attachent à reconstituer « la genèse, l’élaboration et la canonisation de la tradition et de l’histoire islamique30 » par un patient travail d’archéologie des textes31. Leurs travaux, qui provoquent parfois des réactions de rejet dans les pays musulmans, ont eu l’inconvénient de centrer l’analyse sur les sources narratives irako-syriennes, au détriment parfois de la documentation issue d’autres territoires conquis par les musulmans, comme l’Égypte32.

Les sceptiques ont parfois mobilisé l’archéologie pour étayer leurs thèses33. J. Koren et Y. Nevo ont nié l’existence de Muḥammad, en s’appuyant surtout sur la numismatique et l’épigraphie : il est absent des graffitis les plus anciens du Neguev mais aussi d’Arabie34. Ils ont soutenu l’idée que l’islam n’apparaissait qu’à partir de la fin du viie siècle, la conquête et la création d’un État arabe ayant précédé la naissance de la religion35. Leurs travaux, qui sont remis en cause36, tiennent plus d’une « archéologie de la religion » (D. Northedge) que d’une archéologie s’attachant à la diffusion de pratiques culturelles dans différentes sociétés, dans différents espaces37.

Celle-ci est pourtant assez active38 – surtout dans les pays qui appartenaient, au Moyen Âge, au Bilād al-Šām (Syrie, Jordanie, Liban, Israël et territoires palestiniens, frontière syro-turque)39 – et ne suscite pas de controverses aussi passionnées. En Égypte, elle est encore insuffisamment développée – et utilisée par les historiens –, peut-être du fait de la fascination qu’a toujours exercée son patrimoine archéologique antique40. Les fouilles qui ont été menées à terme et publiées sont peu nombreuses41. Celles du plateau d’Istabl ‘Antar, au sud de Fusṭāṭ (le Vieux-Caire actuel), la première capitale de l’Égypte islamique, sont en passe de l’être42. Dirigées par Roland Pierre-Gayraud de 1985 à 2003, elles illustrent à merveille la « problématique des continuités, de l’innovation et des croisements culturels43 », qui est désormais privilégiée par les spécialistes de l’Égypte.

Transition linguistique, transition religieuse

Ces fouilles confirment ce que la documentation papyrologique ou les études toponymiques, en plein renouveau, montrent par ailleurs44 : la conquête arabe n’a pas provoqué, en Égypte, les changements abrupts et définitifs que les historiographes musulmans se plaisent souvent à décrire. L’arabisation45 et l’islamisation ont été des phénomènes lents, non concomitants46. Au ier/viie siècle, une nouvelle langue est introduite par les conquérants arabes. Après leur victoire et leur installation dans le pays, ils doivent longtemps faire traduire les actes administratifs pour que les agents de l’administration puissent les faire appliquer47. L’arabe semble s’être définitivement imposé comme langue de communication écrite dès la fin du iiie/ixe siècle, du fait sans doute des progrès de l’islamisation, mais aussi parce que cette langue était devenue une langue de savoir incontournable pour les lettrés.

Que la « transition linguistique » n’ait pas été rapide ne fait donc aucun doute. L’on parle d’ailleurs, à propos des trois siècles qui suivent la conquête arabe, « d’expérience multilingue48 ». Ont cohabité en Égypte le grec, le copte et l’arabe, en sus du judéo-arabique présent dans les documents de la Geniza du Caire49. Concernant les périodes les plus tardives, la réflexion sur le multilinguisme est entamée : sous les Mamelouks, l’élite militaire pratique le turc et/ou le kiptchak, sans cependant ignorer l’arabe, et promeut la langue turque, dont la pratique est un signe de distinction50. Cependant, on en sait peu sur la communication orale. Par exemple, la généralisation de l’arabe dans l’administration et dans la littérature (chrétienne ou musulmane) ne présume en rien de sa pratique en tant que langue de communication orale, notamment dans les milieux ruraux, où semble également avoir longtemps perduré une onomastique copte traditionnelle.

