Édouard Glissant, écrivain et philosophe, a renouvelé la pensée de l’identité, de la race et de la relation entre cultures. Les plus importants spécialistes débattent sur la politique, l’imaginaire, les arts et la vie de Glissant.
La pensée d’Édouard Glissant est aujourd’hui d’une intense actualité. L’écrivain philosophe a en effet renouvelé radicalement les conceptions de l’identité et de la race, du métissage et de la créolisation, des continents et des archipels. Son œuvre est désormais étudiée dans le monde entier. Un colloque international a réuni une vingtaine des plus importants spécialistes et de grands témoins comme Eduardo Manet et René Depestre. Les perspectives se croisent entre ces écrivains et ces chercheurs venus de la Caraïbe, des États-Unis, de Tunisie, d’Irlande, du Japon, du Canada… Ce livre reproduit leurs débats sur la politique, l’imaginaire, les arts et la vie de Glissant.
Coordinateur(s) du numéro :
François Noudelmann |
Françoise Simasotchi-Bronès |
Yann Toma |
Auteur(s) :
Dominique Berthet |
Michael Dash |
René Depestre |
Souleymane Bachir Diagne |
Edelyn Dorismond |
Michaël Ferrier |
Mary Gallagher |
Lise Gauvin |
Satoshi Hirota |
Samia Kassab Charfi |
Dominique Labays |
Eduardo Manet |
Hiroshi Matsui |
Corinne Mencé-Caster |
Nick Nesbitt |
François Noudelmann |
Guillaume Robillard |
Nao Sawada |
Françoise Simasotchi-Bronès |
Hélène Sirven |
Yann Toma |
Aliocha Wald Lasowski
SommaireRésuméExtrait(s)Collection/Abonnement
Mots-clés : Archipel | Baroque | Créolisation | Engagement | Multilinguisme
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Le paradigme de l’archipel
François Noudelmann, Françoise Simasotchi-Bronès, Yann Toma
I. Imaginaires et langues
« La créolisation, une poétique qui est un miracle »
Un rêve créole d’Édouard Glissant
Françoise Simasotchi-Bronès
Traduire en présence de toutes les langues du monde
Souleymane Bachir Diagne
« Il est donné, dans toutes les langues, de construire la tour »
Apprivoiser Babel
Lise Gauvin
Glissant romancier
Notes pour une stylistique des romans d’Édouard Glissant
Michaël Ferrier
Glissant, le récit somatique
Samia Kassab-Charfi
II. Politiques de la relation
Critique de l’économie politique martiniquaise
Sur Glissant, Marx et Althusser
Nick Nesbitt
Créolisation et communauté
République diverselle et politique de la rencontre
Edelyn Dorismond
Édouard Glissant et le « féminin »
Quelques observations
Corinne Mencé-Caster
Politique de la relation et créolisation démocratique
Aliocha Wald Lasowski
Chronique de l’engagement de l’écrivain
Édouard Glissant au milieu de l’autonomisme des Antillais à Paris (1959-1962)
Satoshi Hirota
III. Archipel des arts
De la démesure de la démesure en l’art
Yann Toma
Le frisson du baroque
Glissant, l’art et la structure granuleuse du monde
J. Michael Dash
La pensée baroque chez Édouard Glissant, ou l’esthétique antillaise
Nao Sawada
Les voies créatrices de l’insulaire, à l’aune d’Édouard Glissant et d’Alain Ménil
Hélène Sirven
Édouard Glissant et les œuvres d’art, une rencontre créatrice
Dominique Berthet
La parole d’Édouard Glissant dans le « cinéma antillais »
Guillaume Robillard
IV. Les vies d'Édouard Glissant
Rencontre avec Édouard Glissant
Entretien avec Romuald Fonkoua
(Bibliothèque nationale de France, Paris, le 1er juin 2018)
Eduardo Manet
Édouard Glissant, une culture pour la mondialisation
Entretien avec Françoise Simasotchi-Bronès
(Lézignan-Corbières, le 23 avril 2018)
René Depestre
L’éthique d’Édouard Glissant
Mary Gallagher
Une liaison magnétique ou l’identité non généreuse d’Édouard Glissant
Hiroshi Matsui
La vie d’Édouard Glissant, vérités et frictions
François Noudelmann
Annexe
Le nouveau site edouardglissant.world
Dominique Labays
Présentation des auteurs
Homme des archipels, Édouard Glissant a révolutionné la pensée de l’identité, qu’il s’agisse du moi, de la nation ou de la culture. Dépassant l’opposition entre l’universel et le particulier, il a ouvert les esprits à l’expérience de la relation : celle qui transforme, démultiplie, créolise. Son œuvre s’attache à la mémoire de l’esclavage, condamne la colonisation, tout en contestant les communautarismes, pariant généreusement sur les rencontres imprévisibles et fécondes.
Un colloque international a réuni, en 2018, une vingtaine des plus importants spécialistes de Glissant et de grands témoins comme Eduardo Manet et René Depestre. Les perspectives se croisent entre ces écrivains et ces chercheurs venus de la Caraïbe, des États-Unis, de Tunisie, d’Irlande, du Japon, de France, du Canada. Ce livre reproduit leurs débats sur la politique, l’imaginaire, les arts et des évocations de la vie de Glissant.
François Noudelmann, membre de l’Institut universitaire de France, enseigne à l’université Paris 8 et à New York University. Il est l’auteur de la biographie Édouard Glissant. L’identité généreuse (Flammarion, 2018).
Françoise Simasotchi-Bronès, professeure à l’université Paris 8, est spécialiste de littératures francophones : Caraïbes, Océan indien, Afrique subsaharienne.