Sans doute les rythmes d’arabisation diffèrent-ils d’une région à une autre51. Il en va de même de l’islamisation, en Égypte comme ailleurs52. Dans le village de Damūyah, dans le Fayyūm, à une centaine de kilomètres du Caire, des archives analysées par Jean-Michel Mouton laissent penser que l’arabe s’est imposé à la fin du iiie/ixe siècle comme langue de communication écrite dans les actes notariés comme dans les correspondances privées ; mais la population demeure très majoritairement copte53. Ces archives confirment que périodiser le processus d’islamisation (qui peut s’expliquer par la conversion mais aussi par la démographie) n’est pas chose aisée. D’ailleurs, depuis une quarantaine d’années, les chercheurs ont proposé plusieurs périodisations. Deux possibilités ont été privilégiées : pour les uns, les Égyptiens deviennent majoritairement musulmans dès le iiie/ixe siècle ; pour les autres, cela n’est vrai qu’à une période plus tardive – à partir du viiie/xive siècle pour Jean-Claude Garcin54. Récemment, Shaun O’Sullivan et Tamer el-Leithy ont à nouveau plaidé l’un pour la période haute, l’autre pour la période basse55.

En fait, la question qui doit se poser n’est pas seulement celle du nombre, mais également celle du poids et du dynamisme culturel de chacun des groupes socio-linguistiques. La communauté copte, par exemple, est sans doute moins nombreuse au viie/xiiie siècle que quatre siècles auparavant, alors qu’elle était culturellement en transition, mais elle n’en est pas moins dynamique. Tout au long de l’histoire égyptienne, l’installation de nouveaux maîtres (Arabes, puis Turcs) provoque des croisements culturels que l’on met désormais plus souvent en lumière. L’archéologie est à cet égard riche d’enseignements. À Fusṭāṭ, les reliefs floraux des plaquettes en os mises au jour sont de tradition alexandrine et antique ; ils n’en révèlent pas moins l’importation de nouveaux modèles venus d’Iraq qui semblent ensuite à leur tour essaimer à Alexandrie. La « continuité technique » est évidente ; en revanche, en matière artistique, ces objets dénotent une transition marquée par l’importation de motifs s’accordant avec la culture des musulmans56. Plus tard, à la fin du vie/xiie siècle, la construction de la muraille du Caire semble donner lieu à une « architecture de transition » entre une architecture fatimide très raffinée et l’architecture ayyoubide plus monumentale, plus à même de représenter les nouveaux « sultans militaires » qui se sont imposés en Égypte à la fin des années 1160, et plus adaptée aux évolutions de la guerre de siège provoquées par l’installation des Croisés en Syrie57.

Inscrire la réflexion dans le temps long

Ces croisements apparaissent clairement dans les textes de furūsiyya que j’envisage dans ce dossier, ou dans les différents manuscrits des Mille et Une Nuits étudiés par Jean-Claude Garcin. Ils participent d’une double dynamique : celle de l’importation d’une culture du centre irako-syrien et celle du lent renouvellement local de cette culture, renouvellement qui prend des formes diverses, selon les hommes qui l’impulsent. En Égypte, où un « sentiment national » perdure tout au long du Moyen Âge, il a une coloration typiquement égyptienne et se tourne vers une « conformation à la norme religieuse ».

Doit-on s’étonner de cette double dynamique et des temporalités multiples dans lesquelles tout renouvellement s’opère ? La recherche récente tend à montrer la nécessité d’inscrire la réflexion sur l’histoire égyptienne dans le temps long, de se garder donc de toute « rupture » entendue comme une coupure brutale, de se contenter de découpages plus lâches, et de penser cette histoire en termes de « transitions », des transitions entendues comme des temps de passage d’un mode de fonctionnement à un autre58. Mathieu Tillier souligne d’ailleurs, dans sa contribution, que l’institution judiciaire ne se transforme que lentement, après la conquête arabe. Les procédures héritées perdurent longtemps, se remodèlent progressivement et s’étendent sur tout le territoire égyptien selon un rythme différent des périodisations dynastiques traditionnelles. Sobhi Bouderbala n’écrit rien de différent dans son étude sur les pratiques sociales en matière de biens inaliénables (ḥubs, pl. aḥbās). Malgré les efforts des pouvoirs publics soucieux de rompre avec le ‘urf (droit coutumier), la normalisation de ces pratiques est lente et sans doute encore incomplète, deux siècles après que les musulmans se sont installés en Égypte.