Yann Toma est professeur à l’université Panthéon-Sorbonne et artiste-observateur à l’ONU. Il est auteur de nombreuses œuvres liées à la relation entre l’énergie artistique et les flux qui traversent le vivant.
Introduction
Le paradigme de l’archipel
François Noudelmann,
Françoise Simasotchi-Bronès, Yann Toma
L’archipel est plus qu’une réalité géographique, il dessine un paradigme. Selon Édouard Glissant, il offre une nouvelle mesure du monde fondée sur les relations. Dépassant la traditionnelle opposition entre îles et continents, il suppose une reconnaissance de chaque lieu, chaque langue, chaque culture, au sein d’une globalité relationnelle. L’archipel implique ainsi une conception dynamique de l’identité qui n’existe que par la mise en contact des différences, lesquelles ne cessent d’échanger et de se métamorphoser. La créolisation est le nom d’un tel processus qui concerne aussi bien la vie sociale que les modes de connaissance. À l’inverse d’une pensée des enfermements identitaires, elle manifeste, sans morale, la transformation archipélique des humanités.
Inspiré par les pensées et les imaginaires créoles, Glissant a développé la vertu paradigmatique de l’archipel à travers les littératures, les arts, les philosophies et les sciences humaines plus généralement. Dans la proximité de Deleuze et de Guattari, le poète philosophe a construit cette pensée de la relation et proposé plusieurs schèmes moteurs très féconds : non seulement le rhizome et l’identité nomade, qu’il a repris à ses deux amis, mais aussi le tremblement, l’imprévisible, la digenèse, la trace, l’opacité, les mémoires transversales… Ces notions sont employées aujourd’hui dans des domaines aussi divers que la littérature, la musique, la philosophie, le droit, l’écologie, la politique, et commentées dans des pays aussi éloignés, en apparence, que le Japon, l’Inde, la Tunisie, le Sénégal, les États-Unis ou le Brésil.
Les textes et les entretiens que nous réunissons dans ce volume sont issus des rencontres internationales que nous avons organisées au printemps 2018. Cette année correspondait à plusieurs anniversaires : les 90 ans de la naissance de Glissant, les 20 ans d’un important colloque de la Sorbonne qui consacra la réception universitaire du poète, mais aussi les 170 ans de l’abolition de l’esclavage en France. Les universités de Paris-Lumières, Panthéon-Sorbonne, Paris 8 et la Bibliothèque nationale de France se sont associées pour accueillir pendant trois jours, à Paris, des chercheuses et des chercheurs venus de lieux aussi divers que Tokyo, Nagoya, Tunis, Montréal, New York, Port-au-Prince, Fort-de-France, Dublin et Londres. Ils incarnent une part de ce Tout-Monde cher à Glissant. Des écrivains se sont joints aux spécialistes et, parmi eux, deux grands témoins historiques, le Haïtien René Depestre et le Cubain Eduardo Manet, amis de longue date du poète et penseur. Le compositeur et chef d’orchestre Olivier Glissant, son fils, ponctua ces journées exceptionnelles en jouant ses œuvres dans la cour d’honneur du Centre Panthéon-Sorbonne.
Les textes que nous avons intégrés dans ce volume ont chacun leur style, leur ton, leur longueur : l’exégèse côtoie le spéculatif, l’incisif, le délibératif, le testimonial et l’entretien. Par fidélité au choix de la diversité qui a présidé à nos rencontres glissantiennes, nous n’avons pas visé à l’harmonisation, nous avons tenu à respecter leur spécificité, chacun trouvant sa place et participant à dessiner les archipels de cette pensée infiniment ouverte qui est celle de Glissant.
Le volume débute par une réflexion sur l’imaginaire des langues, si tant est que toute pensée part de là et que le poète affirmait écrire en présence de toutes les langues du monde. Il était soucieux de n’en perdre aucune et d’y puiser leurs sonorités et leurs imaginaires, dans leur étrangeté même. Poésie, romans et traités tissent leur langage au cœur de telles trames. Dans une deuxième partie sont regroupées les réflexions sur les politiques de la relation. Si Glissant a intitulé ses essais « Poétique », « Esthétique » et « Philosophie » de la relation, la dimension politique de sa pensée y est constante, en soubassement. La question de la communauté créolisée occupe les débats des intervenants, et notamment la place centrale et incontournable du différent, de par sa culture ou son genre. Le paradigme archipélique se poursuit, enfin, dans une troisième partie, à travers les arts dont les connaisseurs de Glissant savent qu’il leur accorda une attention permanente, par sa fréquentation des artistes, les analyses qu’il leur consacra et les collections d’œuvres qu’il constitua. La peinture, la sculpture et le cinéma ont été au cœur de ses réflexions sur l’art, ainsi que sa pensée esthétique du baroque. Enfin le volume se termine par des témoignages et des entretiens sur la vie de Glissant, ou plutôt « les » vies, tant son existence fut plurielle : celles de l’écrivain, du pédagogue, du militant, du nomade et créateur de relations, de l’explorateur et initiateur d’archipels.
Plus qu’une addition d’îles, l’archipel du monde et du soi, multiple, infini, ouvre à des extensions innombrables et imprévisibles.
La littérature dans ses marges, ses confins, sa migrance, sa polyglossie et ses passages des limites, entre les pays, les genres, les esthétiques, les voix.
La collection s’attache à l’étude des écritures mouvantes, au croisement des lieux et des cultures.
« Le texte sur ses frontières, pour une poétique de la migrance »
Sous la direction de Violaine Houdart-Mérot et Françoise Simasotchi-Bronès