Cette normalisation dépend d’autres facteurs que la seule injonction des puissants, et notamment de la volonté des hommes d’occuper une place éminente dans la société et des stratégies qu’ils mettent en place pour y parvenir. Après la conquête arabe, la conversion à l’islam devient progressivement l’une des conditions de l’ascension sociale. Les Banū Ḥinnā s’y résolvent au tournant des xiie et xiiie siècles. Mathieu Eychenne ne peut reconstituer leur histoire que partiellement : les sources à sa disposition ne disent rien de certaines étapes de leur parcours. De ces silences, qui peuvent ou non faire sens, il s’accommode sans peine. Porté par sa documentation, il a accès, en retraçant la destinée de cette famille, au temps long, celui d’un pays et d’une ville, Fusṭāṭ-Miṣr, qui, dès sa fondation et pour longtemps, se mue en un lieu de mémoire pour ses habitants.

Un historiographe aussi brillant qu’al-Maqrīzī a également pris la pré­caution d’inscrire sa réflexion dans le temps long, ainsi que le rappelle Julien Loiseau. Non pas systématiquement : il réagit aussi parfois « à chaud », par exemple à propos d’une crise qui touche l’Égypte en 806/1403-140459. Il conçoit primitivement cette crise comme une rupture majeure dans l’histoire du pays et de la ville (Fusṭāṭ-Le Caire) qu’il chérit tant. Puis sa réflexion évolue au fil de son œuvre, et il offre une interprétation au long cours des mutations auxquelles l’Égypte est confrontée depuis la conquête arabe.

Quelle périodisation adopter ?

Le temps long est donc bien en passe, comme l’écrit Julien Loiseau, de devenir la « prédilection des historiens de l’Islam60 », et plus particulièrement de ceux, plus nombreux aujourd’hui qu’hier, qui se penchent sur l’histoire de l’Égypte médiévale. Cela les conduit, en s’appuyant sur d’autres disciplines que l’histoire (notamment la littérature et l’archéologie) à remettre en cause la périodisation adoptée par leurs devanciers, qui ont souvent suivi les périodisations dynastiques traditionnelles nonobstant le fait que chaque champ (politique, social, économique, intellectuel, technique, etc.) évolue selon son rythme propre et son échelle de déclinaison (locale, régionale, nationale)61. « Les milieux, les hommes et les objets évoluent dans des ‘‘temporalités’’ aux rythmes différents »62 ; le choix d’une périodisation dépend du champ que l’historien choisit d’étudier63.

Pour peu que l’on s’astreigne tout de même à proposer une périodisation simple de l’histoire de l’Égypte médiévale en tenant compte tout à la fois des apports de l’histoire, de l’archéologie et des autres disciplines que l’historien est amené à pratiquer, l’on peut s’appuyer sur les réflexions de Konrad Hirschler sur l’ensemble de l’aire islamique. Faire débuter le Moyen Âge lors de la conquête arabe et le faire s’achever au début du xe/xvie siècle, ainsi qu’il l’écrit, « n’est pas très utile, même si [une telle périodisation] reflète, dans une large mesure, les schèmes choisis par les historiens arabes médiévaux eux-mêmes64 ». Ne faut-il pas plutôt parler d’une longue phase de transition qui serait rattachée à l’Antiquité tardive et qui s’écoulerait jusqu’à la fin du iiie/ixe siècle ou le début du ive/xe siècle, la langue arabe et l’islam s’étant enfin largement imposés en Égypte et les traits caractéristiques de la société islamique s’y étant nettement dessinés65 ? Et faire débuter au xe/xvie siècle un « Moyen Âge finissant » (dont les contours chronologiques restent à préciser66), marqué par la provincialisation et l’ottomanisation progressives du pays67 ?

En tout état de cause, quelle que soit la périodisation adoptée par les chercheurs, il est difficile de faire l’économie des représentations des hommes du passé, fussent-elles connues à travers des sources partielles et partiales. Ainsi, lorsqu’il fait de l’année 755/1354, qui voit se multiplier en Égypte les violences et les mesures antichrétiennes, une année cruciale dans l’histoire égyptienne – une « rupture », au sens propre du mot&nbs

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 220
Langue : français
Paru le : 10/09/2013
EAN : 9782842923716
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842923716

Version numérique
EAN : 9782842924669

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